Un échec commercial, ça ne fait jamais plaisir. En enchaîner plusieurs d'affilés, ça a de quoi déprimer !

Alors, autant dire qu'en 1983 l'ambiance ne doit pas être à la fête pour les gars de CHIC. Pour le leader Niles RODGERS, pas besoin de chercher bien loin les maux de leurs problèmes : c'est le disco ! Pour le public, CHIC c'est du disco, et ça en '83 c'est un mot tabou. Il décide de sortir un album solo. Le projet est risqué, mais comme il l'avouera plus tard dans son autobiographie, il savait d'avance que ce serait un nouveau flop. Il n'a qu'une idée en tête en entrant au studio, se débarrasser de son image de musicien disco, quitte à partir dans toutes les directions sans vraiment s'organiser.

Avouez pourtant que la pochette donne envie d'écouter le disque avec cette fausse carte ancienne ! Et puis, après tout Niles n'est pas parti travailler tout seul dans son coin, il a quand même invité son comparse Bernard EDWARDS pour jouer de la basse et donner de la voix, sympa !
De toute manière, on n'est pas si loin du style de Believer. Enfin, je veux dire par là que les rythmiques y sont tout aussi syncopées, un style particulier qui ne plaira ni à tout le monde ni à long terme. Je trouve pourtant à ces aventures dans ce beau pays du bon groove plus de qualités qu'à Believer. L'exploration de styles y est déjà plus prépondérante, et le funk a la part belle. Le rêve de Niles Rodgers était d'être guitariste de rock, il en profite pour se faire plaisir et délivrer quelques parties de grattes que n'auraient pas reniées les copains de FUNKADELIC et PARLIAMENT.

Tout le long du disque, Niles s'efforce de délivrer une musique aussi énergique que possible sans jamais sonner tout à fait comme CHIC. Ce n'est pourtant pas faute de s'y approcher par moments, mais la hargne dont il enveloppe les morceaux permet de bien les distinguer. L'écoute du morceau-titre et de “Rock Bottom” se fait pied au plancher en claquant des doigts. C'est du pur Niles Rodgers, rempli de classe et à même de faire remuer un rocher ! Il réussit aussi la ballade “My Love Song For You”, joli passage R&B, pour en faire un des meilleurs morceaux du disque.

Au rayon des presque réussites, vous trouverez “Yum-Yum” et “Most Down”. La première reprend le style urbain de “Rock Bottom” avec presque autant de flair, mais la seconde, plus intéressante, est le petit OVNI du disque. Chant au vocodeur, coincé entre la ballade et l'up-tempo. Qu'en faire ? C'est bien mais pas excellent, et c'est peut-être finalement mon morceau favori du skeud, délicieusement foutraque.

Les morceaux restants n'en sont pas pour autant ratés mais font plutôt office d'amuse-gueules. Il n'y a vraiment que “Get Her Crazy”, trop longue dans sa ritournelle énervante, que j’enlèverais du disque. “Beet” et “It's All In Your Hands” auraient pu mieux briller si ce n'était pour leurs voisines.
Adventures in the Land of the Good Groove aurait-il mieux marché sorti sous un autre nom ? Ça, je ne saurais le dire. En revanche, il est certain que nous avons ici un disque bien sympathique mais oublié. Oublié oui, mais pas par tous : comme à charge de revanche, alors que le monde ne cesse de se pâmer devant son travail pour les DAFT PUNK, Niles Rodgers attribuera en 2015 à son nouveau label le beau nom de “Land of the Good Groove”. Et toc !