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ROCK PSY ETHNIQUE  |  STUDIO

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1973 Erkin Koray
1974 Elektronik Türküler

Erkin KORAY - Elektronik Türküler (1974)
Par LE KINGBEE le 23 Janvier 2023          Consultée 780 fois

Marié depuis un an, Erkin KORAY traverse une période artistique pleine de turbulences. Sa maison de disques peut être craintive en raison de la modernité du répertoire de son guitariste décide de ne pas prolonger l’aventure. Il faut dire qu’Istanbul Plak avait plus ou moins surfé sur la vague des succès des 45-tours du guitariste, ne proposant en fait d’album qu’une compilation regroupant douze enregistrements gravés entre 1967 et 1973.

Nous sommes donc en 1974 et Erkin attire l’attention du label Dogan Records. Probablement par un souci de prudence, Dogan décide de publier deux singles, format encore très en vogue à cette période, avant de se lancer dans l’aventure d’un 33-tours. Tactique bien sentie d’autant plus que Elektronik Türküler va contribuer à lancer l’Anadolu Rock, registre chanté en turc conjuguant à la fois des musiques traditionnelles et une combinaison anglo-saxonne comprenant rock, psyché et pop.

Constitué de huit titres, Elektronik Türküler s’apparente à une sorte d’opéra psychédélique dans lequel l’orgue et les guitares bourrées de fuzz et de réverb' se mélangent au baglama, une association novatrice et particulièrement entraînante, du moins pour ceux qui refusent de porter des œillères.

Le premier pressage se négocie actuellement entre 300 et 450 €, une somme rondelette au vu des rééditions vinyles proposées par le label teuton Nexus Records, l’espagnol Pharaway Sound. Le label sud-coréen World Psychedelia Ltd, qui édite parfois certains recueils sans l’aval des artistes et oublie souvent de leur verser la moindre royaltie, a même publié sous format CD une réédition avec une jaquette dont les couleurs diffèrent.

Surnommé 'Baba' (le Père), Erkin KORAY considéré en Turquie comme le père fondateur de l’Anadolu Rock propose ici un patchwork d’airs traditionnels conjugués à des rocks psychédéliques parfois au confins du prog. Les claviers, le jeu de guitare et le baglama électrique avec ses cordes pincées nous plongent d’entrée dans une ambiance locale avec "Karli Daglar", titre rempli de métaphores impliquant comme souvent une déception sentimentale. Malgré la beauté du lieu où se trouve le guitariste (des montagnes enneigées) le départ de sa bien aimée reste source de tristesse. Seconde compo d’Hayrullah Yurttas, "Hele Yar" se révèle plus classique, donnant les premiers rôles au baglama et à la guitare tandis que le refrain (le titre de la chanson) s’impose au bout d’un centaine de répétitions. La mélodie et certains couplets s’inspirent d’un poème du XVIIème siècle de Karacaoğlan, célèbre poète saz.
Changement d’orientation avec "Yalnizhar Rihtimi", création de l’acteur réalisateur Kemal Inci, chanson abordant la solitude ; l’orchestration penche cette fois vers une pop proche de la Mersey. La mélodie pourrait provenir d’un album des BEATLES ou de John LENNON, seul le texte en turc permet d’infléchir le morceau vers une influence proche du Bosphore.

La face B s’ouvre sur "Cemalim", composition de Refik Basaran, l’un des grands maîtres du saz d’avant-guerre. Les vingt premières secondes évoquent les rythmiques de CREEDENCE CLEARWATER ou de LOUIE & The LOVERS. Le jeu de guitare monte crescendo tandis que le baglama prend son envol aux deux tiers du titre, à l’instar d’une slide. Un titre puissant dépassant allègrement les 7 minutes mais qui se déguste comme du petit lait. En fin de morceau, la répétition du refrain ('Cemalim' traduisible par 'Allons-y') débouche sur une sorte de transe psy.
En guise de fermeture, Erkin reprend "Türkü", une pièce issue de la collaboration entre le poète Nâzim Hikmet et Ruhi Su, grand spécialiste du saz, tous deux membres clandestins du parti communiste turc. Véritable rock onirique long de 9 minutes, cet appel à la liberté flirte entre un psaume barré et un rock psy gorgé de transe et d’hypnotisme dans lequel les différents instruments s’engouffrent dans des brèches aussi dépaysantes que pittoresques. En 1974, Erkin KORAY s’interrogeait depuis longtemps sur le quotidien de ses concitoyens. Une exhortation à la liberté, à l’amitié et à la tolérance, comme en attestent certains couplets : Yok edin insanın insana kulluğunu - Yaşamak bir ağaç gibi tek ve hür - Ve bir orman gibi kardeşçesine et la réitération du refrain Bizim dostlar *.

KORAY agrémente son disque de trois compositions. Si "Sir" débute par une sonnerie de téléphone à l’ancienne, le titre ne dévoile aucune conversation ni la moindre parole. L’assemblage des instruments (guitare, baglama et diverses percussions turques comme le kudüm ou le darbouka) s’avère une excellente trouvaille, d’autant plus que le rythme monte au fil des secondes pour atteindre une curieuse coloration pleine de lourdeur proche d’un rock psy heavy.
Autre instrumental avec "Korkulu Rüya", un interlude de 90 secondes où l’orgue tient le premier rôle. Si on a l’impression que le titre a été enregistré à la va-vite comme une improvisation, il a le mérite de ne pas s’éterniser et de trancher avec l’ensemble. Peut-être un clin d’œil à EMERSON, LAKE & PALMER.
Dernier apport avec une troisième histoire sans parole avec "Inat" (traduisible par 'Obstination'). Là, la guitare pleine de distorsions et les percussions se livrent un duel épique dont personne ne sortira vainqueur.

Si les trois pistes instrumentales se révèlent d’un intérêt moindre, Erkin KORAY nous offre ici l’une des meilleures entrées en matière pour approfondir l’Anadolu Rock. Encore une fois, l’association d’instruments dédiés au Folklore oriental et d’autres consacrés au rock demeure une excellente pioche. Idem de cette alliance entre rock psy, prog et chansons traditionnelles. Ajoutons-y la voix tour à tour psalmodiante ou hypnotique menant vers une transe ésotérique.

PS : Remerciements à Eren 'Baklava' Aykut et Meryem Kassim Anderssen pour la traduction et leur connaissance de l’Anatolie.


*Traduction : 'Détruire la servitude de l'homme envers l'homme - Vivre seul et libre comme un arbre -Et fraternelle comme une forêt – Nos amis'.

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- Erkin Koray (chant, guitare, baglama, tambourin, orgue, piano, )
- Sedat Avcı (batterie, bongos, percussions)
- Ahmet Güvenç (basse)
- Faruk Tekbilet (baglama, saz)
- Ahmet Tekbilet (flûte, kaval, zurna)
- Eyup Duran (bongo 8)
- Ayzer Donga (batterie 6)


1. Karlı Dağlar
2. Sır
3. Hele Yar
4. Korkulu Rüya
5. Yalnızlar Rıhtımı
6. Cemalim
7. İnat
8. Türkü



             



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