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JAZZ SOUL AMERICANA  |  STUDIO

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1979 Rickie Lee Jones
1981 Pirates

Rickie Lee JONES - Rickie Lee Jones (1979)
Par LE KINGBEE le 26 Avril 2020          Consultée 4663 fois

Un proverbe provençal annonce : "Deux secrets que les femmes gardent : celui de leur âge et celui de leurs folies". Dans les milieux artistiques, de nombreuses vedettes ont souvent menti ou triché sur leur âge. Si l’industrie cinématographique dispose de quelques exemples cocasses, le business de la musique a son lot de menteurs, de quoi remplir une hotte pleine. Il arrive parfois que certains se vieillissent pour décrocher un rôle ou un contrat, d’autres n’ont pas hésité à se rajouter une, deux voir trois années supplémentaires de façon à pouvoir s’enrôler pour aller jouer au petit soldat. Certains, à l’instar d’Amanda LEAR, sont parvenus à cultiver le secret ou le mystère de leur âge au gré des années. Mais bien souvent, certaines vedettes n’ont pas hésité une seconde à se retirer quelques années, comme si celles-ci pouvaient être un fardeau. Ne leur jetons pas la pierre, il s’agit parfois de stratégies mises en place par leurs employeurs ou diverses boites de production. Certains noms ont fait les choux gras des magazines people : BEYONCE, Geri HALLIWELL, James BLUNT ou EMINEM se sont prêtés au jeu du rajeunissement, stratagème peut être moins dangereux qu’une cure de Botox.

RICKIE LEE JONES n’a jamais menti sur son âge, tous les ouvrages, encyclopédies et sites diverses consacrés à la musique annoncent que la chanteuse au béret est née le 8 novembre 1954 au lieu de 1953, une petite erreur que Rickie n’a jamais jugé bon de corriger. De toute façon personne ne lui a rien demandé.

Originaire de l’Illinois, Rickie a dans ses gènes une destinée musicale à laquelle elle n’échappera pas. Deux de ses grands-parents ont exercé dans le Vaudeville et la comédie, son paternel a tâté du pinceau, de la trompette avant de se mettre à composer. Le bonhomme n’a cependant jamais été plus loin se contentant de son métier de serveur tout en entretenant sa passion pour la musique. Sa famille s’installe en Arizona puis à Olympia (à 100 bornes de Seattle) à l’orée des sixties, la gamine fait de la danse de l’équitation jusqu'à ce que son père prenne ses cliques et ses claques, laissant sa mère toute seule avec quatre enfants dans les bras. A 14 ans, Rickie rejoint son paternel à Kansas City et quitte le lycée alors qu’elle est en première.
Etablie à Los Angeles à 18 ans, elle entame le circuit des bars, enregistre une maquette en 1978, rencontre Tom WAITS avec lequel elle vit une brève histoire d’amour. Elle sympathise avec Lowell GEORGE, leader de LITTLE FEAT, qui la recommande à Lenny Waronker. Ancien de l’écurie Reprise, Waronker a assez de pif et une solide expérience (son père est le fondateur de Liberty Records) pour s’appuyer sur la démo quatre titres qu’il écoute presque à l’emporte pièce. Avec l’appui de son pote Russ Titelman (les deux amis ont produit avec succès Randy NEWMAN et Ry COODER), Waronker décide aussitôt d’envoyer sa trouvaille en studio. En décembre 78, Rickie enregistre à l’arrache deux premiers titres en une prise comme en Live. Warner renvoie ensuite la chanteuse dans ses studios de Burbank avec une équipe triée sur le volet.

Sous l’ère de Mo Ostin, le label Warner Bros a le vent en poupe en cette fin seventies. Le label truste les bonnes pioches avec FLEETWOOD MAC, Rod STEWART, STEELY DAN, The DOOBIE BROTHERS, Randy NEWMAN, ZAPPA avec son "Zoot Allures", sans oublier les arrivées de George BENSON et de PRINCE. Mais Rickie Lee JONES restera l’auteure d’un vrai coup de canon avec la sortie d’un premier disque qui allait se classer à la troisième place du Hot 100. Un vrai carton pour un premier bébé !

