Recherche avancée       Liste groupes



      
MUSIQUE ÉLECTRONIQUE  |  CLIP VIDEO

L' auteur
Acheter Cet Album
 


 

- Style : Forest Swords
 

 Bandcamp (196)
 Bandcamp (2) (229)
 Site Officiel (251)
 Youtube (chaine Officielle) (464)

LORN - Until There Is No End (2014)
Par CHIPSTOUILLE le 8 Janvier 2022          Consultée 851 fois

I'm gonna dig this hole
'Till I fall in
Until there is no end
Until there is no anything.

Je vais creuser ce trou
Jusqu’à ce que je tombe dedans
Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fin
Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus quoi que ce soit


A priori, LORN nous assène un message des plus nihilistes. Notez bien que la fin mentionne no anything et non nothing. Ce que j’ai donc ici maladroitement traduit par quoi que ce soit pourrait aussi bien se traduire par n’importe quoi. Malheureusement, Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus n’importe quoi, ce n’est pas très français. Mais le titre, c'est bien "Until there is no end". LORN nous indique qu’il va donc creuser jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fin. Quand il n’y a plus de fin, c’est que l’on atteint l’infini. L’infini, ce n’est pas rien. C’est même exactement le contraire. L’infini, c’est l’univers, c’est tout.

Musicalement, sans trahir sa musique abrasive et nihiliste, LORN parvient cependant ici à côtoyer la pop. Si vous n’avez pas été convaincu par l’artiste, peut-être devriez-vous commencer par ici. Une belle chanson, avec un rythme cassé, presque joyeuse au regard de ses autres productions. Une impression d’étrangeté traverse cette chanson. Pourtant, la mélodie semble être sonnée au kazoo. Les nappes de claviers vocaux semblent être une chorale pleine de tendresse. Il y a même des touloulou chantés comme si Marcos Ortega avait composé tout ça sous la douche, le matin, de bonne humeur, juste après le petit-déjeuner. Il n’y a vraiment que la section rythmique et ce léger voile de saturation pour nous rappeler que nous sommes toujours dans l’univers de l’artiste. Le son est parfois étouffé, il y a un long silence et la fin s’évanouit en un instant. Pas de doute, nous sommes bien chez LORN, et ça fonctionne toujours aussi bien.

Le clip nous présente le corps d’une femme, nue comme une statue de la renaissance. L’animation use de rotoscopie, une vieille technique que l'on retrouve dans certains métrages (1) à l’occasion ces derniers temps. Elle consiste à filmer de vraies personnes en premier lieu, pour décalquer par la suite des dessins à la main. Cela donne une impression bizarre de réalisme à l’animation. Quelque chose à la limite de la vallée de l’étrange, comme le souligne Le fossoyeur de film (2).

Ce corps est filmé de toutes parts, sous tous les angles. Au milieu des doigts, des bras, du ventre, le modèle nous dévoile son anatomie. L’extérieur, faussement parfait, découvre un intérieur bien étrange. Il y a bien des os, des muscles, des organes, mais tout y semble désorganisé. Elle nous dévoile des pompes au niveau des hanches, des ovaires en guise d’yeux, des os en forme de cage au niveau des avant-bras. Les couleurs sont absurdes, tout semble inversé. Nos vagues notions d’anatomie nous crient à l’arnaque, c’est n’importe quoi. Pourtant LORN, par cette représentation délirante, nous assène de nouveau une vérité universelle. Une vérité que nous sommes nombreux à ignorer. Ce corps, que nous pensons connaître, n’est pas ce que nous croyons. Pas du tout même, je l’ai d’ailleurs appris à mes dépends récemment.

Devant notre gorge, il y a un petit organe. Celui-ci nous permet d’orienter ce qui vient de notre bouche et notre nez, entre la trachée et l’œsophage. Cette petite chose toute bête, nous pensons la maîtriser. Elle est indispensable, on la sent bien, elle est là, au fond de la bouche et du nez. Mais nous ne la voyons pas. Sans contrôle sur elle, nous sommes incapables de respirer, notre besoin le plus vital, notre priorité absolue. Sans pouvoir respirer, on meurt en quelques minutes. Si je vous dis qu’il s’agit d’un muscle, vous me direz que vous vous en doutiez. Mais si je vous dis qu’il y en a deux, déjà vous doutez. Si je vous dis qu’en plus chacun d’eux est contrôlé par un hémisphère du cerveau différent, vous me croyez ?

Chaque fois que vous avalez de travers, c’est possiblement que votre hémisphère gauche vient de dire merde à votre hémisphère droit. Ou inversement. Comme si là-haut, nous étions deux à nous disputer. Des trucs que nous ne maîtrisons pas à propos de notre corps, à propos de nous-mêmes, à propos de nos fonctions de base, même les plus prioritaires, il y en a plein. Ce que LORN nous intime, c’est que nous ne savons rien.

