Avec le recul, qu'est-ce qui n'allait pas avec le premier album de CHIC ? Toute les recettes qui feront son succès étaient déjà là, mais il manquait encore quelque chose. Ce qu'il fallait au tandem Nile Rodgers/Bernard Edwards était une seconde chance, et c'est exactement ce qu'est ce second album : une seconde chance, l'essai définitif après le brouillon.

Ont-ils réussi le grand saut ? Que le single "Le Freak" ait été classé dans la bibliothèque du Congrès en 2018 pour 'son importance culturelle' répond à la question. "Le Freak", donc. Le single le plus vendu du label Arista Records pendant 35 ans, numéro 1 dans les charts, classé 'meilleure chanson de l'année 1978' par le Billboard Magazine. C'est le premier vrai grand classique du groupe, repris partout et samplé par à peu près tout le monde. Le genre de morceau qui réhabilite le disco. Paradoxalement, les paroles n'en font pas l'éloge puisqu'elles critiquent l'attitude élitiste du personnel du club Studio 54 -que l'on ne présente pas ici-, écrites après que Rodgers et Edwards se sont fait recaler à l'entrée alors que Grace JONES les avait invités. D'ailleurs, le morceau s'appelait à l'origine "Fuck Off" mais fut rapidement changé pour pouvoir passer à la radio.

Ce ne fut d'ailleurs pas la seule chose censurée sur le disque, la pochette a elle aussi dû être remaniée. Figurant sur sa version européenne, une femme enroulée sensuellement autour d'un néon affichant le titre Très Chic, elle parut au États-Unis et pour ses ré-éditions suivantes sous une pochette beaucoup plus sobre et passe-partout qui a finalement mal vieilli, contrairement au premier choix qui collait beaucoup plus avec l'esthétique du groupe. En attendant, cela n'empêche pas l'album d'être le meilleur de CHIC. Attendez une seconde avant de me lapider avec vos exemplaires de Risqué ! C'est CHIC, ce n'est pas que "Le Freak", c'est aussi l'autre gros single "I Want Your Love" qui fait encore partie des trois chansons les plus connues du groupe avec "Good Times". Mais c'est aussi deux chansons feel-good, "Happy Man" et "Sometimes You Win", qui vous feront danser tout aussi bien que les deux gros singles, garanti ou remboursé. Et comme après les danses enflammées viennent les slows, vous avez "Savoir Faire" et "At Last I Am Free" pour emballer votre conquête afin de finir sur les mid-tempos pensés pour les concerts "Chic Cheer" et "(Funny) Bone".

Avec ce second album, CHIC calme tout le monde. Le groupe est en haut de la vague disco, intouchable avec ses hymnes imparables. Sous la fausse simplicité des morceaux, se cache en vérité un orchestre de musiciens dirigés par Bernard Edwards et Nile Rodgers. S'ils frapperont une nouvelle fois un grand coup avec Risqué, c'est véritablement ici qu'ils font un sans-faute. Au risque de sonner ringard, il faut bien avouer que la classe de CHIC manque cruellement aux dance-floors actuels. Calibré à la note près pour le succès, ce second essai reste le testament de l'ombre du génie de son tandem de tête.