Face à l’existence d’un album de Noël, la question du pourquoi se pose souvent, et la réponse ne diffère que rarement et rime avec flouze, gros sous, pèze, pognon, etc… Mais il existe quelques exceptions, comme celui-ci, au titre facile mais à la très belle pochette, pour lequel la question du pourquoi s’accompagne de la réponse : "Pourquoi pas ?".

Avant de jeter la balle à Dave BRUBECK et de lui reprocher d’avoir cédé aux sirènes de la facilité mercantile en enregistrant un album de Noël, soyons juste et soulignons qu’il aura attendu presque cinquante de carrière (47 ans pour être précis, si on considère que son premier enregistrement est le Brubeck Trio With Cal Tjader, sorti en deux volumes en 1949) avant d’en faire un. Soulignons aussi qu’au lieu de nous assommer sous une avalanche d’instruments sirupeux il a fait le choix judicieux de se contenter de s’asseoir à son piano et de jouer. Douze reprises, deux inédits dont un composé avec sa femme Iona.

Simple, mais en apparence seulement, car comme le savent bien tous les amateurs de Brubeck, le pianiste était passé maître dans l’art de jouer des morceaux qui coulent tous seuls dans l’oreille mais se révèlent diablement compliqués à maîtriser. Pour un peu on pourrait dire que c’est un album concept : il commence avec une reprise joyeuse du "Jingle Bells" mais finit avec une autre reprise du même morceau, cette fois-ci lente et fatiguée, comme après les repas de fête lorsque l’on se traîne difficilement hors de la table pour aller s’écraser dans le canapé.

Et loin de l’abrutissement qu’elle provoque lorsqu’elles sont jouées dans les magasins, on se retrouve à apprécier simplement ces classiques, à savourer la mélodie de "Santa Claus Is Coming to Town", la plus technique "Carol Of The Bells", les immanquables "Silent Night", "Joy To The World" et "Winter Wonderland" …Ainsi que la reprise de "Greensleeves", ici sous le nom "What Child Is This". De ses deux compositions originales "To Us Is Given" se fond sans problème dans le décor tellement elle ressemble à un chant de Noël classique, alors que "Run, Run, Run To Bethlehem" rappelle plus le style cool-jazz pour lequel il est connu. A noter aussi l’excellente production du disque qui délivre un son clair et lisible tout du long, à l’exception peut-être de quelques passages où les notes les plus basses sont inaudibles, en sourdine.

Qu’ajouter de plus ? Si vous aimez la musique de Noël, le jazz et Dave Brubeck vous connaissez sûrement déjà ce disque. Si vous n’aimez aucun des trois il ne vous intéressera pas… Mais si vous appréciez les chants de Noël de temps à autre et que vous n’avez rien contre un album de presque une heure d’instrumentaux joués au piano, alors A Dave Brubeck Christmas devrait vous satisfaire. Enregistré au studio Ambient à Stamford dans le Connecticut, il a su trouver son audience puisqu’il a fini à la troisième place du Billboard Top Jazz Albums Chart et dans les listes des meilleurs albums jazz de 1997.