Cela faisait dix-huit années que TEARS FOR FEARS ne nous avait pas proposé de nouvel album, c’est dire si l’annonce de la sortie de The Tipping Point avait de quoi surprendre. C’est en effet contre toute attente que le duo, composé de Roland Orzabal et de Curt Smith, s’est reformé pour nous offrir ce qui n’est que leur septième album studio. La surprise est bien plus limitée lorsqu’il s’agit de qualifier leur style musical. En effet, le groupe propose toujours la même Pop Rock léchée et extrêmement bien produite. Le tout en privilégiant majoritairement les tempi lents et les ambiances un tantinet mélancoliques.

Et on peut considérer que c’est un peu dommage car lorsque le groupe accélère un peu le tempo et se montre moins nonchalant il révèle une facette extrêmement convaincante. C’est ainsi le cas de "Master Plan", "My Demons" et "End of Night". Non pas que TEARS FOR FEARS soit décevant lorsqu’il se fait doux, mais il a trop tendance à privilégier les tempi lents sur des morceaux qui manquent un peu de relief. De fait, le groupe peine à nous renverser réellement avec ces balades qui sonnent de manière un peu trop facile, un peu trop interchangeable. Malgré cette très légère réserve, le groupe parvient tout de même à faire mouche avec un "Please Be Happy" tout en délicatesse et un "Rivers of Mercy", bien plus langoureux. Dans les deux, cas ces ballades sont de belles réussites qui nous donnent à écouter un groupe très inspiré.

La (légère) déception s’applique plus à des morceaux de la trempe de "Stay", qui clôt l’album et manque un peu de formes et de personnalité. Dans le cas de ce dernier, on frôle même le dispensable, car le titre était déjà présent sur le Best Of Rule the World paru en 2017. Mais de manière générale, The Tipping Point se révèle très agréable à écouter, notamment du fait de la qualité du son et de la production qu’il y a lieu de saluer. A l’image des chœurs, très présents, les arrangements sont d’une finesse et d’une précision remarquables. On retrouve là une des qualités du groupe qui avaient fait le succès de l’un de leurs deux albums phares : The Seeds of Love. Cela se ressent fortement sur le grandiloquent "No Small Thing", également à ranger parmi les réussites. Tout comme l’emphatique "Long, Long, Long Time" dont les chœurs éthérés et les différentes couches d’instruments se révèlent de toute beauté.

En effet, malgré cette volonté de proposer un album très léché et hyper produit, The Tipping Point reste un album organique et envoûtant dans lequel les synthés n’occupent pas le premier plan. Seuls les vocaux, très travaillés, pourraient manquer un peu de vivacité, d’un côté charnel, mais ils s’intègrent si bien aux arrangements musicaux que cela renforce l’impact des compositions. On peut d’ailleurs considérer que les vocaux (que ce soient les chants ou les chœurs) ont été traités comme des instruments et non pas placés au premier plan. Ce qui est assez paradoxal car, du fait de leur volume (il y a plus de choristes crédités sur l’album que de musiciens), les voix occupent tout le spectre auditif et sont omniprésentes.

Bien qu’il ne révolutionne pas son style, TEARS FOR FEARS fait là un retour marquant en proposant une floppée de titres charmeurs, à défauts de hit fracassants.

Un album très accessible et plaisant.