S'attarder quelques instants sur le premier album des Rouennais de LOVE IN CAGE, c'est comme faire une courte pause au carrefour des musiques sombres du début des années 2010. En seulement six titres, le trio exposait alors un bel éventail sonore qui, à l'époque, avait fait frétiller les ailes de pas mal de corbeaux en recherche d'univers accueillant. Si Rouen la gothique nous avait déjà offert les cultes et géniaux ROSA CRUX, elle ne semblait pas avare non plus pour nous faire découvrir de jeunes pousses prometteuses.

A vol de corvidés et à bien y réfléchir, la Manche n'est pas si loin. LOVE IN CAGE s'apparente donc facilement à une vague froide que viennent agiter d'irréguliers tourbillons électro. A l'image de ses glorieux voisins et aînés anglais, le groupe, sans faire de l'arty vide de sens, propose un imaginaire riche en références élégamment digérées et filtrées par petites touches à travers un tamis plus personnel. L'auditeur se retrouve ainsi face à des mondes post-industriels cauchemardesques, des désillusions amoureuses ou l'Art avec un focus sur la photographie.

Si le trio regarde en effet en direction de la perfide Albion, il n'est pas cependant dans une redite qui globalement serait sans saveur. Isthmaël Baudry, le chanteur et compositeur, pour mieux cerner ses intentions, évoquait en son temps de l'électro-wave. A l'écoute du direct éponyme "Position", la formule apparaît pertinente. Les mots évoquant son amour pour la photographie s'entrechoquent à un clavier puissant et entêtant. La voix suave rend le résultat pour le moins étonnant aux premières écoutes car elle s'oppose à la froideur synthétique de l'ensemble.

LOVE IN CAGE va alors développer avec un certain talent ces allers-retours entre cold wave de facture plutôt classique et pulsations électroniques. Le superbe "The Trees" à la guitare triste, malgré sa vision amère du monde contemporain, est d'emblée addictif. Un peu comme l'introductif et curiste en diable "Minimal Sound" qui rappelle avec conviction la richesse de la scène underground qui ne demande qu'à être serrée dans les bras des plus curieux d'entre vous. Encore une fois, Baudry par son timbre tour à tour désincarné ou habité (le rageur "Tonight") impulse aux morceaux une identité propre.

Le travail sur les synthés est aussi à noter car il confère à l'instar du court "Double" une belle enveloppe auditive. Ici, c'est comme si TRISOMIE 21 et la dark wave teutonne étaient en mode speed. L'alternance de rythmes froids et chauds exposée en moins de trois minutes montre à l'évidence le savoir-faire des Normands. Cette agréable sensation se voit confortée par le conclusif "Touch" qui, avec ses sonorités robotiques, comblera sans problème les amateurs de dancefloor sombre adeptes de mouvements saccadés.

Position est encore un exemple intéressant d'une scène underground qui renonce sciemment à un copier-coller pour exposer un univers certes fragile, mais néanmoins singulier. LOVE IN CAGE quatre ans plus tard a transformé son essai avec Mirage Post-Horizon.
Son troisième album devrait sortir ce premier semestre 2022. Voici une plutôt bonne nouvelle pour débuter cette année.