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1964 In C
1969 A Rainbow In Curved Air
 

- Style : Philip Glass , Steve Reich , John Cage , Tangerine Dream, Brian Eno
- Membre : John Cale & Terry Riley

Terry RILEY - A Rainbow In Curved Air (1969)
Par K-ZEN le 15 Janvier 2022          Consultée 937 fois

Terry me sourit.

La tête de Terry dans la lande concave. La grosse, philosophale, phénoménale, paisible tête me sourit. Surplombant tout comme une montagne, un volcan en constante évolution. Un parapet, un panorama.

Des contrastes se rejoignant, dans un horizon incertain. Yin et yang. Virus et anticorps. Les deux faces d’une même pièce, réunion d’antinomiques se matérialisant par deux longues pièces électroniques en solitaire. Un arc-en-ciel bicolore dans une atmosphère incurvée se repliant sur elle-même à l’infini.

Ainsi commence la danse folle des 0 et des 1, binaires aux origines d’une folle création : A Rainbow In Curved Air.

Sous nos yeux ébahis, ce sont les premiers balbutiements émus d'un ordinateur qui crépitent. La communication se crée, bien que la cible ne soit pas toujours prête à comprendre ou répondre. Un oscilloscope prêt à dégainer, à faire son affaire, à chercher dans la lumière les minuscules particules le composant. La soirée avec les impressionnistes à deux heures du mat' près de la Seine se teinte soudain d’accents hindous. Pseudos tablas. Sitars. Spirituel. Des percussions.

Terry est pourtant seul, avec ses machines, ses échos. Pas d'esprits, juste une lune immobile et des nuages à la vitesse impressionnante. Non loin d’ici, on éteint les lumières de l'aéroport la nuit. Même si ce n'est que pour quatre minutes, cela s’avère nécessaire pour la survie de l'espèce. A Orly le dimanche, tous les magasins sont déserts. Leur silence contraste avec l'agitation ambiante sur le tarmac.

En fait, plus que Robert FRIPP, on aurait dû sélectionner ce titre pour le (très long) démarrage ou mise à jour de Windows Vista. Peut-être que ça aurait été trop beau, ce doux et délicat délice : l’éclosion d’une fleur, les mousses dans une forêt, une cueillette de champignons. Rien à voir avec l’éveil d’un système d’exploitation, quel qu’il soit.

Le changement d’ambiance est radical avec Poppy Nogood And The Phantom Band.

Des escaliers venteux peuplant une crypte, un cimetière sous un brouillard statique, hypnotique et électrique. La fanfare résonne soudain sur la lande écossaise. On les envoie tous à la recherche de celui qui s’est perdu dans la brume. Au cœur du château hanté par l’esprit frappeur farceur, le lord se meurt doucement. L’hommage lui sera bientôt rendu.

Le temps s’écoule, les herbes recouvrent les murs, les toits. L’ankou passe avec sa charrette, on peut entendre le crissement de ses roues déchirer le silence nocturne. Puis, tout s’arrête, se calme dans la nuit. Jusqu’à être interrompu par la complainte à nouveau. Les trompettes sonnant le glas. Ou plutôt les notes s’échappant du saxophone soprano empoigné par Terry, dédoublées à l’infini.

La lande n'est plus, désertée par les hommes et les animaux. Comme si elle avait changé d'époque en accéléré. Il ne reste que des fantômes, témoins d'une époque autrefois glorieuse : conquistadors, vikings déferlant sur une colline à asservir. Faudra-t-il aller à la guerre ? Nous défendre ?

Rappelez toutefois les chiens, le renard s’est enfui.

L’ultime danse macabre se met alors en place. Quelle intensité remarquable. Quel frisson.

Sur le lac, même les canards ont déserté, envolés pour la migration. Les cygnes ça fait plus longtemps déjà. Rien ne subsiste si ce ne sont les mutiques nénuphars. Le chasseur marchant dans le tapis de nuages recouvrant la moiteur matinale mesure sa déception.

Le lord se débat toujours dans une ultime et démentielle apoplexie. Une crise. Ou simplement une révélation entrecoupée de brefs moments de raison, dont la rareté croît.

Et tout redevient paisible comme s’il ne s’était rien passé. Comme en son centre. Par symétrie. Le tumulte s’évanouit jusqu’à disparaître.

A Rainbow In Curved Air, ce n’est que l'album sur lequel le sablier égrène lentement son sable. Et quand viennent à leur terme ces 40 minutes, c'est toute une foule de nouvelles galaxies qui inexorablement s'éteignent ou se forment.

L’ouvrage ne trouve sa complétude que dans la disjointure, don d’ubiquité le menant à subsister à la fois au crépuscule et à l’aube. Une impossibilité physique couplée à une unicité remarquable. L'endroit où se rejoignent vie et mort, le point de basculement où la seconde devient éternité, où le chat de Schrödinger ne peut choisir ni son état ni son stationnement.

Terry me sourit.

Inéluctablement.

Il sait que j’ai compris, finalement, après plusieurs tentatives.

Il sait que tous ont compris, où qu’ils se tiennent à cet instant précis. Les boucles cycliques irradiant "Out-Bloody Rageous" signé SOFT MACHINE, le riff électroniquement généré structurant "Baba O’Riley" composé par Pete TOWNSHEND, intitulé parfaitement explicite par ailleurs, cependant moins que le patronyme adopté par les CURVED AIR. Le Tubular Bells composé par Mike OLDFIELD. Tout un pan de la musique électronique à venir.

Nous savons où nous tenir. Dans la lande concave, sous un arc-en-ciel bicolore, dans une atmosphère incurvée se repliant sur elle-même à l’infini.

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- Terry Riley (orgue électronique, clavecin électrique, claviers,)


1. A Rainbow In Curved Air
2. Poppy Nogood And The Phantom Band



             



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