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1957 The Best Of Little Walter

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1969 Hate To See You Go

LITTLE WALTER - The Best Of Little Walter (1957)
Par LE KINGBEE le 7 Mars 2021          Consultée 918 fois

Drôle de personnage que Marion Walter Jacobs, plus connu sous le pseudonyme Little WALTER. Inquiétant, arrogant, magouilleur et ombrageux seraient d’ailleurs des qualificatifs collant mieux à la réalité. Certains journalistes français se rappellent avoir vu le bonhomme jouer du surin avec Sonny Boy WILLIAMSON au Méridien pour une sombre histoire de whisky impayé. On ignore avec exactitude sa date de naissance. La plupart des encyclopédies annonce 1930, mais il est fort possible qu’il soit né cinq ans avant, il aurait cependant vu le jour un 1er mai à Marksville, bourgade à cent vingt bornes au Nord de Lafayette.

Le jeune Marion vit dans une ferme auprès de ses parents, de pauvres métayers. A huit ans le garçon se met à l’harmonica, instrument qu’il apprend en autodidacte puis se met à la guitare. A douze ans, il quitte l’école et le lopin de terre familial pour tenter sa chance dans les rues de la Nouvelle Orléans. C’est le début d’un long périple de quatre ans qui va l’amener à Helena où il côtoie Sonny Boy WILIAMSON II, à Memphis, à Saint Louis pour déboucher sur Chicago. Sur Maxwell Street, il rencontre Big Bill BROONZY, Tampa Red, Jimmy ROGERS et MEMPHIS SLIM (pour ne citer que les principaux).

C’est en 1947 qu’il enregistre ses premières faces pour le micro label Ora Nelle en compagnie des guitaristes Othum Brown et Jimmy Rogers. S’il lui arrive de se produire guitare à la main, Marion que tout l e monde appelle Little Walter depuis son arrivée à Chicago se fait rapidement remarquer par son jeu d’harmonica. Techniquement, Little Walter évolue très rapidement, il va s’adapter au Blues électrique en amplifiant son harmonica et devient l’un des vecteurs essentiels de l’harmonica blues. Dès 1949 il intègre l’orchestre de Muddy WATERS, ce qui ne l’empêche pas de s’associer avec « Baby Face » Leroy Foster avec lequel il grave une poignée de singles. Ii enregistre de superbes pièces dans un rôle de semi soliste pour Muddy Waters, mais c’est en mai 1952 que sa carrière décolle par le plus grand des hasards. Alors qu’il vient de participer à "Please Have Mercy" pour Muddy Waters, Leonard Chess lui propose de passer en studio où il enregistre "Juke", un instrumental flamboyant qui monte sur la première marche des charts R&B, contre toute attente.

C’est bien connu, en musique, il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. Little Walter quitte Muddy Waters et monte son propre orchestre. Il chipe les frangins Louis et Dave Myers et le batteur Fred Below à Junior WELLS et enregistre toutes une série de titres de haut calibre. Si Little Walter est exigeant, allant parfois jusqu'à répéter pendant des semaines entières un titre pour atteindre la perfection, son caractère belliqueux commence à lui jouer des tours. Le bonhomme n’hésite pas à voler ses propres musiciens, à les tromper au niveau des contrats et des cachets récoltés pour les concerts. Les frères Myers le laissent en plan en octobre 54. L’harmoniciste fera alors équipe avec Robert Lockwood et Willie DIXON, deux gars peinards qui sont son opposé. Si le bonhomme aligne les chefs-d’œuvre, sa rapacité, ses colères, son abus d’alcool, sans oublier de sordides histoires de sexe causent le départ de Lockwood qui prend ses cliques et ses claques au milieu de l’année 58.

