J’ai découvert Zoviet France comme on devrait tout découvrir dans la vie : sans du tout chercher la chose en question. Elle m’est tombée dessus pour ainsi dire, alors que je farfouillais, quelque part à Prague, au rayon large des musiques dites "dark". Et elle m’est tombée dessus par l’entremise providentielle d’un cadre en apparence quelconque qui me recommanda, comme ça en passant, ce qui constituait pour lui la quintessence de l’indus – Zoviet France.
Près de 24 ans plus tard, je bénis encore cette brève et mémorable rencontre.

Collusion, c’est un catalogue de l’étrange savoir faire de Robin Storey ainsi que de ses collaborateurs, passagers ou non, Paolo di Paolo, Ben Ponton ou encore Mark Spybey ; un collectif plus qu’un groupe (sur la fourre de leurs premiers albums, on peut y lire : Les musiciens de Soviet France présentent…). Toujours actif de nos jours, le projet ne compte plus que Ben Ponton comme membre originel ; Robin Storey ayant tourné la page il y a plus de 30 ans pour se consacrer à Rapoon.

Collages sauvages contrastés par d’inquiétantes boucles où s’entrelacent d’amoureuses cithares avec des percussions issues du magma en fusion. Ou alors l’inverse. Tour à tour voluptueux, guerrier, possédé ; toujours en transe entre ciel et terre, Zoviet France est la force tellurique primordiale en contact permanent avec le cosmos. Musique d’ici bas, toute de boue et la tête dans les étoiles.

Tous les titres ici présents sont issus d’obscures compilations aujourd’hui introuvables, du moins à prix décent. Le disque s’ouvre sur le discours ultra basé d’un évangéliste enragé relatant le massacre de Jonestown – "Injected with a poison !"* - et se termine par le sample complètement déconstruit d’un fragment de musique orchestrale noyé dans un delay subaquatique.
Le voyage peut paraître déroutant, mais il n’est jamais, ô grand jamais, désagréable. En tant qu’auditeur, on perçoit confusément que tous les éléments du monde visible et invisible se manifestent chacun à leur tour ou en même temps : grondements, chuchotements, effondrements, gazouillis, fourmillements, piétinements, sublimation.
Le fameux mot d’Héraclite, "Tout s’écoule", résume à merveille la singularité de la chose en question. Comme si l’intervention humaine se limitait à épouser, par une sorte de retour à l’immanence, le rythme propre de la nature et ce jusque dans ses moindres détails. Les très rares admirateurs des frères Hurtado, de Nocturnal Emissions ou encore de Muslimgauze comprendront, surtout s’ils sont musiciens eux-mêmes.

Sortie dix ans après : Garista : (le premier album du groupe), cette compilation recouvre admirablement toutes les facettes de Zoviet France, de la plus rude et rugueuse à la plus éthérée, tout en conservant une cohérence sonore digne d’un rituel chamanique.
Il va de soi que, si la chose est encore disponible quelque part, elle est hautement recommandable, en plus de constituer une porte d’entrée idéale dans l’univers fascinant de ce collectif.


* Ce sample sera repris par Praga Khan sur le single "Injected With A Poison".