La chanteuse et pianiste américaine Melody GARDOT s’associe au pianiste et chanteur brésilien Philippe POWELL, pour un album tout en douceur et en retenue.
Le résultat est un ensemble de morceaux qui lorgne vers un Jazz minimaliste et romantique, avec des chansons originales et une reprise, qui évoluent tous dans un style 'piano bar feutré', plein de charme. Que ce soit le chant ou le piano, tout ici est dans la retenue, dans la douceur.
Les paroles sont plus murmurées que chantées et le piano conjugue économie de notes et légèreté des sonorités.
On a vraiment le sentiment de se trouver dans la salle d’un hôtel luxueux quasiment vide, avec une pianiste chanteuse qui déroule tranquillement des ritournelles destinées à créer une ambiance rassurante et 'cocooning'.
Pour autant, malgré l’absence de relief et de surprise, le charme opère, tant le couple voix/piano est harmonieux et la douceur qu’il distille contagieuse.
La chanteuse, qui réside fréquemment en France, en a profité pour exhumer une petite rareté chantée en français. Il en va ainsi de la réinterprétation du "Plus fort que nous", tiré de la bande-originale du film de Claude Lelouch, Un homme et une femme. La version proposée ici respecte l’esprit original de ce titre de Francis LAI, qui était interprété à l’origine par Nicole CROISILLE et Pierre BAROUH, à savoir une langueur infinie.
Ce choix assez surprenant pour une artiste américaine en annonce un autre : celle-ci écrit également en français comme c’est le cas avec le (très légèrement) entraînant "A la Tour Eiffel", et avec "Fleurs du Dimanche". Alors soit, les textes sont assez simples, mais venant d’une artiste non francophone à la base, il y a lieu de saluer cet effort. Et ce, même si elle nous y avait déjà préparé il y a quelques années avec une reprise du "Over the Rainbow" de Judy GARLAND, renommé "Derrière l'arc-en-ciel", qu’elle avait interprété avec Eddy MITCHELL.
Elle fait d’ailleurs preuve d’une belle ouverture d’esprit en matière de langue puisque "Samba Em Prelúdio (Un jour sans toi) " est l’occasion pour elle de s’aventurer sur le terrain de son complice Philippe POWELL en mélangeant le français et le brésilien. Ce qui fait au total, trois langues dans lesquelles Melody s’exprime.
De manière assez surprenante, ces changements ne sont pas très perceptibles. Tout au plus peut-on considérer que les titres en français sonnent légèrement plus dynamiques (un bien grand mot en ce qui les concerne) que les autres.
Mais le ton de l’ensemble est assez uniforme et, de ce fait, il est assez difficile de différencier un titre d’un autre. Et même après une vingtaine d’écoutes, il reste très ardu de reconnaitre et de personnaliser les différents morceaux.
Il n’y a guère que "Ode to Every Man" qui se démarque des autres titres. Son ambiance grave et dramatique, le phrasé parlé de Melody, l’extrême sobriété du piano et sa longueur en font un morceau un peu à part. Une sorte de confession intime qui peine à s’exprimer.
Mais, pour le reste, nous sommes confrontés à une très forte homogénéité des titres qui confine parfois à de la gémellité. Paradoxalement, ce n’est pourtant pas rédhibitoire tant nous avons plutôt là un disque où l’ambiance prime sur la performance technique. Et ces dix chansons s’écoulent indolemment en nous berçant agréablement.
A tel point que j’en viens à me faire la réflexion que l’introduction d’un titre au rythme bien plus enlevé aurait probablement nuit à l’équilibre de cet album à l’ambiance fragile, à la sensibilité précaire.
Parfois, la simplicité et la sobriété se suffisent à elles-mêmes.