Waronker et Titelman ont regroupé une véritable armada afin d’épauler la chanteuse débutante au niveau discographique. En dehors de deux louveteaux Matthew WIENER et Leslie SMITH aux chœurs, les différents sidemen ont tous d’impressionnants parcours. Les participations de Michael McDONALD (STELLY DAN, DOOBIE BROTHERS, LITTLE FEAT), Arno LUCAS (RUFUS, CRACKIN’, Randy NEWMAN) et Joe TURANO (Rod STEWART, Janis IAN) dans des rôles de choristes en sont les plus beaux exemples. On retrouve également les guitaristes Fred TACKETT (LITTLE FEAT, Harry NILSSON, Bonnie RAITT) également présent à la mandoline, Buzzy FEINTEN (Gene CLARK, Paul BUTTERFIELD), le contrebassiste Red CALLENDER (Dexter GORDON, Charlie PARKER, Peggy Lee) le bassiste Willie WEEKS (Donny HATHAWAY, Bobby WOMACK, Steve WINWOOD). La section cuivre a de quoi faire des envieux avec les saxophonistes Ernie WATTS (Cannonball ADERLEY, Buddy RICH, Lee RITENOUR), Tom SCOTT (Joni MITCHELL, Tina TURNER, BLUES BROTHERS) le trompettiste tromboniste Chuck FINDLEY (BB KING, Yvonne ELLIMAN, STEELY DAN, TOTO).
Ont également été conviés une belle troupe de claviéristes comprenant entre autre DR. JOHN, Neil LARSEN (Roy BUCHANAN, George HARRISON, COMMANDER CODY), Ralph GRIERSON (Henry MANCINI, Harry NILSSON) et Michael BODDICKER (POCO, Quincy JONES, SANTANA).

Pour ne pas faire de jaloux, une belle brochette de batteurs figure aux réjouissances : Steve GADD (Maggie BELL, Chick CORREA, STEELY DAN), Andy NEWMARK (Esther PHILLIPS, Laura NYRO, George HARRISON), Victor FELDMAN (Shelly MANNE, Wes MONTGOMERY, Candi STATON) et Jeffrey PORCARO (Peggy LEE, Robert PALMER, BOZ SCAGGS) le tout supervisé par l’accordéoniste arrangeur Nick DeCARO (POCO, Gabor SZABO, Allen TOUSSAINT). C’est un bel attroupement de requins de studio mais Rickie Lee JONES va parvenir à prendre tout ce beau monde dans son filet en deux coups de cuillères à pot. La plupart de ces accompagnateurs ont déjà croisé le fer et il y a une forte corrélation avec les groupes STEELY DAN, DOOBIE BROTHERS et LITTLE FEAT.

Rickie est venue avec onze chansons dont deux collaborations avec Alfred JOHNSON, un auteur spécialisé dans la Soul. Coup de bol ou chance du débutant, le disque s’ouvre sur "Chuck E.’s In Love", une ballade entraînante dont la trame explore différents panoramas passant de la Country à la Soul et dans laquelle la voix s’impose sous une orchestration mitonnée aux petits oignons. Pour l’anecdote, Chuck E. Weiss était un ami de Tom WAITS et fut brièvement batteur pour Lightnin’ HOPKINS. Si le single échoue aux marches du podium, le disque se classera à la première place en Australie, la 3ème aux States et la 18ème chez les cousins britanniques.

Lors d’une interview la chanteuse déclarait : "Quand les gens me comparent à d’autres chanteuses ou auteurs, je les ignore. J’en rigole. Ma musique est vraie, personnelle, très marquée par le Jazz et la Soul". Si on peut trouver le propos un brin fanfaron, admettons que Jones n’est tout de même pas loin de la vérité même si certaines tranches du disque peuvent évoquer Joni MITCHELL, Laura NYRO. Les nombreuses ballades dépeignent souvent les facettes d’une Amérique désenchantée, pauvre et inégalitaire, d’une Amérique de la rue celle des bas fonds bourrés de laissés pour compte. "On Saturday Afternoons in 1963" avec son intro délicate au piano fait référence à ses jeunes années à travers une poésie aussi sucrée-salée que débridée. "Night Train" évoque avec lyrisme les tourments d’une enfance déchirée par le départ brusque d’un père qu’elle vénère. Sur "The Last Chance Texaco" elle pose ses allégories entre une station essence et la possibilité d’un éventuel mariage, seul et dernier moyen de rompre avec le néant de la solitude. "Coolsville" se situe entre Soul et une connotation dramatique inspirée du Jazz. Un titre qui lui vaudra le surnom de Duchess of Coolsville par le biais d’une couverture de Time Magazine.

