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DRONE/MUSIQUE IMPROVISéE  |  STUDIO

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1999 Hanging Gardens
2015 Vertigo
 

- Style : Villalobos / Loderbauer

The NECKS - Vertigo (2015)
Par K-ZEN le 6 Avril 2023          Consultée 556 fois

Effectivement, j’aurais pu commencer à nouveau comme cela.

J’avais laissé passer assez de temps pour qu’on n’y pense définitivement plus. Les piscines, les jardins suspendus, dont la descente de piano caractéristique se fait parfois entendre, dans un flash-back quasi ferroviaire.

Il n’y a qu’Adrien Monk qui parvienne à se remémorer ses heures primales. Nous, on ne se rappelle même plus ce qu’on a fait la semaine dernière quand on nous le demande lors des réunions hebdomadaires… Tu te souviens la première fois ? Hüsker Dü ? Quel type ? Quel graphisme ? Quels mentors ?

De toute façon, la forme est similaire. Elle s’y prête bien. Décrire un imposant pavé pesant environ cinquante minutes n’est pas chose aisée. Comment brosser un bloc de ciment à quelqu’un ne sachant précisément ce dont il s’agit ?

Évidemment, parler des notes, partitions, constructions serait sans doute plus adéquat. Choisissons plutôt une caractérisation via aspérités, bulles d’air mais surtout une compacité remarquable. Cubique à face centrée selon les divers savants. La thèse est disponible sur tous les navigateurs agréés.

Jazz. C’est vite dit ça. Plutôt un drone monumental à peine radouci par instants par le piano. Est-ce encore du jazz ? Musique classique voire concrète ? CAPTAIN BEEFHEART jouait bien de la clarinette sur des compositions free rock selon une appellation que j’aimerais personnelle. Quel est le bougre qui a volé mon tuba ?

On joue alors la septième minute. Des percussions par millions disparaissent lors d’une première éclaircie, série qui s’avérera sinusoïdale. Le grand compositeur prend place derrière ses claviers sanguinolents. Sa direction demeure hypothétique, banquise en pleine oraison pouvant muter à tout instant en dangereux abattoir.

Doublons par toutes les directions. Quatorze premières minutes absolument dantesques, flippantes. Puis un timide rai lumineux fendant l’air. Ça ne dure jamais, on vous l’a assez dit. La veilleuse s’éteint.

Il y a bien un fil rouge, ce fracas de verre brisé, se faisant entendre parfois. Cela constitue-t-il une justification suffisante pour ce qu’on s’apprête à commettre ? Il y a bien un fil rouge, ce drone tapi dans l’ombre de ce capharnaüm épouvantable.

Toute une batterie se met en branle, convoquant images hétéroclites : claquements d’horloges, gourdins s’animant soudainement dans des mouvements anarchiques. Les pianos virevoltent comme des bourdons. Dans le rythme, l’air, l’eau : une simple vague. Des profondeurs marécageuses montent des monstres, fleurissent des moissons d’idées. Je vis, je dors, je meurs, je vis. Revivre implique mourir. Chaque jour tu dois mourir un petit peu proférait une ironie mordante.

Néanmoins, les interrogations subsistent. Que devons-nous faire, maître ? La règle des Siths est simple : toujours par deux ils vont. Des orgues pullulent. Hypnotique. Il a même failli marquer son premier but en pro sur son second ballon.

Au bout de vingt-cinq minutes, on gratte des allumettes, une à une. Tu te souviens DiCaprio dans Shutter Island ? Pyromane. Incertain. Mais surtout psychédélique. Suis-je encore inquiet ? Je suis bien trop inquiet pour être inquiet. Note 1. Note 2. Note 3. 04567. L’ai-je bien descendu ?.

Et le voilà qui s’emballe à nouveau sur fond d’aube naissante se concrétisant finalement à la trente-deuxième minute. Sommes-nous en Écosse ? Ou chez Terry RILEY ? Les décibels arrivent par grappes à l’aéroport, faites venir un démineur. Félicitations madame, c’est une guitare électrique.

C’est comme si j’y étais allé dans une autre vie. Je jurerais y être, je t’assure, sous l’orage, complète solitude électrostatique. Une douce métastase traverse l’air tiédasse alors que l’ombre des SUNN O))) se découpe furtivement sur les montagnes à l’horizon.

Ne subsiste en définitive qu’un subtil mirage luminescent, produisant même un son quasi inconnu. Un orgue seul au cœur d’un muffin, pris entre deux feux, une fois le dernier homme exterminé par les Martiens. Ne subsiste en définitive qu’une impression étrange une fois l’ultime note consommée.

C’est évident.

Vertige (n.m.) : peur, malaise ressentis au-dessus du vide, se traduisant par la sensation d'être attiré par celui-ci et par des pertes d'équilibre au sens premier. Par extension :  trouble, exaltation, égarement dû à quelque chose d'intense. Tiré du latin vertigo.

Une incommensurable et indescriptible tension, en effet, caractérisant ce vertigineux album noir composé par le trio australien The NECKS. Leur Relayer à eux en quelque sorte, bien qu’ils soient à des années-lumière du progressif symphonique dispensé par YES. Quoique.

Arthur Rimbaud exprimait dans Une Saison En Enfer : J’écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges.

Peut-être celui, confus, ressenti par James Stewart, montant dans ce mystérieux clocher. Sans jamais savoir à cet instant précis s’il pourra ensuite en redescendre, et dans quel état. La façon dont le matin a fait irruption était plutôt inusuelle.

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- Chris Abrahams (piano, orgue)
- Lloyd Swanton (basse)
- Tony Buck (batterie, percussions)


1. Vertigo



             



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