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éLECTRO-ROCK-AMBIENT  |  B.O FILM/SERIE

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1976 Roller
1978 Il Fantastico Viaggio Del

B.O FILMS/SERIES

1975 Profondo Rosso
1977 Suspiria
1978 Patrick

GOBLIN - Patrick (1978)
Par AIGLE BLANC le 3 Février 2022          Consultée 924 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

A Forces Parallèles, nos chroniques n'ont de cesse de clamer l'amour de la musique et de décliner à l'infini ses manières d'impacter nos vies, accompagnant et traduisant nos humeurs, colères, rêves, souvenirs, extases, solitude, déceptions... Et quel meilleur média que le cinéma pour corroborer et magnifier cet impact extraordinaire de la musique sur les humeurs traversées par les images ?

Quand John CARPENTER a présenté la première fois à son producteur la version de travail d'Halloween, le film n'a pas du tout convaincu le comité, insensible au climat d'angoisse que le réalisateur s'était pourtant efforcé de générer. Une fois la phase de post-production achevée, il a soumis son producteur à un seconde visionnage du long-métrage, suscitant cette fois le franc enthousiasme de ce dernier alors persuadé de détenir en Halloween l'un des films à petit budget les plus angoissants du cinéma.

Que s'est-il passé entretemps qui justifiait cette révolution dans la réception du film, sans que John Carpenter ait eu besoin de modifier le montage ni d'ajouter la moindre scène censé accentuer la peur ? Cette prouesse, le réalisateur la doit à la musique qu'il avait mixée sur les images. On ne présente plus aujourd'hui la Bande Originale d'Halloween tant elle est devenue l'icône de la fête des morts aux USA, ayant rejoint les standards des B.O les plus référentes qu'ait générées le septième art, exploit d'autant plus remarquable qu'elle a été composée par le cinéaste lui-même du fait de son petit budget ne lui permettant pas de s'offrir les services d'un compositeur renommé.

La musique a la faculté extraordinaire d'orienter l'impact psychique d'une séquence, voire de signer l'identité du film ou d'une série. Peut-on concevoir un épisode des missions de James Bond sans le 'Gun Barrel" mythique de John BARRY ? Que deviendrait l'atmosphère éthérée et mélancolique du Grand Bleu sans la partition synthétique d'Eric SERRA ? Comment concevoir la dimension épique autant que poétique du Legend de Ridley SCOTT sans le score grandiose de Jerry GOLDSMITH ? Pour ces deux derniers films, la question n'est pas seulement rhétorique : il existe en effet une version alternative de leurs B.O respectives. Comment?, me direz-vous, et à juste titre, outragés par ce crime de lèse-majesté. Le film-emblème de Luc BESSON, pur objet d'identification pour les étudiants de ma génération (ceux qui avaient 20 ans dans les années 90), n'a pas supporté sa diffusion aux USA, le distributeur américain ayant imposé à Luc BESSON une fin différente (un vrai 'happy end') ainsi que la refonte totale d'une B.O nouvelle, confiée cette fois au soin de Bill CONTI, compositeur attitré de la série Rocky, plus appropriée semble-t-il au goût du public. De même, le public européen a découvert Legend avec la partition originale de Jerry GOLDSMITH, l'obédience américaine ayant dû (ô la pauvre !) se contenter de l'insipide B.O alternative de TANGERINE DREAM, paradoxe étonnant quand on pense que GOLDSMITH était un compositeur américain et TANGERINE DREAM un groupe européen.

GOBLIN s'est fait connaitre dès ses premiers pas dans le cinéma par les B.O tonitruantes que sont celles de Profondo Rosso et de Suspiria, l'honneur étant dû à Dario Argento qui le premier a su déceler en lui le potentiel 'explosif' qu'on lui connaît aujourd'hui.
Lorsque le groupe italien de rock progressif est appelé en 1978 à composer la musique du film australien* Patrick (fleuron de la Ozploitation des années 70), il doit apposer sa partition en palympseste de celle composée initialement par le compositeur australien Brian MAY (ne pas confondre avec l'homonyme guitariste de QUEEN). Cette fois-ci, le public européen n'a donc pas découvert le film avec sa B.O originelle mais avec celle de GOBLIN. Y a-t-il perdu au change ?
La question ne se pose pas en ces termes, du fait que les deux partitions bicéphales de Patrick se défendent respectivement, l'une n'ayant pas à rougir de l'autre. Leur co-existence, en revanche, expose une dualité intéressante et symbolique. A Brian MAY la charge de s'inscrire dans la lignée des scores classiques faisant intervenir la forte masse orchestrale en vue de graduer un suspens à la manière de l'immense Bernard HERMANN (chronique à suivre dans les colonnes concernées de Forces Parallèles) ; quant à GOBLIN, qui joue depuis 1975 le rôle du groupe frondeur faisant table-rase des maitres du passé pour révolutionner l'art musical du septième art, il se lance dans ce qu'il sait faire de mieux, c'est-à-dire une musique rock légèrement teintée d'influences jazzy et doublée de sons électroniques alors à la mode chez les maitres de l'école berlinoise.
Pour être plus précis, situons GOBLIN aux confluents du rock progressif, entre E.L.P et Mike OLDFIELD, et de la musique électronique de TANGERINE DREAM, voire de son courant minimaliste exploré par John CARPENTER dès le séminal Assaut (chroniqué dans ces colonnes).

