Est-ce que le COVID et l'invasion par Vladimir POUTINE de l'Ukraine auront eu la peau des groupes russes ? Ces deux événements majeurs ont assurément limité la portée de ces projets depuis quatre années. Les Rostovites de MOTORAMA en sont un bien triste exemple. Ils ne tournent plus qu'en Chine, en Amérique du Sud et dans leur pays alors que depuis 2011, ils arpentaient en plus la totalité de l'Europe de façon quasi constante. Il en va de même pour leurs dernières sorties discographiques qui ne sont plus proposées que sous le format digital à l'image de Before The Road (chroniqué sur ce site) et de Sleep, And I Will Sing (2023). S'attarder ainsi sur Dialogues, c'est se souvenir d'un temps pas si lointain où les Russes sans souffrir de la politique internationale exposaient une pop froide de très belle facture.

MOTORAMA est à l'évidence un ensemble qui épouse les éléments. C'est un constat que l'on retrouve dans un nombre certain de chroniques le concernant mais ceci semble tellement évident. Les Russes avec ce quatrième album deviennent les maîtres du clair-obscur exposant avec une fluidité remarquable le contraste entre zones claires et zones sombres. Tout semble si aisé alors que Vladislav Parshin le leader triture habilement et patiemment le cœur de ses auditeurs d'où découleront des émotions toutes simples. MOTORAMA n'a jamais été aussi près sur cet opus d'un bonheur feutré ou du moins du chemin escarpé qui y amène par des escaliers mélancoliques.

Dialogues, c'est comme une pluie fine, de celle qui trempe l'amoureux attendant fébrilement dehors au pas de la porte son autre moitié. A l'image du superbe "Tell Me" et de ces mots bouleversants ("Tell Me Is It Hard- To Love Each Other ?") à peine prononcés par Parshin, l'album s'immisce imperceptiblement en vous comme ces mêmes gouttes. Les dix titres naviguent entre douceur pop et instants légèrement plus rythmés. C'est la basse et la voix comme distante de son leader encore une fois qui impulseront le plus souvent la cadence à ce doux voyage automnal. L'introductif "Hard Times" totalement entraînant pour un groupe du style de MOTORAMA avec son clavier léger ou "By Your Side" et sa basse qui claque et sa cascade de notes cristallines émanant d'une discrète guitare sont autant d'instantanés de l'intime et du pourquoi d'une relation.

Le groupe même s'il a réussi à dessiner rapidement sa propre identité n'en oublie pas pour autant parfois ses influences. Celles des SMITHS sur "Sign" est patente. C'est une sorte inédite de rockabilly froid des plus réjouissants. Le reste n'appartiendra dès lors qu'à Parshin et ses compères. Dialogues pousse encore ainsi un peu plus le curseur vers une Pop génératrice de paysages qui défilent lentement au rythme du battement du cœur de son auditeur. L'émouvant "Above The Clouds" porté par sa guitare acoustique ou le jangly "Deep" sont encore de pertinents exemples de la facilité d'écriture de Parshin. La fluidité de l'ensemble irradie par sa fraîcheur et la multitude de couleurs qu'il propose sont autant de manière de céder à ce spleen dansant.

Dialogues est incontestablement une réussite. MOTORAMA a trouvé à travers cette subtile pop froide le moyen de faire de l'introspection un moment où l'espoir de jours meilleurs et heureux n'est pas définitivement absent.