Difficile de naviguer entre humour et chanson française tout en étant crédible et reconnu dans ces deux domaines. Et rares sont ceux qui ont réussi à mener de front ce double combat sur la durée. On peut citer les FRERES JACQUES, les WRIGGLES, les VRP, les CHARLOTS, LA CHANSON DU DIMANCHE ou bien les FATALS PICARDS, dont justement Olivier DELAFOSSE (aka OLDELAF) a été guitariste en 2003.
Ce nouveau disque d’OLDELAF en apporte la démonstration en affirmant la tendance constatée depuis que le groupe OLDELAF ET MONSIEUR D est devenu OLDELAF et que les chansons ne sont plus uniquement un véhicule à l’humour mais trouvent de plus en plus une raison d’être qui leur est propre. A tel point que "Michel" est peut-être la seule chanson de cet album dont l'objectif exclusif soit de faire rire.
Les autres titres multi-dimensionnels pourraient être regroupés en fonction de deux logiques différentes : ceux qui au travers de l’humour ont vocation à faire passer un message ou à transmettre des sentiments ("Maman", "Saint Amour", "Patrick Bruel"), et ceux ayant clairement pris le parti de la chanson française qui adoptent un ton plus grave et plus sérieux ("Novembre", "Double sens", "Les fourmis").

Mais si Mister DELAFOSSE a mis de l’eau dans son nez rouge, force est de constater que cette diversité lui réussit plutôt bien et qu'il se montre aussi à l’aise dans un style que dans l’autre. Le ton légèrement désabusé et mélancolique associé à un sens de l’absurde et une facilité pour transcender la description des scènes du quotidien font merveille.
A l’instar d’un BENABAR, OLDELAF possède un réel don pour nous embarquer dans des univers qui nous interpellent d'emblée et dans lesquels nous parvenons sans peine à nous projeter. Il en va ainsi de "Saint Amour", narration évoquant grandement un BENABAR qui aurait délaissé l’usage des cuivres. Le résultat est imparable, mêlant moquerie et tendresse. Le sommet étant probablement atteint avec "Maman" qui enchaîne avec bonheur les contre-pieds en nous ballotant d'humour noir en tendresse convenue. Il en va un peu de même avec "Allo" qui sous prétexte d’autodérision brocarde notre monde hyper connecté, ou de "Patrick Bruel" qui évoque la fuite du temps et la difficulté de se voir vieillir.
Mais, comme « Goliath » nous le faisait déjà pressentir, OLDELAF sait également se faire plus grave et plus sombre. C’est ainsi le cas de "Novembre" qui évoque les attentats de novembre 2015, ou bien du magnifique "Double sens", autant de titres plus introspectifs qui nous montrent un artiste en pleine possession de son art. Ce dernier morceau est celui qui m’a le plus ensorcelé, notamment grâce à son rythme enjoué et ses belles harmonies vocales.

Le style général est assez minimaliste : un clavier et une guitare très sobres, une rythmique qui ne s’autorise pas de digressions trop osées, et des vocaux qui donnent également dans la retenue.
Il n’y a guère que le final de "Tranquilou" où le chanteur se permet quelques montées dans les aiguës qui pourraient évoquer POLNAREFF.
Mais cette simplicité et cette sobriété ne s’avèrent pas gênantes.Bien au contraire, il s'exhale de « L’aventure » un charme réel fait de jolies mélodies et d’ambiances doucereuses.
Rien de bouleversant ni de révolutionnaire, soit dit en passant. Mais tout comme cela était le cas de Goliath, son précédent album, OLDELAF parvient à imposer son style fait d’élégance et d’humour, pour nous faire passer d’excellents moments en sa compagnie.