Le cas des Français de CEMETARY GIRLZ est suffisamment intéressant pour que l'on s'y attarde quelques instants. Le projet emmené depuis toujours par Alien S. Pagan se situe en effet au croisement de tout ce qui peut faire le sel de la scène sombre. On y retrouve entre autres et sans ordre de préférence, de belles émotions, de la foi chevillée au corps, des thèmes gothiques dans toute leur vénéneuse noirceur. Si Smoke My Brain (2009) le premier album était sans doute trop marqué par les géniaux Américains de CINEMA STRANGE, Opus Vitae celui qui suivit quatre ans plus tard ouvrit un éventail sonore nettement plus ambitieux et réussi.

Entrer dans le monde de CEMETARY GIRLZ, c'est accepter d'embrasser la culture gothique dans ce qu'elle a de plus attractive et sincère sans pour autant y rencontrer les sempiternels clichés qui font de ce mouvement un repoussoir alors qu'il est sans conteste l'un des plus riches et ouverts. Bien sûr, si les promenades entre les tombes vous laissent de marbre (désolé), la solitude, la mélancolie assumée vous sont étrangères, L'Envol du Corbeau ne vous fera pas frétiller les ailes de plaisir, mais pour les autres, ce nouvel album a de quoi faire saliver et ce n'est pas non plus un cliché.

Lorsque l'on aime profondément cette scène comme moi, il faut aussi être naturellement patient car son caractère underground rend les productions hypothétiques et irrégulières. En entendre une, dès lors de cet acabit, c'est forcément un réel plaisir. Vous l'avez donc bien compris, le trio a frappé fort avec ce nouvel opus. C'est incontestablement un album d'ambiances travaillées qui vous enveloppe d'un voile noir. CEMETARY GIRLZ semble avoir mis un peu de côté le style incisif death-rock pour s'attarder sur de longues plages maussades qui prennent leur temps pour offrir tout leur piment ténébreux.

Évidemment, CEMETARY GIRLZ ne fait pas quand même pas définitivement table rase de son histoire passée. Des effluves que ne renierait pas le regretté Rozz WILLIAMS imprègnent aussi bien le tribal "Echoes Of My Tears" que le superbement lugubre "Eternal Night". Les ingrédients qui ont fait la saveur de l'univers du Californien se retrouvent ici subtilement dosés. Que ce soit la voix hantée, désespérée, l'orgue et la guitare tranchante comme une lame de rasoir façon SWEENEY TODD, la recette ainsi proposée est des plus appétissantes. C'est l'essence même du Gothique qui (re)vient à vous et sans ses gros sabots. Les âmes mortes ont de nouveau trouver les notes et les mots pour les accompagner.

Si L'Envol du Corbeau suscite autant d’intérêt, c'est aussi et surtout parce que le trio va au delà de ce que l'on pourrait attendre de cette scène. Ainsi l'introductif "The Wanderer" avec sa touche électro et sa basse qui serpente langoureusement sont du plus bel effet. Il nous emmène sur des terres à la fois désolées et accueillantes. Il est appréciable également de constater que le groupe ne craint pas de tisser de longues toiles tout en nuance de gris. Le morceau éponyme est absolument magnifique et je pèse vraiment mes mots. C'est la rencontre des vocaux marécageux de LYCIA et les zébrures électriques de SLOWDIVE. On se laisse ballotter au gré de ces méandres boueux. L'excellent "The Last Kiss" tout en guitare cristalline souligne lui aussi que les multiples directions prises en son sein sont comme autant d'émotions offertes à l'auditeur.

Cet album est incontestablement une réussite. Diversifié, ouvert sur de multiples horizons prometteurs tout en gardant une ligne sombrement mélancolique, il revêt un caractère d'importance. CEMETARY GIRLZ prouve haut la main que la sphère gothique a encore des choses à dire et de quelle manière. Merci à eux !