Histoire extraordinaire que celle de Michel Petrucciani, né à Orange en 1962 et mort à 36 ans à New-York, il y a déjà 25 ans. Sa terrible maladie dite des 'os de verre' ne l’a miraculeusement pas empêché d’être un pianiste virtuose, probablement un des meilleurs, et une figure historique du Jazz en France, personne ne pouvant rivaliser avec lui quant au succès obtenu aux USA et au prestige des multiples collaborations qui ont émaillé son parcours. Rattaché au mouvement 'Post-Bop', il fut en outre le premier Européen à signer avec le prestigieux label Blue Note.

L’album Music est un des disques réalisés pour cette maison de disques : on y trouve bien entendu les grandes influences de Michel, principalement Bill EVANS et Wes MONTGOMERY mais aussi un large spectre musical au service de compositions toutes signées par le pianiste français. Certains reprocheront à ce disque l’éclectisme des genres, l’utilisation assez intensive (mais discrète) de claviers, et la kyrielle d’invités prestigieux (entre autres, Tana Maria, Anthony Jackson, Eddie Gomez, Lenny White ou encore Adam Holzman), mais personnellement j’ai toujours trouvé ce disque brillant, tant dans la qualité des compositions, la production et le son que, bien entendu, dans l’interprétation virtuose d’un musicien sachant aller droit à l’essentiel et droit au cœur.
Les huit pièces de l’album (10 avec les bonus) sont toutes très intéressantes. On commence par "Looking Up", magnifique composition au feeling brésilien avec une superbe trame harmonique sur laquelle Michel pose un magnifique thème plein de légèreté et de poésie. Le solo est évidemment un grand moment, profondément musical et peu démonstratif, même si la fin nous rappelle toute la dextérité du Provençal.
Cette inspiration brésilienne est également très prégnante dans la superbe "Brazilian Suite N°2" qui, en plus des mélodies magiques de Michel, se pare de percussions dynamiques, d’accords de guitare acoustique et d’une exceptionnelle ligne de basse. Michel prend son temps dans la partie improvisée pour souligner la beauté de son thème, sans jamais chercher à faire de l’esbrouffe.
"O Nana Oye" penche cette fois vers l’Afrique avec un chant très présent de Tana Maria, entrecoupé de belles mesures mélodiques jouées par Michel qui reste dans une démarche de grande sobriété.
Sobre, il l’est beaucoup moins sur "My Bebop Tune" qui lui permet de lancer un thème ultra-rapide, caractéristique du genre cité dans le titre, qu’il va répéter jusqu’à plus soif en l’entrecoupant de superbes passages improvisés.
Sur "Memories of Paris", on trouve tous les marqueurs mélodiques de la ville lumière dont, bien entendu, l’accordéon, mais aussi une belle ambiance nocturne.
"Play Me", après une superbe intro, dévoile des rythmes Funk à la Tutu de Miles DAVIS, sur lesquels Michel est très inspiré.
"Bite" me fait un peu penser au style de certaines compositions de Pat METHENY, la ligne de basse évoquant beaucoup Jaco PASTORIUS, et l’improvisation est comme de coutume virtuose, lyrique et rythmiquement parfaitement posée.
"Lullaby" est une semi-ballade, une très belle mélodie bien adossée à une rythmique subtile ornée d’une partie de batterie jouées aux balais, et d’une ligne de basse prenante et mélodieuse.
Sur les versions numériques, deux titres bonus "Happy Birthday Mr K" et "Thinking of Wayne" viennent heureusement compléter, dans un style relativement traditionnel, un disque qui est un peu court sans ces ajouts (37’). A noter la très belle prestation de Joe Lovano au saxo ténor sur le second morceau.

Ce disque tient donc parfaitement la promesse de son titre et de sa pochette très simples : une déclaration d’amour à la musique à travers les multiples goûts et influences de l’orfèvre Michel PETRUCCIANI. C’est un album que j’écoute depuis plus de 30 ans et dont je ne me lasse pas tant il est simple et lumineux, que demander de plus ?