Parfois, lors des longs hivers au fond de son Arizona, Maynard en a ras le siphon de chasser les loups et les serpents de ses vignes. Ses leçons de BJJ avec Rickson Gracie ne lui suffisent plus pour échapper à la main mise de l'engin et du cercle parfait sur sa vie d'artiste. Il se replonge alors dans son essentiel PUSCIFER, sa chose, l'extension de sa personnalité, celle qui lui permet de décider tout seul de ce qu'il va mettre sur le microsillon. Tout seul, vraiment ? Tout est relatif tant le nombre d'intervenants sur cet album est gigantesque. Enfin, comment ne pas remarquer la pochette, toute de beaufitude américaine. On ne fait rien comme tout le monde dans le coin !

Mais dès que retentissent les premières lignes de "Tiny Monsters", on sent que KEENAN à franchi un palier, sa voix est d'une clarté qui touche au solaire. La mélodie pop sous tendue par la basse et des synthés éclairés donnent à ce titre une identité magnifique. Evidemment, la simplicité du riff et la répétitivité de "The Green Valley" n'empêchent nullement l'émergence d'une chanson parfaitement recommandable, entrecoupée de quelques arpèges et d'un chant d'une troublante réalité. Et comme à chaque fois, on réalise que l'addiction nous guette. Et puisqu'il faut assumer, voilà un banjp suffisamment traditionnel pour imposer notre homme comme un artiste du fond des USA, c'est "Tumbleweed" et il me semble presque irrésistible. Les voix féminines y sont légions comme souvent avec Maynard, et lorsque retentit la batterie trip-hop sur cette sourde mélopée, on ne peut qu'applaudir des trois mains et en redemander.

"Man Overboard" joue sur plusieurs registres : il y a pour moi une nette influence de Trent REZNOR là-dessous, c'est le premier titre de PUSCIFER avec des blast. Bien plus pressé, la montée en puissance y est assez remarquable, mais Maynard n'y perd sa vibe à aucun moment. D'ailleurs, "Toma" nous ramène à des considérations plus Métalliques, avec un chant très convaincant et une basse énorme. Et puisqu'on en parle, elle est Armaggedonesque sur "The Rapture", haletant et angoissant, le morceau nous laisse crever de soif sous un soleil d'acier chromé.

Avec "Moonsoons", on entre dans le trip-hop désertique. C'est bluffant comme on y sent la brûlure du soleil malgré la froideur de la musique. Le chant léger et aérien de Maynard joue beaucoup sur cette ambiance. On en retiendra la fin en arc-en-ciel avec de très belles cordes. Une guitare folk embraye sur "Horizons", suivie par le traditionnel rythme trip-hop et la basse gargantuesque. Le Western indus de "Conditions Of My Parole" commence à trouver sa voie, quelques relents de PRIMUS dans le je m'enfoutisme, car ce titre est un peu du grand n'importe quoi, mais c'est aussi pour ça qu'on l'aime. On s'est aussi pas mal rapproché de TOOL, plus rien de trio-hop là-dedans ! Enfin, on plonge d'un coup dans les flots de l'"Oceans", et tout cet aspect positif saute un peu à la gorge, étonnant ! Ce garçon a de la ressource !

Certes, il manque encore à cette livraison un titre essentiel, mais on sait que Maynard va le livrer sur le suivant avec "Grandcanyon" qui résonne encore quotidiennement à mes oreilles. C'est évidemment recommandable pour tous les admirateurs d'alternatif de haute volée, pour les fans de TOOL ainsi que d'A PERFECT CIRCLE, mais il n'en demeure pas moins que la personnalité intransigeante et multipolaire de Maynard Keenan ressort de chacun de ses albums solo. On peut ne pas aimer mais on ne peut aussi qu'être pantois d'admiration devant autant de force.