Cela fait quarante années que KREATOR est actif sur la scène Metal ! Un petit exploit si on prend en compte le fait que le style pratiqué par le groupe, un Thrash Metal rugueux et offensif, n’est pas de ceux qui assurent une stabilité en termes de notoriété et de retombées financières. Pourtant, rien ne semble émousser la bande à Mille Petrozza et Jürgen Reil, même s’il leur faut désormais cinq années entre chaque disque (la crise du disque y étant peut-être pour quelque chose). Une période que le groupe à tout de même mis à profit pour sortir un album live, London Apocalypticon - Live at the Roundhouse en 2020.

Mais le temps semble ne pas avoir de prises sur KREATOR et c’est sans grande surprise que l’on retrouve le Thrash Metal bien énervé et pugnace qui est la marque de fabrique du groupe depuis plusieurs décennies. La section rythmique bourrine toujours autant, le chant de Mille Petrozza affiche son niveau d’agressivité habituel. Les guitares se font toujours aussi tranchantes, même si on peut remarquer, ça et là, l’incorporation de parties plus fines et techniques, j’oserais presque dire mélodique à l’image de ce que l’on trouve dans "Strongest of the Strong", un titre qui démontre que le groupe sait parfaitement mélanger brutalité et mélodie. Dans cette même optique, on trouve également de légers chœurs féminins sur "Conquer and Destroy", alors que sur "Midnight Sun", c’est la chanteuse Sofia Portanet qui vient ajouter sa voix voilée. Cela est assez surprenant dans l’univers de KREATOR, mais permet finalement de rendre les passages agressifs encore plus intenses.

Ne nous méprenons cependant pas, KREATOR n’est pas devenu grabataire et des titres de la trempe du très véloce "Killer of Jesus" ou de "Hate Uber Alles", montrent à quel point le groupe est toujours enragé. Ca braille à tout bout de 'chant' (le côté champêtre de KREATOR étant très limité), les guitares donnent dans la cavalcade effrénée, les breaks mettent en valeur les parties les plus belliqueuses et les refrains sont scandés à l’envie : du pur KREATOR. Mais à côté de cela, des titres comme "Pride Comes Before the Fall" ou bien le très lourd "Crush the Tyrants" peuvent presque être considérés comme des mid-tempo.

Et c’est tout le génie de KREATOR, de parvenir à rester intéressant et surprenant après autant d’années de carrière. Le groupe ne bourrine pas de manière primaire et systématique. Il sait incorporer des éléments plus recherchés, plus mélodieux ou plus complexes qui sont susceptibles de maintenir l’intérêt de l’auditeur. Cela est également visible sur le long "Dying Planet" qui clôt l’album dans une ambiance virant vers le Progressive thrash, ou bien dans l’intro typée musique de film, "Sergio Corbucci Is Dead", qui rend hommage au réalisateur, célèbre pour ses western spaghetti, décédé en 1990. Aidé en cela par une production de qualité, KREATOR nous prouve une nouvelle fois qu’il faut toujours compter avec lui et que le groupe reste une figure incontestable du Thrash mondial.