La décennie suivante va s’annoncer plus rude ; les tendances et les mœurs changent, le jeune public afro-américain se tourne vers d’autres horizons musicaux et Little Walter perd rapidement une partie de sa popularité. S’il vient alors plusieurs fois en Europe où il est considéré comme une icône,, participant à de grosses tournées, ses concerts sur ses terres se raréfient. Arrogant, imbu de lui-même, Little Walter déjà peu propice à l’amitié va s’isoler de son petit cercle de relations. En octobre 67, l’harmoniciste vient en Europe dans le cadre d’une tournée organisée par l’American Folk Blues Festival, il passe à la télé allemande en compagnie de Koko TAYLOR, Hound Dog Taylor. A son retour à Chicago, il est impliqué dans une bagarre à la sortie d’un concert dans un club du South Side. Rien d’alarmant à priori dans cette énième rixe sauf qu’on le retrouve sans vie le lendemain dans la chambre d’une de ses compagnes. Officiellement, l’un des plus grands harmonicistes Blues de l’après-guerre est déclaré mort d’une crise cardiaque le 15 février 1968. Contrairement à ce qu’annoncent certains sites et encyclopédies, "The Best Of Little Walter" est un album à part entière et non une compilation malgré son titre. Sur la pochette en noir et blanc, c’est son visage en gros plan qui apparaît, l’artiste soufflant dans un harmonica chromatique. La pochette dorsale est signée de Studs Terkel, le journaliste radio, grand amateur de Jazz et auteur de plusieurs livres de référence sur le Jazz et d’essais sociologiques et historiques, brosse le portrait d’un artiste qui était alors au sommet de son art.

Chess Records nous offre ici douze titres gravés entre 1952 et 1955. Comble de l’ironie, pas un seul titre n’est sorti en single chez la maison-mère : onze sont parus sur des singles Checker, "Blues Light" issu d’une session de février 1954 demeurait jusqu'alors totalement inédit. On peut être surpris du manque total de chronologie, tant au niveau des dates d’enregistrement que des dates de sortie des singles. La moitié du contenu reprend la totalité des trois singles Checker 758,764 et 770 auxquels viennent s’ajouter une face des singles 779, 780, 786, 805 et 811.

Contrairement à de nombreuses productions incorporant l’intitulé Best Of, locution censée regrouper les titres les plus connus ou les plus vendus d’un artiste, ce disque fait la juste part des choses entre succès et des titres de seconde mains qui seront repris par d’autres parfois bien des années plus tard. Plusieurs instrumentaux permettent de rendre compte de la virtuosité de l’harmoniciste et de ses différents orchestres. Le méconnu "Sad Hours" est un modèle de shufle, l’harmonica venant se poser sur une rythmique de métronome. "Off The Wall"⸋se révèle un brin plus dynamique et comme souvent laisse le premier rôle à l’harmonica. Paul BUTTERFIELDBLUES BAND et Jammes COTTON placeront cette obscurité à leur répertoire. Troisième instrumental avec « Blue Light », seul titre du disque à ne pas avoir eu les honneurs d’un single. Le titre joué à l’harmonica chromatique (celui avec une targette) servira de générique à l’émission "Blue Light Hour" présentée par Sam Evans sur la WGES, célèbre station de radio basée à Chicago. Quatrième et dernier instrumental avec "Juke" qui vaudra à son auteur une soudaine popularité. Rythmique aux petits oignons, phrasé d’harmonica hallucinant jouant sur les trois premières positions. Un titre repris plus tard par George « Harmonica » Smith, Walter Horton et Charlie McCoy.

Si Little Walter était aussi un excellent compositeur, il reprenait à l’occasion les morceaux des autres. Deux emprunts viennent fleurir le disque : "Mean Old World"° œuvre de T Bone Walker, dans laquelle l’harmoniciste gomme tous les effets de Texas Blues et de Jazz West Coast (deux régions géographiquement à l’opposé). Le titre fera le bonheur de James COTTON, Chuck BERRY sans oublier l’étonnante Nina HAGEN, auteure d’une version surprenante. Seconde reprise avec "Blues With A Feeling" du batteur texan Rabon Tarrant, futur compagnon de route de Charles MINGUS. Là, si l’harmonica sert de locomotive, les guitares des Frères Myers placent le titres sur de bons rails.

