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The UNDISPUTED TRUTH - The Undisputed Truth (1971)
Par LE KINGBEE le 12 Mai 2022          Consultée 1000 fois

Certaines chroniques doivent leur existence à de curieux concours de circonstance. Il aura fallu que je qualifie "Papa Was A Rolling Stone" de refourgue, terme un brin exagéré convenons-en, pour que mon collègue et ami Jasper Lee Pop me rappelle à l’ordre et m’incite à me repencher sur THE UNDISPUTED TRUTH. Un sacré chemin de traverse!

Alors, à défaut de me répéter, si votre humble serviteur n’a jamais été un grand fan des productions Motown et encore moins de Berry Gordy, il convient en matière d’art de ne pas généraliser, procédé qui évite de tomber dans l’outrance.

Brossons rapidement le parcours de cette formation atypique: durant les sixties, Brenda Joyce-Evans et Billie Rae Calvin ♯ se produisent au sein de The Delicates * enregistrant une poignée de singles pour Roulette et Soultown Records. En 1969, les deux copines quittent le groupe et sont embauchées comme choristes chez Motown, exerçant alors aux côtés des SUPREMES et des FOUR TOPS. Elles sont alors repérées par Norman Whitfield qui décide de les associer au chanteur Joe Harris, ancien membre de Little Joe & The Moroccos passé par les Ohio Players et The Fabulous Peps.

Whitfield qui a radicalisé la sonorité Motown en lui impulsant un fond de Soul Psyché en droite ligne avec Sly STONE, collabore activement auprès des TEMPTATIONS et demeure à la recherche d’un groupe capable de tester de nouvelles influences. Le producteur est persuadé que le timbre d’Harris peut s’accorder à celui des deux chanteuses californiennes et leur promet un rapide succès. Whitfield respecte son engagement en leur offrant "Smiling Faces Sometimes", titre gravé sans grand succès par les TEMPTATIONS quelques semaines avant. A la surprise générale, THE UNDISPUTED TRUTH place son nom dans les charts faisant grimper la chanson sur la 3ème marche. Si la chanson parle d’amitié, de naïveté et de trahison, certains critiques y décèlent une allusion appuyée au Président Nixon. Ce titre peu consensuel marque une rupture avec le catalogue guimauve souvent insipide de la Motown. Dans la foulée, Whitfield décide que le trio peut passer à la vitesse supérieure en enregistrant son premier 33 tours.

Etudions d’abord la pochette de cette galette qui en dit plus long qu’il n’y parait. On peut aisément dater la période de sortie de cet éponyme, la coupe afro et les fringues nous font grimper dans la machine à remonter le temps, au tout début des années 70. Le photographe Jim Hendin, auteur de nombreuses pochettes pour la Tamla-Motown, nous glisse un indice similaire à la pochette de "Get Ready" de RARE EARTH, si la prise de vue se révèle intentionnellement floue, le designer a voulu brosser un portrait lorgnant non pas sur le Voodoo comme pourrait le laisser suggérer l’éclairage au centre du visuel mais sur un décor Psyché tranchant avec les pochettes du label.

Norman Whitfield leur apporte une valise bien chargée avec sept compos (dont cinq avec Barrett Strong son parolier favori) pour un total de onze titres. Parmi ces diverses coécritures, "You Got The Love I Need" titre d’ouverture s’impose comme un mélange entre une Soul variétoche comme la Motown en fabrique par wagons et une Soul Psy, plus novatrice sur laquelle les harmonies offrent un parfait nuancier. Mon collègue va probablement sourciller quand on va reparler de refourgue avec "Save My Love For A Rainy Day", titre figurant dans "With A Lot O’Soul" album de 67 des TEMPTATIONS. Alors si certains emploieront le terme reprise, d’autres probablement plus médisants ou méfiants utiliseront refourgue, simplement parce que c’est bel et bien le même auteur producteur qui refile le même morceau. Toujours est-il que cette version nous semble supérieure, moins sucrée et sans les effets heartbreaker qui sonnent démodés.
Autre morceau de la paire Whitfield/Barrett Strong avec "Ball Of Confusion (That's What The World Is Today)". Alors il convient là d’être vigilant sur le terme à employer. S’agit-il d’une reprise ou d’une vulgaire refourgue améliorée ? Nul doute que l’ami Jasper interviendra. On peut dans le cas présent parler de refourgue stratégique, les TEMPTATIONS avaient fait grimper la chanson sur la 3ème marche des classements Pop, rien que ça. Whitfield décida ensuite de l’offrir à Edwin STARR pour une version hallucinante de 12 minutes. Six semaines plus tard, la chanson sera enregistrée par le trio et s’il ne décrocha aucun accessit dans les charts, avouons que la présente version a de la gueule et nous semble supérieure à ses devancières. La ligne de basse, les fulgurances de la trompette et une symbiose vocale totale entre Joe Harris et ses deux partenaires qui lui rendent coup pour coup restent un Must de la Soul Psy. Une version qui relègue l’interprétation MTV de Tina TURNER et les reprises plus tardives de DURAN DURAN, ANTHRAX ; les péquenauds de HAYSEED DIXIE reprendront eux aussi dans une coloration New Grass.
Autre superbe exemple de cover bis repetita avec "Since I’ve Lost You", interprété tour à tour par Jimmy Ruffin, Clay Hunt, Gladys Knight & The Pips et enfin par les TEMPTATIONS. Si le titre s’avère plus classique, on peut dire que Whitfield l’aura usé jusqu’à la corde. Mais le titre qui connaitra le plus de passations d’armes reste le hit "I Heard It Through The Grapevine", popularisé par Marvin GAYE puis par le grand CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL de John FOGERTY. Mais entretemps, le titre avait enfanté d’une floppée de mioches Motown : Smokey Robinson, Gladys Knight, Bobby Taylor, les Temptations jusqu’à Bettye LaVette en 82 pour son seul album Motown, un fiasco commercial. The Undisputed Truth nous délivre une version courte, moins de 3 minutes, mais qui tient bien la route, les harmonies vocales sont au diapason, un titre tout en simplicité qui surpasse de nombreuses reprises.

