The Healing nous ferait presque mentir sur ce que l'on disait encore récemment à propos des Sud-Africains de BCUC, à savoir qu'il valait mieux jusqu'à présent leur acheter une place de concert plutôt qu'un album. Sans être catastrophiques, Our Truth et encore plus Emakhosini sont en effet loin d'être imparables avec leurs interminables jams qui ne rendent finalement pas grand-chose en studio. En un mot, cette musique lasse rapidement en perdant son auditeur au gré d'improvisations hasardeuses assez vides. Mais avec ce nouvel opus, dernier de la trilogie, le septuor de Soweto nous donne une bonne occasion de lui accorder notre pardon.

The Healing est bon, vraiment bon. Pourtant la formule reste inchangée. Deux très longs morceaux et un troisième plus court en guise d'outro. Mais il y a ici plus de cohérence, plus de réussite. Pourquoi, comment, on n'en sait trop rien car le processus créatif est encore une fois le même. Mosebetsi Jan Nzimande ouvre par une belle ligne basse et lance les percussions, que rejoignent sans tarder les hurlements sauvages de Jovi, les raps de Luja et les vocalises apaisantes de Knogomtso Neo Mokone. Difficile encore une fois d'inscrire The Healing dans une case bien précise. Le groupe se place lui-même sur une nouvelle branche de l'arbre musical, jonction verte entre afro-beat et musique psychédélique. "Nous descendons de tribus qui utilisaient la musique comme thérapie" nous reprécisent-ils encore. L'Afrika Ngungunu se veut être un appel à la transe, une libération des corps et des esprits par le chant, le rythme et la danse. Il prêche aussi la révolte et un changement radical de la société sud-africaine, africaine voire mondiale. Une musique pour le peuple, par le peuple, avec le peuple, principe fondé sur une égalité parfaite entre chacun des membres du collectif.

Pour conclure en beauté, nos Sud-Africains ont ici invité deux guests, et non des moindres. Premier convié, le saxophoniste Femi KUTI intervient ainsi sur "Sikhulekile". On pourrait alors croire à un ersatz voire une caricature involontaire de Fela KUTI, par ailleurs grande influence du groupe, mais ce n'est guère le cas. Plutôt discret, le Nigérian n'impose rien et participe avec respect au rituel explosif de BCUC. Second guest, le rappeur et poète américain Saul WILLIAMS déclame quant à lui en anglais dans la tornade de "Isivunguvungu". À l'instar de deux albums précédents néanmoins, le meilleur morceau reste encore le premier, "The Journey With Mr Van Der Merwe", improvisation furieuse, hors du temps et de l'espace, où le terme d'Afrika Ngungunu prend enfin tout son sens, en tant que véritable expérience psychédélique à la sauce Soweto.

De cette trilogie aux trois couleurs, The Healing en est certainement le disque le plus abouti et le plus intéressant. Bien supérieur au très moyen Emakhosini, il l'emporte également sur Our Truth. Mais alors pourquoi seulement trois étoiles ? La réponse est simple, BCUC n'évolue pas et nous propose à peu de choses près la même musique, les mêmes schémas, les mêmes chants et les mêmes rythmes. On pourrait presque en faire slogan : "The Healing, la même chose, un peu mieux". La réussite est là certes, mais les derniers instants de l'album peuvent aussi laisser poindre une certaine lassitude.