2019, deuxième semestre : année Anthony PHILLIPS, 1ère partie (en attendant le nouvel album de l'intéressé, également prévu pour octobre !)

Drôle de choix pour un deuxième album, premier véritablement complet en termes de durée, que de rendre hommage à un musicien pas des plus connus, pourtant associé à un groupe à succès ! Telle est la décision du collectif ROCKING MUSIC HORSE CLUB, sous la houlette de Brian Coombes, multi-instrumentiste et producteur reconnu. En tant que fan de GENESIS, il explique que la musique d'Ant, dont il avait entendu parler mais rien entendu, était pour lui devenue une légende à une certaine époque car difficile à se procurer. Il déniche un jour The Geese & the Ghost chez un disquaire du Hampshire, et l'enchantement survint (combien sommes-nous dans ce même cas ?).

Avec l'enthousiasme de PHILLIPS en personne, tout le groupe le suit volontiers dans cette aventure et voit plus loin que cela en faisant venir de nombreux invités : Steve HACKETT (que l'on sait très proche d'Ant depuis 10 ou 15 ans, son frère John Hackett (qui avait joué sur The Geese & the Ghost en 1977), leur ancien comparse claviériste Nick Magnus, John Helliwell le saxophoniste de SUPERTRAMP, la non-moins talentueuse Kate ST JOHN, Noel McCalla ancien chanteur pour MANFRED MANN... Prolongeant cette aventure, des spectacles sont prévus pour novembre avec une partie réservée à des reprises du premier album de Mike Rutherford, Smallcreep's Day (1980), dont McCalla était le chanteur (et Ant le claviériste !) et sera, de fait, invité exprès. Une belle action de passionnés visant à réunir la musique de deux anciens amis très proches que le succès de GENESIS a éloignés...

Le ROCKING HORSE MUSIC CLUB, en piochant allègrement dans The Geese & the Ghost, le fait déjà ici car ce devait être un album PHILLIPS-RUTHERFORD avant que ce dernier, bien présent sur les versants composition et instrumental, ne soit trop occupé par le succès de GENESIS. Il y a aussi un large choix des deux disques suivants d'Ant, Wise After the Event (1978) et Sides (1979), les plus orientés rock progressif de sa carrière solo, enregistrés avec Michael Giles (ex-KING CRIMSON) et John G. Perry (ex-CARAVAN).

Chose marquante, il y a peu d'élans réservés aux guitares 12 cordes si chères à Ant, en dehors de la "Silver Song". On parle là du premier morceau enregistré par l'ex-GENESIS en 1973, avec Mike Rutherford et aussi Phil Collins, au chant comme à la batterie ! Une nouvelle version très chouette qui n'a pas à rougir, avec le concours de Nick Magnus pour le solo de Mini-Moog final.

Collins chantait également sur The Geese & the Ghost, deux titres dont "Which Way the Wind Blows", proposée ici en version soft-pop/british soul avec accents r'n'b (certains loops) par l'invité Noel McCalla. Un changement de taille et qui risque de faire jaser, mais vraiment réussi si l'on parvient à l'accepter. Les choeurs sont splendides, le Mellotron vient nous surprendre à la fin, mais moins encore que Steve HACKETT qui délivre un solo très identifiable ! De quoi faire sourire, quand on pense à sa reprise de "Your Own Special Way" (GENESIS) en 1997.

Dans la même veine, une nouvelle version de "Collections" se laisse largement apprécier grâce à la prestation vocale du claviériste du ROCKING, Patrick Gochez, à la chorale ainsi qu'à une touche BEATLES jusqu'alors insoupçonnée. Plus surprenante, "Something Blue", inédite d'Invisible Men (1983, dont on ne connaissait qu'une version pour guitares seules publiée par Ant en 1996 sur Dragonfly Dreams) se révèle encore plus léchée avec la voix unique d'Evelyn CORMIER. L'intervention d'une trompette séduisante par Wesley Thurber va totalement dans le sens d'un album pop délesté qui utilisait beaucoup de cuivres.

De toutes manières, qu'ils soient pop/soul ou prog, les réarrangements du ROCKING sont hautement réussis, d'une finesse parfaite et qui d'une façon ou d'une autre, rendent justice à l'esprit Anthony PHILLIPS ! Idem pour "Um & Aargh", qui semble un peu propret au début mais dont on se délecte vite, la preuve au moment du pont avec les arpèges et le solo de guitare fidèles à la première version de Sides. Les instrumentistes purs du collectif, Myron Kibbee, Mike McAdam, Brenden Harisaides et Eric Wagley se distinguent sur "Pulling Faces", rejoints par l'invité Steve Anderson (THE ROOM) au tapping inspiré.

Le folkeux de la bande, Justin Cohn, illumine cette dernière et aussi "Paperchase" (perle cachée de Wise After the Event) d'un timbre fragile, plus maîtrisé que celui d'Ant forcément. Qualité, on vous dit... Comme les enchaînements flûte/hautbois/cor anglais d'un "Sleepfall: the Geese Fly West", crème ou dentelle musicale un jour et toujours ici, à peine relevée par une batterie tribale.

Reste le morceau de choix, la pièce maitresse : "Nightmare". Entre Giles, Perry et Ant, le niveau était déjà très haut à la base, en 1979, mais les nouveaux sons de claviers couplés au pédalier basse (la nappe horrifique d'intro, la partie centrale irréelle avec la guitare) sont parfaitement adaptés. Ce chef d'oeuvre de rock progressif instrumental prend une dimension supplémentaire lors de la reprise finale du thème, très pinkfloydienne avec Caroline Carter qui vient faire des vocalises. Le sax ténor fiévreux de John Helliwell dialogue avec elle sur l'accalmie finale prolongée, avec synthé ARP soulignant le tout... Une merveille absolue, un plaisir de musiciens complètement partagé avec l'auditeur.

En tant que fan d'Anthony PHILLIPS, malgré le léger regret que tout ou presque demeure centré sur les trois premiers albums (même pas de "Scottish Suite"), je remercie chaleureusement le ROCKING HORSE MUSIC CLUB, et pour la pochette "amoureuse" de l'art de Peter Cross.