Quand Brian MAY infuse à sa partition spectaculaire la tension soutenue par les cordes, ne lésinant ni sur le lyrisme ni sur l'explosion de la terreur générée par un orchestre volubile, qu'il dirige lui-même, GOBLIN, contre toute attente, délaisse le style outrancier de Profondo Rosso et, surtout, de Suspiria, au profit d'atmosphères calmes, ou plutôt faussement tranquilles, le rock auquel il nous a pourtant habitués réduit ici à des accords ou arpèges de guitares, l'essentiel du score assumé par le claviériste Antonio Marangolo.
La B.O européenne de Patrick ne vise pas l'effroi, tout au plus une inquiétude des plus feutrées. La plupart des 10 titres** la composant privilégient des rythmes plutôt soft qui trouvent vraiment leur équivalent dans les B.O que produira TANGERINE DREAM au cours des années 80, notamment celles de Firestarter (1983), de Wavelengh (1983), voire de Heartbreakers (1984) également, qui partagent avec elle un sens inné de la kinesthésie, c'est-à-dire une propension naturelle à développer en de courtes pièces musicales des humeurs atmosphériques aptes à accompagner n'importe quelles images, ce que permet d'assurer leur neutralité mélodique.
C'est à Brian ENO peut-être que revient l'honneur d'avoir ouvert la voie avec sa série, dès 1976, des Music For Films.
Il s'agit alors de pistes courtes privilégiant l'humeur au détriment d'une structure élaborée, autant de miniatures musicales voisines, dans la forme, des fameux 'haïkus'. GOBLIN se montre excellent dans ce domaine où concision et invention des formes prédominent. Patrick s'écoute agréablement sans jamais souffrir de l'absence des images du film. Si aucun titre ne domine vraiment l'ensemble, le groupe se montre assez inspiré dans le style qui lui est propre : alternant des rythmes le plus souvent gérés par les synthétiseurs, ce qui confère à certaines plages ("Transmute", "Vibrazioni") l'allure des instrumentaux chers à ALAN PARSONS PROJECT (on pense notamment à "Voyager", l'ouverture de Pyramid), appuyés par la basse omniprésente de Fabio Pignatelli, et des passages plus ambient ("Metamorphosi I"/ Metamorphosi II") où scintillent les claviers astucieusement préparés d'Antonio Marangolo, qui n'ont pas trop mal vieilli, comme c'est le cas chez TANGERINE DREAM au cours de la même période (fin des années 70). Le rock est présent ("Snip Snap" - reprise d'un titre figurant déjà dans l'album studio Roller, "Follie" avec la guitare tournoyante de Carlo Pennisi et la batterie typique d'Agostino Marangolo), mais fait bonne figure à côté des pistes électroniques aux mélodies obsédantes.

Bien que ce ne soit pas la B.O idéale pour découvrir GOBLIN (Profondo Rosso et Suspiria s'imposent définitivement), elle a le mérite de présenter un groupe moins enclin à la débauche sonore qu'au plaisir d'élaborer, à la manière d'un artisan, des miniatures sonore aux contours affinés, faisant preuve d'une subtilité peu entrevue dans ses travaux antérieurs.
Vraiment, une B.O attachante.

*Patrick (1979), film australien de Richard Franklin, réalisateur également de l'intéressant Psychose II (la séquelle du mythique Psycho d'Alfred Hitchcock), et de Link (1985), suspense simiesque particulièrement efficace et au crescendo subtilement dosé.
** La réédition de Cinévox (2001) a supprimé le dernier titre "Yell" et l'a remplacé par "Transmute". Cela ne nuit pas à l'album.

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   AIGLE BLANC

 
  N/A



- Fabio Pignatelli (guitare acoustique, basse)
- Carlo Pennisi (guitare électrique)
- Antonio Marangolo (claviers)
- Agostino Marangolo (batterie, percussions)


1. Patrick
2. Transmute
3. Bagliori Di Luce
4. Visioni
5. Snip Snap
6. Metamorphosi
7. Follie
8. Vibrazioni
9. Metamorphosi Ii
10. Yell



             



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