J'imagine sans peine la tête de mon camarade, le kingbee, quand il verra le nom de Pat BOONE exposé ainsi en place publique dans les colonnes de Forces Parallèles. Je sais, les gars... A chaque époque, ses tares : aujourd'hui Kendji GIRAC ou MAITRE GIMS. Dans les fifties, on peut dire que notre bon Pat jouait ce rôle. Bref, un peu d'histoire : Pat descendrait de Daniel Boone, dingue non ? C'est un p'tit gars de Jacksonville en Floride, un tonton des mecs de LYNYRD SKYNRD si vous préférez. En fait, sa famille déménage à Nashville, capitale de la country, alors qu'il a deux ans. Il se marie avec la fille de Red FOLEY, un ponte de la country, alors qu'il a 19 ans, ça a dû aider pour embrayer !

C'est en 54 que débute sa carrière avec ses premiers enregistrements. Tout commence vraiment avec le single "Ain't That A Shame", une reprise gentillette de FATS DOMINO. Pat a une jolie voix, il roucoule très convenablement et nul doute que les mères de famille américaines vont se pâmer devant ce beau jeune homme si bien élevé et convenable, lui. Il incarne dorénavant la jeunesse américaine triomphante des années Eisenowher, et se retrouve opposé au vilain et bruyant voisin de Memphis, j'ai nommé Elvis PRESLEY. Alors, il faut sonner Rock'n'roll ! Pas si simple quand on est un jeune homme de bonne famille impliqué dans sa communauté religieuse et qui doit symboliser les aspects les plus positifs de l'époque. On lui fait donc reprendre "Tutti Frutti" de LITTLE RICHARD... classique passé à la moulinette BOONE ! Mouais, allez c'est écoutable mais à des années lumières de la version d'Elvis pour en citer une.

Pat BOONE n'est pas vraiment un rockeur, mais plusieurs titres sont vaguement "assimilés" : Un petit saxophone drive "Two Hearts" qui annonce quelques titres à venir d'Eddie COCHRAN, c'est donc super sympa et très dans l'air du temps. Ca ne dépote pas, mais c'est très réussi. "At My front Door" pointe d'ailleurs du doigt certains éléments qui vont dominer les charts, les choeurs doo wop, ce rythme scandé de belle allure, et un chant solide sans être méchant le moins du monde. "Tennessee Saturday Night" est tout aussi chaloupée, pas de honte à avoir, franchement ! "Gee Whitaakers" est une espèce de doo wop avant l'heure, un simili rock si vous préférez. Ne vous excitez pas, les gars, ça n'a rien de bien subversif. De toutes manières, notre Pat est le king des bien-pensants Américains blancs des fifties.

Il y a donc essentiellement du typique kitschounet des fifties sur ce premier opus : voyez donc ce "No I Know" qu'on imagine tout droit sorti d'une comédie sirupeuse avec Bing CROSBY ou Red Skelton. Si si ça existe, je vous assure ! C'est pas mal chanté et l'orchestration se laisse bien écouter, mais dieu que ça date ! "Rich In love" et "No Other Arms" sont du même acabit, mais c'est très beau si vous aimez les ambiances fifties, je vous assure ! Et du slow qui chavire et qui traînaille, parfait pour les partys d'après-midi et les gars qui ne savent pas danser. Il faut reconnaître que le timbre de voix du Pat est parfait pour ce genre de chansons. Ecoutez donc "Take The Time". Certes, ça n'a rien à voir avec du rock, mais je ne vous avais rien promis allons. Enfin, avec "Tra-la-la", on est dans la continuité langoureuse des ambiances à la PLATTERS ou de Bobby DARIN quelques années plus tard.

Et c'est ainsi que naît le principal concurrent d'Elvis PRESLEY à la tête des charts. Je sais, il n'est cité nulle part dans les anthologies ou autres bouquins. C'est qu'il faut chercher dans la division "Teenage idol" encore plutôt inexistante et qui ne naîtra réellement que l'année suivante avec Frankie AVALON, FABIAN et Ricky NELSON, et dans laquelle Pat prendra la place qui lui revient de droit. Pour le moment toutefois, Pat BOONE fait une entrée fracassante dans le show-business et écoule des millions de disques en incarnant le jeune gendre idéal.