Parmi les titres échappant à la plume de Norman Whitfield, "California Soul" permet de faire la liaison avec le rôle de cobaye joué par le trio. Compo du prolifique tandem (couple à la ville) Ashford & Simpson, la chanson avait préalablement été enregistrée par The Messengers, modeste groupe Rock du Minnesota, The 5Th Dimension et Edwin STARR autre protégé de Whitfield. Un titre qui faisait alors office de test. Compo du trident Holland/Dozier/Holland, "We've Got A Way Out Love" fut préalablement enregistré par The Originals, un groupe de Detroit. Là on retombe sur une orchestration et des textes pour midinettes comme la Motown en publia par pelletées. Si on organisait un quizz ou un questionnaire micro trottoir pour recueillir une comédie musicale de la fin sixties, il y a fort à parier qu' "Hair" récolterait le pompon. Cette comédie Rock surfant à la fois sur les thématiques de la contre-culture hippie et de la révolution sexuelle aura abondamment servi le registre de la Soul. Si The 5Th Dimension, autre groupe Motown, connaitra son plus gros succès avec "Aquarius", la présente version se révèle plus limpide et sans les sempiternelles surenchères dont s’affublèrent de nombreux groupes (Diana ROSS, The Honey Cone, Andy Williams). L’album se conclut en beauté avec un clin d’œil à DYLAN avec "Like A Rolling Stone", titre passé à la moulinette dans de nombreux registres. Si une douce coloration Psy est toujours palpable, le chant et le rythme montent crescendo Joe Harris prenant les commandes au micro nous offre une agréable balade pleine d’émotion. On peut se laisser bercer sur les paroles : "Once upon a time you dressed so fine -Threw the bums a dime in your prime, didn't you ? - You thought they were all kidding you … ". Une version qui fait oublier les médiocrités de CHER, Nancy SINATRA ou SEAL, même s’il faut de tout pour faire un monde.

En regardant de plus près la luxuriante discographie de la Motown et de ses filiales, on peut se demander si cette galette n’est pas constituée des meilleurs ingrédients du moment. Probablement l’un des cinq meilleurs disques de l’écurie Gordy, énorme label de Soul spécialisé dans le sucrage, l’édulcorant et le blanchiment, malgré quelques refourgues judicieuses de Norman Whitfield. L’apport de deux arrangeurs (Paul Riser et Dave Van DePitte) permet de nuancer les différentes pistes.

Je remercie Jasper pour m’avoir remis sur de bons rails, ceux de la bonne musique. J’ai également une pensée pour mon vieux pote Alain "Motown" Spiers qui vient de m’échanger ce disque (pressage français) contre une compilation des SUPREMES.

PS : Certains membres de la line-up sont annoncés à titre suggestif, il n’existe aucune information précise à ce jour.




*Groupe homonyme au trio féminin du New Jersey.
♯Billie Ray Calvin est victime d’une crise cardiaque foudroyante en 2007.

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- Joe Harris (chant)
- Brenda Joyce- Evans (chant)
- Billie Ray Calvin (chant)
- Eddie Willis (guitare)
- Melvin Ragin (guitare)
- Dennis Coffey (guitare)
- Joe Messina (guitare)
- Robert White (guitare)
- James Jamerson (basse)
- Richard Allen (batterie)
- Aaron Smith (batterie)
- Andrew Smith (batterie)
- Earl Van Dyke (piano)
- Johnny Griffth (claviers)
- Jack Brokensha (vibraphone, timbales)
- Jack Ashford (percussions, tambourin, maracas)
- Eddie Brown (congas, bongos)
- Henry Cosby (saxophone)
- Paul Riser (trombone)
- Dayna Hartwick (flûte)
- Eddie Jones (trompette)


1. You Got The Love I Need
2. Save My Love For A Rainy Day
3. California Soul
4. Aquarius
5. Ball Of Confusion (that's What The World Is Today)
6. Smiling Faces Sometimes
7. We've Got A Way Out Love
8. Since I've Lost You
9. Ain't No Sun Since You've Been Gone
10. I Heard It Through The Grapevine
11. Like A Rolling Stone



             



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