Superbe initiative que celle du Montreux Jazz Festival et de B.M.G. venus puiser dans les archives de Claude Nobs, créateur décédé il y a 10 ans de ce festival légendaire, pour nous offrir des archives inédites de nombreux artistes ayant fréquenté les lieux. Ceci permet d’exhumer et de révéler au public de formidables prestations d’artistes souvent galvanisés par la taille inhabituelle des salles et audiences et par la qualité du son et des éclairages.

Concernant Michel PETRUCCIANI, fidèle du festival, c’est notamment son fils Alexandre qui a sélectionné, parmi les nombreuses participations marquantes du pianiste provençal, onze titres s’étalant sur quatre prestations de Michel en ces lieux prestigieux, le tout couvrant une période allant de 1990 à 1998 (une année donc avant son décès).

Le style de Michel est souvent comparé à celui de Bill Evans et Bud Powell pour leur lyrisme, et celui d’Oscar Peterson pour sa virtuosité, et le passage sur les grandes scènes du festival mettent parfaitement en valeur sa formidable expressivité et sa sensibilité qui en font un artiste immédiatement reconnaissable quel que soit le contexte.

Ces enregistrements inédits (en duo, quartet, quintet et sextet) soulignent bien toutes les caractéristiques du jeu de Michel, mais également ses qualités de compositeur puisque quatre des titres proposés sont écrits de sa main.

Ainsi, "35 seconds Of Music And More" qui ouvre le bal installe une pièce enjouée en format un peu big band avec force cuivres, basse galopante d'Anthony Jackson, joli swing de batterie par Steve Gadd et piano virevoltant. "Little Piece In C For U", également jouée en format sextet, est une pièce courte qui s’autorise une intro espiègle dans un esprit très "monkien", avant que Michel ne se lance dans une superbe improvisation seulement accompagné de la batterie. Autre composition du français, "You Are My Waltz" est un titre très romantique doté d’arabesques virtuoses flirtant parfois avec le classique, alors que "Rachid", devenu un des classiques de son répertoire, dévoile son joli thème d’abord par le piano seul avant la montée en puissance du groupe et le joli développement du titre.

Mais ce double disque comprend également des reprises de plusieurs grands classiques, domaine dans lequel Michel a l’habitude d’exceller. Ainsi "My Funny Valentine" et "Autumn Leaves" sont-elles jouées en duo avec le contrebassiste Miroslav Vitous avec beaucoup de complicité, de conviction et d’élégance, les parties improvisées étant comme il se doit d’une très grande qualité. "Summertime" est interprétée de façon très directe et classique ; Michel, bien soutenu par l’orgue d’Eddy Louiss, se lance sur la seconde partie du titre dans une ébouriffante improvisation avant d’être relayé par son compère du soir. "Take The A Train" se présente dans une version de nouveau très classique, mais d’une grande musicalité; la formidable indépendance des mains de Michel est mise à l’honneur et l’hommage au grand Duke Ellington parfaitement réussi. "Estate" enfin, chanson italienne devenue un standard Jazz, est une pièce très romantique servie par une interprétation subtile et de superbes improvisations très musicales et jamais gratuitement démonstratives.

La sélection n’oublie pas Miles Davis et le Jazz modal puisque "So What" est interprété en duo Piano-Contrebasse dans une bien belle version très fidèle à l’esprit de l’originale et faisant la part belle à de jolies envolées instrumentales. "Miles Davis Licks" est une libre interprétation de thèmes de Miles joués dans l’esprit de l'album Tutu, avec une basse bien funk à la Marcus Miller, et l’apport des claviers de Adam Holzmann, ex-musicien de Miles (excellent musicien qui joue également régulièrement avec Steven Wilson).

Ce double album de 1H15 est donc une excellente surprise, une belle promenade dans l'univers de Michel PETRUCCIANI, composé d’inédits qui raviront les nombreux fans de ce formidable jazzman et qui, je l'espère, donnera envie à un grand nombre de le découvrir dans un format à la fois très qualitatif et très accessible.