Pour un chanteur rangé des bagnoles durant les années 90 et 2000, même s'il a participé un temps à SURVIVOR et au spectacle Raiding The Rock Vault (1500 représentations à Las Vegas), Robin McAULEY n'a pas manqué de se rattraper depuis 2019, ce qui lui a permis de se rappeler au bon souvenir du public, notamment en Europe. Deux albums avec Michael Schenker, deux albums avec le "groupe" BLACK SWAN, et une carrière solo qui s'enrichit avec Soulbound de sa troisième réalisation pour le label Frontiers (sa quatrième au total). La maison de disques italienne, connue pour produire du hard rock "au kilomètre" à l'aide de compositeurs maison, a récemment vu le départ de son stakhanoviste réalisateur Alessandro Del Vecchio, remplacé par une autre figure emblématique de la maison, le producteur/compositeur Aldo Nobile. C'est lui qui appose sa signature sur ce nouvel album, qui marque une évolution intéressante du répertoire solitaire de ce bon Robin.

En effet, si ce troisième album ne constitue pas une franche rupture avec les deux précédents, Soulbound se fait tout de même le résultat d'une volonté d'aller chercher du côté des guitares et de construire les ambiances autour de la six-cordes, délaissant pour notre plus grand plaisir ces claviers qui avaient tendance à vampiriser ses réalisations passées. Cet album se fait ainsi le fruit d'un travail intéressant du guitariste Alessandro Mammola, dont l'instrument est ici au centre des débats.

Pour autant, Soulbound peine à s'imposer comme autre chose qu'un album de hard rock "générique", qui manque sérieusement d'audace et de personnalité. Bien sûr, Robin McAULEY, de son timbre à la fois haut perché et agrémenté d'un voile à la fois angélique et rugueux, prouve ici qu'il n'a pas à rougir face à la nouvelle garde (Ronnie Romero notamment), parvenant à insuffler une puissance ébouriffante à ces mélodies taillées sur mesure pour sa voix. Mais que retient-on d'une telle réalisation ? Peut-être la force mélodique de "Wonders of the World", qui montre que, sur ces titres mid-tempo énergiques, le chant de Robin se fait gargantuesque, gobant l'univers qui l'entoure comme un trou noir au centre d'une galaxie. Eventuellement "There Was a Man", qui lorgne sérieusement du côté de l'univers de Michael Schenker, et propose un hard rock offrant la part belle aux pérégrinations mélodiques du chanteur, qui nous rappelle celui de l'époque Perfect Timing. Et puis, s'il est difficile de parler d'authenticité pour les albums publiés par le label Frontiers, il faut reconnaître et apprécier une certaine forme d'honnêteté chez Robin, qui se démène comme un beau diable pour insuffler de la vie dans ces morceaux, lui qui s'impose plus que jamais comme l'indispensable étincelle.

Néanmoins, comment celui qui a chanté sur un des plus grands morceaux hard rock de notre temps ("Save Yourself") peut-il se contenter de ce hard rock sans enjeu et sans vision, si ce n'est celle de rassembler une équipe talentueuse ? Qu'attend un producteur pour proposer à ce chanteur d'exception un projet doté d'une véritable vision, comme Peter Tägtren a pu le faire récemment en chamboulant complètement l'image de Joe Lynn TURNER ? Dans sa zone de confort, Robin McAULEY fait le job, et sa voix semble imperméable au passage du temps. C'est néanmoins insuffisant pour permettre à Soulbound de s'imposer comme autre chose qu'un moment plaisant, aussitôt oublié une fois l'écoute achevé. Un album sympathique autant qu'anodin.

2,5/5