Les Russes de MOTORAMA, sans le vouloir forcément, sont devenus, au fil des années passant, des artistes précieux. En effet, en plus de proposer depuis plus d'une décennie une musique froide aux contours pop des plus intéressantes et assumées, ce groupe emmené par l'exigeant et taciturne Vladislav Parshin a permis de mettre également en lumière la scène rock plutôt méconnue de son pays. Pour être tout à fait honnête avec vous, jusqu'à la découverte en 2010 de ce quatuor originaire de Rostov-Sur-Le-Don, je ne connaissais que les cultes KINO de Viktor TSOY qui sévissaient dans l'URSS autarcique des années 80. Parshin a rapidement trouvé son public, que ce soit en Europe occidentale et, une fois n'est pas coutume, encore plus dans l'Amérique du Sud passionnée. Fer de lance d'une certaine cold-wave qui allie ultra-minimalisme et mélodies entêtantes, MOTORAMA avec ce sixième album* sorti sans aucune annonce continue de creuser un peu plus le sillon d'une identité discrète et attachante.

Qui dit Russie dit forcément, dans l'imaginaire commun ou du moins dans le mien, espaces désolés inlassablement battus par un vent glacial. C'est bien effectivement cette sensation qui enveloppait Alps (2010) et Calendar (2012) les deux premiers albums de l'austère combo. Ceci allait être confirmé directement par les expériences scéniques. Pour preuve et anecdote, j'ai le souvenir de concerts en octobre 2015 et 2018 à Caen façon Grande Retraite de Russie. Intensité et émotion : 100%. Communication: 0%. Tu viens pour la musique... et exclusivement pour elle. Puis, plus le temps a fait son affaire et plus les ambiances se sont teintes de couleurs automnales, voire printanières à l'image de la pochette de Before The Road qui représente la végétation colorée de la toundra. MOTORAMA a progressivement réchauffé ses notes pour obtenir des textures pop. Il ne faut pas chercher avec les Russes une quelconque remise en cause artistique. Elle ne viendra sans doute jamais et ceci n'enlève en rien le sel de l'ensemble qui ne crée pas encore pour l'instant de lassitude.

Before The Road ne fait donc pas exception. On a la nette impression que le groupe s'est toutefois lancé un challenge : être le plus concis possible. Cette concision passe aussi bien dans le nombre restreint de morceaux proposés (7) que dans leur durée qui ne dépasse jamais les quatre minutes. Cette épure qui a toujours été sous-jacente est poussée ici à son paroxysme. Parshin dans cette approche mormone se fait le porte-parole de l'économie de tout. Il se concentre encore plus qu'avant sur son jeu de guitare qui, plus que les CURE des premiers efforts, rappellera sans conteste celui des SMITHS et toute la scène pop des années SARAH RECORDS. Les oripeaux gelés du passé se retrouvent comme isolés, hors de propos, sur l'enlevé et classiquement post-punk "Pole Star". Cette étoile polaire à travers une basse dynamique et une rythmique robotique nous montre une dernière fois la direction d'une Angleterre maussade. Puis, c'est tout. MOTORAMA explore dorénavant son univers propre.

Les Russes entament alors leur périple avec le doux et aérien "The Tower" où Parshin nous invite dans un Moscou évanescent. La guitare lancinante se calque sur la démarche tranquille de l'auditeur qui flotte entre deux états. Le groupe s'aventure aussi sur des terres à la bordure de la Dream Pop du plus bel effet. Le superbe "Little Mystery" avec son clavier vintage semble tout droit sorti d'une production CAPTURED TRACKS. La voix comme atone du leader colle parfaitement à cet ensemble qui baigne dans les eaux calmes et non plus troubles d'une pop mélancolique. Un titre comme le paradoxalement contemplatif "Voyage" se drape d'une belle touche rétro confirmée par de discrets claviers languissants. Cette ambiance à la limite du cheap maîtrisé atteint sans conteste son summum sur le surprenant "Up" avec un feeling très instruments PLAYSKOOL. Comme toujours avec Parshin, il est question d'étoiles, de mer froide, d'amour discret et sincère, d'envie d'ailleurs.

Avec Before The Road, MOTORAMA expose une pop feutrée qui, à son image, contient mille et une émotions éminemment discrètes. Il n'y a pas ici de bouleversement mais juste une invitation à un voyage mélancolique inondé par les dernières lueurs hivernales.

* A ce jour, Before The Road n'est sorti qu'au format numérique.