Nous avions laissé Georgio à l’automne 2018 suite à la parution de son troisième album : XXV. Entretemps le jeune homme a non seulement beaucoup tourné, mais en a également profité pour énormément voyager et par-là même enregistrer des morceaux dans des endroits atypiques et exceptionnels (voir les sessions “Ailleurs” sur sa chaîne YouTube officielle). La grande diversité de lieux et de destinations visitées pourrait expliquer en partie l’immense palette de couleurs et de sonorités que l’on peut retrouver sur Sacré, son tout nouvel opus. Un disque qui aurait normalement dû sortir à la fin de l’année 2020, mais qui fut finalement reporté à cause de la pandémie liée à la COVID-19.

Si en matière de composition Héra (2016) était en grande partie l’œuvre d’un seul homme : Angelo Foley, XXV (2018) faisait quant à lui appel à une multitude de beatmakers, tout en étant supervisé dans la globalité par Myd. Sur Sacré (2021) on retrouve cette même recette, mais exit toutefois la dominante électro. Retour en effet à des instrumentations plus organiques, et il suffit de faire la liste des compositeurs ayant participé au projet pour comprendre à quoi on peut être en droit de s’attendre en termes de variété de sons : Medeline, Les Gordon, Dany Synthé, Prymus Beats, Derrick (pas l’inspecteur de police, hein^^), Felipe Salvidia, Fred Savio, Kamandi Beats, Unlucky, Nachos et bien sûr Angelo Foley, qui demeure le grand architecte de ce disque.

Georgio s’est toujours distingué par un rap conscient léché, aux textes finement ciselés qui transfigurent des productions extrêmement éclectiques. À 28 ans il nous propose tout simplement son album le plus abouti et diversifié musicalement. Il a désormais beaucoup plus de recul sur ses presque 10 ans de carrière et cela se ressent au travers de ses textes. Toujours plus introspectifs et réfléchis, mais avec des lignes vocales aux toplines toujours plus mélodiques et chantées. Nous avons aussi à nouveau droit à une belle brochette d’invités, pour des featurings particulièrement bien sentis. À commencer par S.Pri Noir sur “Full Moon”, qui s’inscrit d’emblée comme l’un des plus gros tubes de la carrière du rappeur de Max Dormoy. “Parallèle” met en avant le jeune et talentueux Zikxo, un peu comme “Dans mon élément” avait permis il y a deux ans et demi de faire un gros coup de projecteur sur le Bruxellois Isha. Sur “On se connaît pas”, Georgio laisse un couplet entier à son backer et ami d’enfance Sanka. Mais c’est assurément “Émotions masquées” qui ressort vraiment du lot, avec un Kalash Criminel que l’on n’attendait vraiment pas dans un tel titre, mais qui nous propose néanmoins une prestation ultra convaincante. Et ce dans un registre beaucoup plus émotionnel qu’à l’accoutumée.

Vous l’aurez donc compris, Sacré vient confirmer (si ce n’était pas encore déjà fait) que Georgio est réellement un artiste des plus intéressants. Toujours prompt à se renouveler pour emmener ses auditeurs dans les méandres de ses pensées, le rappeur originaire du XVIIIe arrondissement de Paris continue de tracer sa voie dans le paysage du rap game. Encore trop en retrait par rapport aux poids lourds actuels du style, en particulier dans les médias spécialisés (Le Code, Clique, Rapélite.com, etc), Georgio n’en finit cependant pas de se constituer une fanbase solide et fidèle, qui l’a depuis longtemps validé et lui donne la force nécessaire. Et en ce printemps 2021, c’est en empruntant la Voie Sacrée d’un quatrième album remarquable de bout en bout que le vaillant soldat Georges Édouard Nicolo monte à nouveau au front, afin de connaître un jour la victoire et la reconnaissance qu’il mérite tant.