Après plusieurs albums très prometteurs qui l'a vu acquérir le statut d’un des précurseurs du Punk Rock en France, OTH termine sa carrière tristement.
En effet, le groupe se sépare peu de temps après la sortie de ce quatrième album studio. La foi n’y est plus et la déception à l’écoute de la version finale de Explorateur est un élément important dans sa décision de tout arrêter. Le groupe a toujours décrié le traitement subi par ce dernier disque en termes de son et d’arrangements. Ainsi, Do (guitare) regrettait amèrement que le groupe n’ait pas été associé au mixage de l’album et qu’il n’ait découvert celui-ci qu’alors que le pressage était déjà terminé. Il est vrai que le côté punk-rock rugueux et enragé a été un peu gommé et que l’ajout de chœurs gentillets et d’arrangements très mainstream est un peu surprenant. Tout comme il est dommage que le son manque de l'énergie si caractéristique d’OTH. Mais, pour être honnête, ce dernier point ne dénote pas trop dans la production de l’époque.
Il est vrai qu’OTH apparait un peu moins sauvage, un peu moins punk-rock. Mais, si cela est indéniablement un souci important, ce n’est à mon avis pas le seul de cet opus.
La qualité des compositions des premiers albums n’est plus autant au rendez-vous. Il n’y a pas ici de titres aussi forts, aussi imparables, que "Interdit aux chiens", "Le Rap des Rapetou" ou bien "L'eté 86". Pas de morceaux aussi sauvages que "Les clowns électriques".
Comme Spi (chant) le déclarait en évoquant Sauvagerie, alors que les deux premiers album sont le fruit de longues années de répétitions et de concerts, les deux suivants n’ont pas bénéficié d’une aussi longue période de maturation et de création. Et cela se ressent.
Au-delà de la production, c’est aussi la qualité des compositions, des arrangements et de l’interprétation, un peu trop sage, qui posent problème. Non que ces compositions soient foncièrement mauvaises, mais on sent qu’elles n’ont pas été suffisamment rodées sur scène et que de ce fait nous sommes bien trop souvent dans le moyen. Pas désagréable, mais pas mémorable pour un sou.
Seuls quatre titres sortent un peu du lot. A commencer par "François fils de joie" qui possède une identité très rock et une flamme intéressante. Délesté de ses chœurs 'gnan-gnan' et animé par une interprétation un peu plus passionnée, ce titre aurait pu devenir un classique du groupe.
Les "Garçons sauvages" possède également un petite saveur qui rappelle l’enthousiasme des débuts du groupe. Une fois encore, délesté des nappes de claviers superflues et interprété de manière un peu plus vivante, ce morceau avait un grand potentiel.
Il en va de même des plus surprenants "Drôle de soirée" et "Sale rêveur" qui possèdent tous les deux une saveur un peu plus groovy assez inhabituelle au sein d’OTH. On sent là une possibilité d’évolution intéressante qui aurait certainement pu aboutir à quelque chose de très sympa avec un peu plus de maturation.
Pour le reste, les morceaux défilent sans déranger, mais sans accrocher non plus. Il manque la petit étincelle du groupe à ses débuts.

Ce disque est ressorti en 2018 via le label Kicking Records, après un gros travail effectué sur le son. Explorateur original possède une pochette, un ordre des pistes et un son différents, ainsi que trois morceaux supplémentaires. On peut presque parler de nouvel album tant la différence est sensible.
Il suffit d’écouter les deux versions de "Sale rêveur" pour se rendre compet de la différence. Avec la version de 1990, l’introduction évoque SUPERTRAMP alors que celle de 2018 nous plonge dans l’univers de LITTLE BOB STORY. C’est plus nerveux, plus énergique, plus dynamique. Le constat est le même avec "François fils de joie" propulsé du statut de titre prometteur à celui de morceau bien tranchant et efficace, notamment du fait d’un chant bien plus présent. On se rend alors compte de la déception qu’a pu ressentir le groupe à l’écoute de la version 1990 de explorateur, tant le côté brut et radical du groupe y avait été gommé.
Les inédits sont également intéressants. A commencer par "Ecueil, recueil et cercueil" qui ressemble à une très bonne démo des débuts du groupe. C’est nerveux, entraînant et direct. "La vallée de la mort" est un blues plus posé et langoureux qui évoque un peu l’univers de STOCK. Nul doute qu’avec un peu de travail sur le pont musical en son milieu, ainsi que sur le texte, le groupe tenait un morceau très solide et qui lui donnait une orientation un peu nouvelle. "Rocking Steppe" est moins abouti, cet instrumental sonnant comme un embryon de chanson, une séance d’improvisation.

Quoi qu’il en soit, Explorateur original permet d’avoir une autre vision de la fin de carrière d’OTH. Si on ne peut pas réécrire l’histoire, on peut toutefois regretter que le groupe n’ait pas bénéficié de ce qui aurait pu être un beau feu d’artifice et qu’il soit, de ce fait, un peu condamné au statut de groupe culte, mais de seconde zone. Avec un peu plus de rodage des morceaux sur scène et un son bien plus dynamique, on pouvait espérer déboucher sur un grand classique. Mais avec des 'si', on pourrait mettre Montpellier en bouteille.