Vous voyez certainement venir la punchline à des kilomètres : "Avec son nouvel album Alive, Robin McAULEY démontre qu'il est bien vivant !" Bla bla bla... comment peut-on honnêtement proposer un discours commercial pour accompagner ce nouvel album composé, exécuté et produit par les sbires, les petits soldats, les mercenaires (appelez-les comme vous le voulez) mandatés par le label Frontiers pour nous donner l'impression que le véritable hard rock ressemble, en 2023, à celui des albums publiés à la chaîne par le label italien ? Septuagénaire depuis peu, le chanteur Irlandais, issu d'une famille 10 enfants, semble aujourd'hui avoir confié les clés de sa carrière au label précité, avec lequel il a sorti pas moins de quatre albums depuis 2018, sous son propre nom ou celui du groupe BLACK SWAN, entre autres collaborations plus ou moins prestigieuses (Michael SCHENKER, RADIOACTIVE, CIRCLE OF FRIENDS...). Après des années de vaches maigres, durant lesquelles l'occupation principale du vocaliste était sa participation à divers albums-tribute, ce retour en grâce fait plaisir, tant le timbre puissant et mélodique du bonhomme semble taillé dans la roche la plus pure et transfigure chaque note qu'il interprète. Mais faut-il donc, pour apprécier le talent du chanteur, accepter de se fader ces réalisations signées Frontiers à l'intérêt artistique proche du 0 ?

Car le hard rock ici proposé n'est guère flamboyant. Certes, le ton général est un peu plus mordant, un peu plus rentre-dedans, que sur le précédent album de Robin McAULEY, Standing on the Edge, publié il y a deux ans. Mais l'ensemble se révèle particulièrement faible. Nous avons ici affaire à du hard rock en boîte, formaté, doté d'un son de guitare tellement compressé qu'il en devient fin et fragile comme le dernier cheveu ornant le crâne de Phil Collins. Il n'y a ici aucun enjeu, aucune proposition musicale, et les morceaux se succèdent sans qu'à aucun moment l'auditeur n'ait l'impression d'écouter une œuvre personnelle, dans laquelle le chanteur aurait injecté au moins une petite dose de sa personnalité et de ses appétences artistiques. Que l'on aime ou pas Business as Usual, premier album solo du chanteur sorti uniquement au Japon en 1999, il y avait de la vie, de l'énergie, de l'audace, une qualité d'interprétation et une richesse mélodique, tout ce qui fait défaut à cet ersatz d'album.

C'est bien simple, on ne retient ici que trois refrains percutants : "Alive", morceau qui construit avec réussie une sorte de mur de son sur lequel vient de répercuter la voix toujours aussi belle du chanteur. Ajoutons "Bless Me Father" et "Feel Like Hell", tous deux agrémentés d'intéressantes créations mélodiques qui permettent de maintenir notre attention durant quelques minutes. Notez bien comme tous ces titres sont placés en début d'album, puisque ce qui leur succède est une sorte de vide intersidéral. Robin McAULEY semble même parfois sur le point de baisser les bras, sa performance pouvant paraître linéaire, sans aucune aspérité qui pourrait générer de la vie au sein de ces morceaux qui en manquent cruellement. Un titre prometteur tel que "When The Time Has Come", tempo medium axé sur la mise en place de mélodies fortes, souffre ainsi de cette tendance du chanteur à ne pas se laisser de marge de manœuvre, à produire le même niveau d'intensité sur l'intégralité du morceau. L'ensemble sonne forcé, factice, sans réel intérêt.

Tout grand chanteur qu'il soit, Robin McAULEY nous donne l'impression d'avoir vendu son âme à Frontiers sur ce nouvel album qui n'a de "solo" que le qualificatif. Car en laissant les clés de son répertoire aux artisans gros oeuvre du label, l'artiste a laissé échapper l'essence de sa musique, sa voix s'adaptant naturellement et malheureusement au niveau, faible, des compositions ici proposées. Un bon gros gâchis des familles, auquel nous préférons de loin les travaux de BLACK SWAN, plus authentique dans la démarche.

1,5/5, arrondi à 2 pour la beauté intacte de la voix du chanteur.