Enfin !
Après deux albums pétris de qualités mais massacrés par un son indigeste, MOLODOI nous revient enfin avec un disque qui n’est pas pénalisé par une production brouillon et faiblarde. Sans réduire son rythme effréné de sorties, le groupe propose en 1992 Royaume de jeunesse, un album qui comme à son habitude ne lésine pas sur la quantité de titres proposés. Mais la grande différence tient à la qualité du son. Car si nous ne sommes pas dans la qualité ultime, il n’y a ici plus rien de rédhibitoire.
Et cela change tout. Dès le pugnace "Toujours ensemble" on a le sentiment de découvrir un nouveau groupe.
La musique est puissante, nerveuse. Les guitares sont bien mises en valeur, et le chant est facilement compréhensible. Les différents instruments ne sont plus noyés dans un brouet grossier, mais ils ont de l’espace pour s’exprimer.

Au niveau musical, le style termine sa mutation entamée sur Dragon Libre et le groupe évolue désormais dans un Rock nerveux et puissant, souvent soutenu par des chœurs bien virils ("Cassons les murs", "Chœurs fidèles"), qui semblent tout droit sortis d’un stade de football. Sans surprise, les textes reflètent les combats et révoltes du groupe, ainsi que leur irrésistible attirance pour l’Asie du Sud-Est. Ainsi, il en va de l’antiracisme et des luttes solidaires des opprimés ("Toujours ensemble", "Cassons les murs"), de la dénonciation des violences policières ("A bout portante"), du rejet des inégalités sociales ("Cassons les murs"), du soutien à un Tibet libre ("Shambala"), ou de la commémoration des sacrifiés de la Commune ("Rue des fusillés"). Ce, avec toujours en toile de fond la promotion d’une nécessaire solidarité lors des luttes ("Royaume de jeunesse"). Et comme c’est désormais une habitude, l’Asie du Sud-Est est à l’honneur par le bais de "La boxe de l'ombre", "Les Combattants De La Spirale D'Or" ou bien de "Paris Saïgon".

Mais d’autres sujets plus originaux pour le groupe prennent également place ici, comme cette vision nostalgie des virées Rock que l’on trouve dans "Les blousons noirs". Ou bien cette surprenante reprise du chant populaire et traditionnel "Chevaliers De La Table Ronde" (goutons voir si le vin est bon…), dont on peut imaginer qu’il provient d’une récente virée au Québec où ce chant est très connu et où le groupe venait de tourner comme il le raconte dans "Au Québec". Certains titres ont un réel statut de classiques. C’est ainsi le cas des ultra directs "Tatouages" et "Toujours Ensemble". Ou bien du plus mid-tempo "Les combattants de la spirale d'or" dont le rythme et l’ambiance montent doucement en puissance. Il en va de même du chaloupé "La boxe de l'ombre" qui s’approche de l’univers que développait LA SOURIS DEGLINGUEE à la même époque. Le plus simple et frontal "Au Québec", fait également partie des moments forts de l’album. La plupart des morceaux semblent taillés pour la scène avec leurs refrains fédérateurs, leurs chœurs entrainants et leurs punch-lines qui font office de slogan.

Contrairement à ce qui était un peu le cas lors de leur début de carrière, les MOLODOI ne peuvent plus être réduits au cliché du groupe militant festif à voir uniquement en concert. Avec Royaume de jeunesse le groupe acquiert enfin une véritable crédibilité musicale car ils démontrent qu’ils sont à même de concilier le fond et la forme. Et le meilleur reste encore à venir.