Sur "Easy Money", l’intro de contrebasse d’une vingtaine de secondes place résolument la chanson dans le domaine du Jazz. Les métaphores sur l’argent facile et les vicissitudes d’un couple digne de figurer dans un roman de Salinger prennent comme un air de sophistication via le vibraphone de Victor FELDMAN. Si Lowell GEORGE enregistra la chanson quelques semaines avant son amie, c’est curieusement sa version qui inspirera la reprise de Candye KANE. Le titre est toujours très tendance, la danoise Caecilie NORBY en délivrait il y a peu une version aussi prétentieuse qu’ampoulée. L’excellente chanteuse norvégienne Hilde HEFTE reprenait cette pépite sur une base encore plus épurée que l’original avec une contrebasse époustouflante. Une version qui mérite d’être découverte.Avec ses percussions "Young Blood" se situe entre Soul Pop à la Rita COOLIDGE et une World Music dansante "After Hours (Twelve Bars Past Goodnight)" vient sceller l’album sous une forme de berceuse aussi bluesy que nostalgique d’un temps révolu.

La cadence s’accélère nettement sur "Danny’s All-Star Joint", avec une rythmique implacable (quelle basse !), des montées fulgurantes de cuivres pour un titre délicieusement agité au bord du Rock n Roll sur lequel la voix de soprano fait merveille. L’allure pleine de torpeur de "Weasel And The White Boys Cool" monte crescendo, les claquements de doigts impriment un groove imparable pour le titre le plus long du disque, les cuivres interviennent en fin de morceau dans une palette sonore et nocturne évoquant la trompette de Miles DAVIS dans le générique du film "Ascenseur Pour l'Echafaud".

Avec des intonations bigarrées conjuguant aussi bien Soul, Jazz, Country et ce qu’on ne tardera pas à appeler Americana, Rickie Lee JONES nous délivrait l’un des meilleurs albums de cette fin de décennies. Excellente conteuse d’histoires pleines de métaphores sous abracadabrantes, Jones parvient à surfer sur des textes que ne renieraient pas Lucinda WILLIAMS, Joni MITCHELL, Laura NYRO ou Neil YOUNG. Le 27 février 1980, le disque sera récompensé d’un Grammy Award dans la catégorie Révélation. Un disque qui n’a guère pris de rides, seul "Company" sonne trop mélo et surtout trop lent aujourd'hui. Pour une meilleure visibilité ce disque sera classé dans la catégorie Pop, faute de mieux.


Lors d’un concert radio pour Fip en 2009, alors que je n’avais aucune place, c’est Ricky Lee JONES alors qu’elle fumait une cigarette devant Radio France qui me permit de rentrer dans l’enceinte.

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- Rickie Lee Jones (chant, guitare, claviers)
- Fred Tackett (guitare, mandoline)
- Buzzy Feintein (guitare)
- Willie Weeks (basse)
- Red Callender (contrebasse)
- Steve Gadd (batterie 1-4)
- Andy Newmark (batterie)
- Victor Feldman (batterie, vibraphone 5, percussions)
- Mark Stevens (batterie, percussions)
- Jeffrey Porcaro (batterie)
- Neil Larsen (claviers)
- Randy Kerber (claviers)
- Ralph Grierson (claviers)
- Dr John (piano)
- Randy Newman (synthétiseur)
- Michael Boddicker (synthétiseur)
- Tom Scott (saxophone)
- Ernie Watts (saxophone)
- Chuck Findley (trompette, trombone)
- Nick Decastro (accordéon)
- Michael Mcdonald (chœurs)
- Arno Lucas (chœurs)
- Leslie Smith (chœurs)
- Joe Turano (chœurs)
- Matthew Wiener (chœurs)


1. Chuck E.'s In Love
2. On Saturday Afternoons In 1963
3. Night Train
4. Young Blood
5. Easy Money
6. The Last Chance Texaco
7. Danny's All Star Joint
8. Coolsville
9. Weasel And The White Boy's Cool
10. Company
11. After Hours (twelve Bars Past Goodnight)



             



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