Je ne vais pas vous le cacher, OUBERET partait gagnant. Un groupe qui nomme un de ses morceaux "La dérive des incontinents" mérite déjà toute notre admiration. Mais lorsque le même groupe fait coup double en mêlant clin d'oeil au film-culte Wayne's World tout en réaffirmant ses racines celtiques, avec le titre "Jigateuf excellent", on ne peut que s'incliner. OUBERET sort son sixième album, et OUBERET est grand.

Il faut dire que les Auvergnats, qui commencent à avoir de la bouteille, n'en sont plus à leur coup d'essai et savent mener leur barque, mêlant celtisme et humour dans un univers bariolé, visuellement surprenant, donnant l'impression d'être fait de bric et de broc, mais musicalement affûté et bien défini. Ceci est particulièrement vrai sur Jörðin qui se fait plus rock et agressif que ses prédécesseurs. Les guitares, qui soutiennent avec vigueur les instruments traditionnels, vont chercher du côté d'accords mineurs parfois sombres et musculeux, à l'image de ceux qui forment l'instrumental "Dark Mi Maul", une des pièces maîtresses d'un album qui ne manque pourtant pas de moments de bravoure.

Les guitares électriques, au centre des débats, permettent de "solidifier" la musique d'OUBERET, de l'ancrer dans une mouvance rock celtique certes largement inspirée par TRI YANN, également agrémentée de nombreuses références à MATMATAH (le titre d'introduction, "Oubéret est là !", voire offrant quelques clins d'oeil à KALFFA, qui oeuvre dans un registre similaire, mais également éminemment personnel, par la manière de mêler humour et engagement, grivoiserie et apologie d'une vie simple, où ce qui compte c'est la route, et non pas la destination ("Larodde Trip" et ses ambiances reggae/rock).

Le groupe sait y faire dans l'efficace, l'immédiat et le festif. "Pirate", véritable tube rock celtique en puissance, y va de ses "la la la" fédérateurs, de son refrain imparable et de ses mélodies si bien ficelées qu'elles donneraient le sourire à un marin breton. Mais, et c'est la sa force, OUBERET voit plus loin que le bout de son biniou et propose tour à tour des textes s'éloignant des clichés du genre, évoquant des sujets tel que la pollution et la responsabilité de l'être humain dans l'inaction au quotidien ("Terre"), se positionnant en ce sens sur la même ligne que CELKILT, autre grand espoir du rock celtique made in France.

Sorti pendant le confinement, ce nouvel album d'OUBERET est incompatible avec les injonctions de distanciation sociale. On se balance, bras-dessus bras-dessous, en reprenant le refrain de la ballade folk "Ma taverne", on pogote (toujours dans le respect de la crête de son voisin) sur "Pierre, feuille, schizo" et ses ambiances punk, et on embrasse ses voisins sans arrière-pensée sur "Ma source de vie" qui donne envie de tout plaquer pour aller élever du chouchen en barrique sur l'île d'Hœdic.

Surjouant les clichés, mais s'en éloignant raisonnablement afin de ne pas s'enfermer dans son rock celtique bien plus varié qu'il n'y paraît, OUBERET propose un album varié, sur lequel chaque morceau semble à sa place, le plus surprenant étant finalement "La dérive des incontinents", cité en début de critique, valse triste qui n'aurait pas dépareillé dans le répertoire de Renaud. Au final, un album festif et sérieux, résolument inventif, qui pose un peu plus OUBERET comme un grand nom du rock celtique contemporain.