C'était fichu d'avance, inutile d'insérer le CD dans votre lecteur vous ne pouviez qu'être déçus. Comment succéder à Twisted? Comment parvenir à réitérer l'exploit deux fois de suite? A cet album, The Lone Deranger, incombait avant même sa création la plus lourde des tâches en musique : la succession. Ils sont nombreux, les fans, à avoir été déçus. Pensez donc, au mieux l'album reproduit les meilleurs trucs et astuces du précédent, au pire (oui, au pire!) quelques instants manquent d'intensité, quelques instants sont moins mélodiques, quelques instants seulement...

The Lone Deranger a pourtant une caractéristique assez singulière, un passage très influencé celtique en toute fin du dernier titre, "Jiggle of the sphinx". Celui-ci pourra faire penser à toute la scène Trance Psychédélique, qui propose des morceaux plus ambiants que tripants pour des finish en apothéose. Le gros inconvénient, c’est que cette escapade d’à peine deux minutes reste imprimée après écoute, comme si l’album ne se résumait qu’à ce final osé. Impression désagréable s'il en est, comme si l’on venait de perdre son temps, vous pensez, tout ça pour "ça".

Alors vous réécoutez l'album. Impossible, vous vous dites, quelque chose coince, je ne me suis pourtant pas senti lésé en pleine écoute, il y avait bien un truc, LE truc. Mais oui, "Shakey shaker" et sa mélodie toujours plus prenante avait tous les atouts pour figurer sur le premier album. L'accélération fulgurante de "Trancespotter" avec ses rires hallucinés qui termine en ligne droite, là aussi c'est un coup de génie. Même chose pour le titre "Deranger" qui reprend la formule des mantras nasalisés de "Shamanix" pour également achever sa course à une vitesse inouïe. Impossible de résister à l'alarme psychée de "Gamma Goblin part 2", expressément déconseillée aux claustrophobes. La classique spirale a été échangée contre une pièce carrée sans porte ni fenêtre dans laquelle vous êtes enfermé, attaché, impuissant, regardant une panoplie de monstres sonores, égayés et sadiques, tournant sans cesse autour de vous.

A y regarder de près, cet album a bien toutes les qualités de son prédécesseur. Peut-être pourra-t-on lui reprocher une petite baisse de tension sur "Horrorgram", qui s’enchaîne malencontreusement sur le remix de "Snarling [black label]" qui figurait déjà sur le premier album, celui-là même qui s’amusait à Tetris avec vos nerfs. Cette formule remaniée, sans grands apports, se calque sur l’esprit de ce second album : une puissance et une vitesse accrue, au léger détriment d’une forme d'onirisme, d’une douce rêverie, d’un voyage au-delà du réel.

Simon Postford a pourtant bel et bien sorti deux albums incontournables de Trance. Le seul problème de ce deuxième essai étant finalement d’être sorti sous le même nom. Sans quoi, il n’aurait pas souffert de toutes ces comparaisons. Quelques légères erreurs dans l’agencement des pistes, dans l’idée à double tranchant d’intégrer ce fameux passage celtique (très bon par ailleurs) en conclusion et quelques baisses d’intensité par moments, légers, nous rappellent malheureusement à l’ordre. The Lone Deranger n’est cependant pas un album à bouder. Bien au contraire, il se révèle être l’œuvre du meilleur artiste en la matière. Vous serez déçus sans doute, le temps des premières écoutes, pour avoir la satisfaction de posséder l’un des meilleurs albums du genre par la suite, tout simplement.