"You’re So Fine"⃰ tient autant du Chicago Blues que d’un Swamp à la Jimmy RED ou Slim HARPO, la voix s’annonce moins âpre et plus trainante par rapport aux codes du Chicago Blues de l’époque. Un titre parfaitement caractéristique des bluesmen issus du Delta ou de Louisiane migrant vers les ghettos de la Windy City. Vous l’avez surement lu, de nombreux bluesmen n’ont cessé de s’inspirer de leurs collègues. « Can't Hold Out Much Longer" reprend quelques strophes du "Crazy About You Baby" de Sonny Boy Williamson sur une mélodie avoisinante. Le titre sera repris par CLAPTON, Walter Horton et Big George Brock. "You Better Watch Yourself » se situe à la frontière entre Chicago Blues et Rock n Roll, le chant de fait plus menaçant et les riffs de Dave Myers sont implacables. John Hammond contribuera à populariser le morceau auprès des amateurs de Folk Revival, nous aurons nous une préférence pour les versions de NINE BELOW ZERO, Luther «"uitar Jr." JOHNSON ou Junior WELLS.

Parmi les titres devenus standards, "Last Nigh"*** un blues lent s’inspire plus ou moins du "My Old Pal Blues" de Scrapper Blackwell, dans lequel le musicien rendait hommage au pianiste Leroy Carr. La lenteur de la mélodie crée une tension dramatique hors norme. Luther ALLISON, Carey Bell Billy Boy Arnold en délivreront des reprises d’excellente facture. Un titre toujours à la page, Billy BRANCH le reprenant dans son dernier CD. Si "Tell Me Mama" n’a pas la notoriété de son prédécesseur, il n’en demeure pas moins une pièce digne des meilleurs Black Rock n Roll. Willie Dixon et Fred Below impriment un tempo imparable dans lequel l’harmonica ouvre de vraies brèches. Terminons par l’un des plus gros cartons de l’harmoniciste avec "My Babe", compo de Willie Dixon. A l’origine, le contrebassiste avait collaboré à une session Chess avec le Révérend Ballenger en reprenant "This Train" un spiritual traditionnel, un variant de "This Train Is Bound For Glory". Dixon transformera quelque peu la mélodie et métamorphose ce train vecteur de foi envers le Seigneur en des paroles plus évocatrices de l’âme masculine. Maintes fois repris, "My Babe" deviendra l’un des titres le plus pratiqué par tout apprenti bluesman. "My baby don't stand no cheatin', my babe -Oh yeah she don't stand no cheatin'- My babe, true little baby, my babe".

Ce premier jet marque le lancement d’une première fusée. Maintes fois réédité, The Best of Little Walter vient de connaitre une énième réédition vinyle via Sundazed. Un disque regroupant aussi bien de bons inusités, des titres mineurs et des standards qui mettent en exergue le talent et la virtuosité d’un harmoniciste qui aura révolutionné l’harmonica blues.


⸋ Rien à voir avec le titre de Michael Jackson.
° Titre homonyme à celui de Big Bill Broonzy.
⃰ Titre homonyme à celui des Falcons.
⃰⃰ ⃰ Titre homonyme ç celui de Lightnin’ Hopkins.
⃰ ⃰ ⃰Titre homonyme à ceux des Mar-Keys, Merseybeats, Traveling Wilburys.

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- Little Walter (chant, harmonica)
- Dave Myers (guitare 2-3-4-5-8-9-10-11-12)
- Louis Myers (guitare 2-3-5-8-9-12)
- Robert Lockwood Guitare 1-4-10-11)
- Jimmy Rogers (guitare 6-7)
- Leonard Gaston (guitare 1)
- Willie Dixon (basse 1-3-4-5-9-10-11-12)
- Fred Below (batterie 1-2-3-4-5-8-9-10-11-12)
- Elga Rogers (batterie 6-7)


1. My Babe
2. Sad Hours
3. You're So Fine
4. Last Night
5. Blues With A Feeling
6. Can't Hold Out Much Longer
7. Juke
8. Mean Old World
9. Off The Wall
10. You Better Watch Yourself
11. Blue Lights
12. Tell Me Mamma



             



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