La suprématie norvégienne en terme de pop n'est qu'une parenthèse vite refermée, articulée aux alentours de l'an 2000 sur deux ou trois ans à peine. Les voisins suédois ont largement le temps de reprendre le flambeau par la suite, mais de manière beaucoup plus sournoise qu'ils ne l'ont fait avec ABBA : des producteurs, des collaborations avec des chanteuses anglo-saxonnes... De la grosse machinerie adulte et vulgaire, très souvent, loin du charme adolescent et insouciant d'M2M.

En 2002, le duo de jeunes filles, devenues femmes, publie un deuxième album, The Big Room. En toute logique, les attentes sont grandes. L'oeuvre se doit de confirmer le succès obtenu depuis deux ans. Après le triomphe du film Pokemon et du concert à Disneyland, le marché américain est visé de plus belle. L'écriture doit être à la hauteur !

Pour ça, aucun problème. Au contraire, The Big Room surclasse en beauté son prédécesseur, Shades of Purple. M2M revoit complètement son image : le moment n'est plus à la découverte du milieu musical professionnel. Désormais, Marit Larsen et Marion Raven savent exactement ce qu'elles veulent. Comme la seconde le dit : "On change beaucoup entre 14 ans et 17 ans".

On peut presque dire que The Big Room est « son » album. Le titre fait référence à la salle principale des Bearsville Studios de New York, où tout est enregistré en six jours. Ces lieux ont déjà accueilli les ROLLING STONES, ALICE COOPER, Jeff BUCKLEY, R.E.M. et tant d'autres. Le prestigieux Kenny Aronoff tient la batterie et la production est gérée par Jimmy Bralower, contrairement à l'opus précédent où il était "noyé" parmi de nombreux autres noms.

Cela contribue énormément à aérer le son d'M2M qui, après un registre pop électronique r'n'b ado/"bubblegum", lorgne vers un pop-rock et folk jeune adulte et féminin, de quoi plaire aux Américains, à plus forte raison depuis les succès respectifs de Sheryl CROW, Shania TWAIN, Alanis MORISSETTE, Michelle BRANCH. D'autant plus qu'elles sont deux chanteuses au talent double, celui de capturer les oreilles autant que les yeux !

Par rapport aux choix de réalisation du premier album, dans lesquels elle était aussi fortement diluée, Marion prend le pas sur Marit et, même si elles ont composé la plupart des chansons ensemble, l'identité d'M2M ressort mieux que jamais par sa disparité. Marit la douce se réserve les ballades folk en voix principale, tandis que le timbre rock de Marion fait merveille dès le premier morceau.

"Everything" est le single principal, mené par un arpège de guitare et un rythme tous deux très frais, bien balancés. Un peu comme Marion, s'il m'est permis. Pendant la tournée 2000-2001, M2M tourne avec les HANSON. Marion sort avec Zac, un des frères islandais, mais une fois la tournée terminée, il ne lui donne plus aucune nouvelle. Ce qui inspire la chanson à la demoiselle : "How did you change so fast? How could it be so you ruined up my everything, everything?..." ("qu'est-ce qui t'a fait changer si vite ? J'arrive pas à croire que tu aies tout gâché...").

Ca sonne avec délice aux oreilles, et le clip se laisse admirer avec les deux filles roulant en coupé dans un décor de rêve, route côtière ensoleillée, plage. Sauf que Marit est occupée à tenir le volant, ce qui laisse tout l'espace à Marion. Marit très belle, mais toujours discrète, alors que Marion devient de plus en plus sexy et en joue. Comment résister à ces boucles brunes interminables comme ces jambes, à ce sourire éclatant ?

"Sometimes" est dans la même veine pop enlevée et attrayante. On peut en dire autant des morceaux où Marion raconte ses déboires : "Leave Me Alone" où elle s'est fait jeter comme avec Zac Hanson, sauf que l'autre gars a essayé de revenir. Les pauvres mortels ne se sentent pas à la hauteur face à cette créature divine ou quoi ? Après, elle se sent aussi en difficulté par rapport à "Jennifer", la fille adorable et dont son amoureux lui vante les mérites sans cesse. Jealousyyyy.

Le propos est donc encore très "love", mais qui s'en offusque ? Marion et Marit veulent soigner ce disque, en rajoutant quelques surprises comme "Miss Popular" (la "bitch" du lycée qui ne perd rien pour attendre !) et son effort supplémentaire en termes d'arrangement. Il y a de belles guitares 12 cordes, Marion joue des claviers et fait un ou deux soli de guitare, pas virtuoses certes. Marit retrouve son éclat sur des ballades fantastiques et aériennes. Mention spéciale à "Eventually" où les harmonies des deux amies nous émerveillent comme un chant de sirènes dans le crépuscule.

On parle souvent du syndrome du deuxième album et cette fois, ça ne rate pas. L'aisance de la réalisation et sa qualité n'aident pas à renouveler le succès de Shades of Purple et son armada de singles (deux clips ici seulement, "Everything" et "What You Do About Me", tourné en Thaïlande). Malgré un triomphe critique, les Etats-Unis ne sont pas au rendez-vous, la tournée est rapidement annulée et la maison de disques fait pression. M2M se sépare avant la fin de l'année, et dès 2003, les deux amies se détournent l'une de l'autre pour se diriger vers d'autres contrées.