Sauvagerie est le troisième album des Montpelliérains d’OTH, groupe qui tire son nom de l’expression britannique On Tenter-Hooks signifiant être sur des charbons ardent, ce qui a donné le nom de leur album précédent. Il est enregistré au studio Couleurs par Laurent Thibault, le bassiste et cofondateur de MAGMA, qui dirige alors également le studio d’Hérouville et le studio mobile Le Voyageur. Sachant que l’entente entre le groupe et celui-ci n’était pas parfaite, comme le rapporte Spi, le chanteur d’OTH : L’album est froid, le studio était froid, le mec qui enregistrait était froid, glacial, il ne jurait que par les stars anglaises qu’il enregistrait, c’était une autre planète…
Il faut dire que c’est l’époque des transitions pour OTH pour qui Sauvagerie marque un changement de statut que le groupe peine un peu à digérer. Il est le symbole du passage d’un fort et solide ancrage local sur Montpellier à une nécessité de viser une assise nationale qui reste vacillante et lui fait une peu perdre ses repères.

Il n’en reste pas moins que ce désamour d’OTH pour son propre album est surprenant. Il est certainement dû à plusieurs éléments. Premièrement, alors que les morceaux qui composaient leurs premiers albums étaient le fruit de longues années de répétitions qui avaient permis au groupe de sélectionner et peaufiner leurs meilleurs titres, en 1988, le quintet ne dispose pas de beaucoup de temps pour créer et travailler les chansons qui forment Sauvagerie. A tel point que Spi considère que, si le groupe était alors plus performant que jamais sur scène, L’aventure était terminée au niveau créativité pour OTH à cette période.

Il en résulte le sentiment que Sauvagerie est légèrement plus timoré que ses prédécesseurs. Et de fait, l’évolution vers un rock plus policé, entamée deux années plus tôt par Sur des Charbons Ardents, se confirme. On se doit de constater que le groupe se normalise doucement, en commençant à gommer son côté percutant et torride. Il n’en reste pas moins qu’OTH continue de proposer un rock énergique et percutant.

Il convient toutefois de ne pas se montrer trop sévère et considérer que cet album possède malgré tout de jolis atouts, à commencer par un très bon son, clair et nerveux, qui fait encore bonne figure après plus de trente ans. Mais ilcontient également quelques compositions de premier ordre avec, notamment, les excellents "L’été 86", "Félins" et "Cœur de Chien". Alors soit, nous ne retrouvons pas là la sauvagerie des prestations scéniques du groupe, ni la fraîcheur et l’insouciance de leur premier album. Mais ce qu’OTH perd ici en dynamisme, il le gagne en clarté et en accessibilité, comme en témoigne le très énergique "Félins". De plus, avec "L’été 86", OTH possède, après "Interdit Aux Chiens" (Réussite, 1984) et "Le Rap des Rapetou" (Sur des Charbons Ardents, 1986), un nouveau classique : un titre imparable où tous les éléments sont bien en place pour une efficacité maximum.

Mais il est vrai que certaines compositions, à l’instar de "Le Feu de l'Action", ne parviennent pas à dépasser le statut de titres sympathiques, malgré une production qui les rend très faciles d’accès.
De ce fait, si Sauvagerie n’est pas le chef-d’œuvre ultime d’OTH, il n’en reste pas moins un disque très correct et intense. On peut cependant comprendre que son côté plus maîtrisé et apaisé que ces devanciers, a laissé un léger goût amer à certains, d'autant plus que son titre pouvait laisser entrevoir un résultat un peu plus primal et direct.

Cette chronique donne l’occasion de rendre un hommage à Beubeu et Phil, tous les deux décédés du cancer avant leur 60 ans, respectivement en 2019 et 2016. Il est à noter que le disque a été réédité avec en bonus "Animal Fatal", "L'École De La Rue" (tous les deux tirés d’un 45-tours sorti en 1987), et "Le Rap des Rapetou", "Le Cri de Ralliement" (tirés d’un 45-tours datant de 1986).