Nous pensons tous connaître notre corps. Parce qu’on a joué au Doctor Maboul enfant, parce qu’on a vu des dessins d’anatomie, parce qu’on a appris cela à l’école. Peut-être avez-vous vu quelques reportages ou quelques films. En dehors des médecins, des chirurgiens, des thanatopracteurs, qui d’entre nous a réellement eu l’occasion de le vérifier ? Empiriquement, nous ne savons rien. Nos connaissances ne sont basées que sur un ensemble de croyances et de constats qui nous ont été transmis et qui, mis bout à bout, nous semblent logiques. Alors, si nous savons si peu de choses sur notre propre corps, sur notre première priorité, comment pouvons-nous être autant persuadés d’avoir tout le temps raison ? On a souvent tort, en réalité. Le pire, c’est que nous avons beaucoup de difficulté à l’admettre. Même quand toutes les preuves s’accumulent contre nous (3).

Même moi, qui viens de passer une semaine à vous balancer tout un tas de vérités, d’interprétations et de tentatives de solutions à des problèmes, je ne sais rien. On ne peut pas mettre tout en doute non plus. Mais prenez du temps pour y réfléchir, si vous êtes en désaccord avec quelqu’un. Plutôt que d’essayer à tout prix de convaincre l’autre, une fois que vous avez étalé vos arguments, demandez-vous mutuellement pourquoi vous n’êtes pas d’accord. Qu’est ce qui vous a amené à avoir des points de vue différents ? Quelles sont les croyances que l’on vous a transmises et qui vous opposent. Lequel de vous deux a en effet vérifié ses dires de façon empirique ?

J’ai appris une chose alors que j’écrivais toutes ces chroniques sur les clips de LORN. Lorsque nous avons conscience de notre propre finalité, nous ressentons davantage le besoin de partager notre vision du monde (4). Le détail sur les deux muscles dont je vous parlais plus tôt, c’est grâce à ma femme que je l’ai appris. Parce qu’elle est encore grandement paralysée après une rupture d’anévrisme. Un truc qui peut vous tuer d’un coup, sans crier gare. Cette histoire de muscle double, c’est un détail parmi tant d’autres du fonctionnement de notre cerveau qui m’a été jeté à la figure ces derniers mois. Donc j’ai bien conscience de ma propre finalité depuis quelques temps. En effet, j’ai senti le besoin de partager ma vision des choses. LORN, cet artiste que j'admire, m'a offert un excellent tremplin pour ce faire. Je viens donc d’apprendre que tout ça n’a donc rien d’étonnant. J’ai peut-être tort, sur tout ce que je vous ai raconté. Je poursuis ma quête de savoir, conscient que je ne connais finalement rien.

LORN nous intime de continuer à creuser, pour apprendre. C’est tout du moins le message que j’ai reçu de cette chanson. Apprendre jusqu’à ce que l’on se rende compte que l’on ne connaît rien. Apprendre jusqu’à ce que l’on comprenne que le savoir est infini. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fin.

(1) Citons l'adaptation du livre de Philip K. Dick A Scanner Darkly de Richard Linklater, la fameuse version animée inachevée du Seigneur des anneaux de RAlph Bakshi ainsi que Hana et Alice mênent l'enquête de Shunji Iwai
(2) A 2:05, ici:
https://www.youtube.com/watch?v=DaFu3AoDXPY&list=PLHT4ZvmtRHiJfq3Hcg7yEZk7EVI_IIMX6&index=3
(3) Je cherche désespérément la vidéo de la conférence TED d’une personne qui expliquait pourquoi autant de gens étaient encore persuadés que la terre était plate. Si vous l’avez, je suis preneur pour la replacer ici.
(4) C’est en anglais, et uniquement disponible aux abonnés Youtube Premium, il me semble. Il y a plein d’autres vidéos super intéressantes sur la chaîne Vsauce ceci étant. Désolé pour tous les autres :
https://www.youtube.com/watch?v=zRxI0DaQrag

A lire aussi en MUSIQUE ÉLECTRONIQUE par CHIPSTOUILLE :


BALDOCASTER
Ident (2022)
A vous Cognacq-Jay !




LORN
Diamond (2012)
Shine dark like a...


Marquez et partagez





 
   CHIPSTOUILLE

 
  N/A



- Marcos Ortega (musique)
- Bartosz Wojda (production, conception, animation)
- Paulina Hanzel (modèle, support dessin)


1. Until There Is No End



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod