NDLR: Boyd Rice soutient des thèses inspirées du darwinisme social et du fascisme, qui en font un artiste controversé, voire persona non grata, dont nous préférons vous informer ici. L'équipe s'est trouvée bien divisée sur le sujet. Provocation ou véritable activisme politique, l'ambigüité fait partie intégrante de son oeuvre. Ce n'est que par intérêt encyclopédique que l'artiste a donc fait l'objet de cette chronique, non pour essayer de trancher sur la question.

Si Alice COOPER ne l’avait déjà choisi, le titre de cet album aurait facilement pu être Welcome To My Nightmare. Mais Blood And Flamme est bien plus pertinent, plus représentatif de ce que l’on subit, volontiers, sur cette savoureuse galette qui sent si bon le gigot humain sur la broche. Et surtout, l’espèce de musique présente ici n’est pas tout à fait cauchemardesque ; le terme « volcanique » lui conviendrait beaucoup mieux.

On plonge immédiatement dans le bain avec "Fire In The Organism" et son hélice (de Stuka, évidemment) qui s’accélère jusqu’au magma sonore attendu et efficace. Tout Boyd RICE, ou presque, se trouve résumé dans cette vrombissante introduction.

Chaque pièce de ce mémorable Blood And Flame est d’ailleurs un hommage à la guerre ; certes, le terme de "guerre" doit être non pas nuancé mais porté au niveau supérieur d’où parlaient Zarathoustra et les Grecs Anciens. En témoignent tous les titres ici présents : chacun d’entre eux est une religion à lui tout seul. Par exemple le rocailleux "Make Red" diffère beaucoup, dans l’esprit, du crépusculaire "Sunset" ; de même que "Storm" semble figurer une espèce de planète de pure glace tandis que "Cruenta Voluptas" nous ramène au feu éternel de toutes choses.

Le final reprend grosso modo la même structure que l’introduction, à ceci près que le magma sonore est ici provoqué par des superpositions de hurlements progressifs et finalement noyés sous d’exacerbés feedback de guitare en mode rotorvator (guitare jouée, ou plutôt violemment grattée par un ventilateur).

Si toutes les humeurs de l’esprit sont permises sur cet opus, c’est parce qu’elles sont toutes liées par une espèce de pacte sonique. Mais peut-être vaudrait-il mieux parler de texture sonore. Le terme « volcanique », comme je l’évoquais plus haut, est concrètement le plus approprié pour définir cette texture sonore, parce que tout coule ici dans un semblant de lave fondatrice. En d’autres termes, nous assistons, une fois de plus, à la fin du rêve hippie ou alors à sa continuation sous d’autres formes : les chants d’oiseaux exotiques et les clapotis dans l’eau ont été remplacé par les vrombissements des Stukas et les vagissements des orgues de Staline. Le cocon musical est sauf. Et, somme toute, l’écoute se passe plutôt agréablement, dans une ambiance presque feutrée (du moins en comparaison de WHITEHOUSE, MERZBOW ou des premiers CURRENT 93).

Blood And Flame fait office de cette fameuse chair qui manquait si ostensiblement (et volontairement, bien sûr) à Pagan Muzak. Nous sommes ici en présence d’un objet parfaitement plein, consistant au point de se suffire à lui-même. L’Ouroboros de la pochette annonce la couleur et le programme, à savoir une musique qui se mord la queue, éternellement.

"The less you care, the more you know, and the more you know the less you care."