Esto est le second album du compositeur japonais sur le label Bedouin Records. Il est également dans la lignée du travail effectué sur le précédent Deist. Autrement dit, le paysage qui va encore défiler est fichtrement sombre et désespéré.


La musique de Murakami transpire la négativité, c'est l'idée de départ de son auteur. Pourtant, la première piste, "Pray", empreinte d’atmosphère mystique et contemplative, nous emmène avec une certaine douceur vers des contrées moyen-orientales, décor que l’on avait déjà traversé sur le précédent Deist ; c’est un travail reposant sur du drone et des voix / chants, mais sans ossature rythmique, et qui pourrait se fondre également au sein des productions les plus Ambient de Bryn JONES. Le Field Recording joue ici un rôle prépondérant dans l’installation des atmosphères.


"Divisive" vous engloutit rapidement dans ses ténèbres ; les timbales martèlent un rythme de galérien qui semble venir tout droit des profondeurs infernales, les cymbales porteuses d’échos amplifient la tension, l’activité qui se déroule autour de nous n’est franchement pas rassurante. Cette musique et bruitages sont la bande-son hypothétique parfaite pour explorer l’hôpital abandonné de Silent Hill. Dans une veine toute aussi horrifique, glaciale, spectrale, "Waste" est parcouru d’échos faits de drones, et ce qui semble être les voix des damnés errants, prisonniers en ces lieux, font froid dans le dos. C’est la prolongation des visions de l’Enfer de Deist ; ici la surface est loin, nous sommes dans les sous-sols, dans les tréfonds de ces sites les plus obscurs. Alors que les gongs de "Fanatical" et sa batterie doomesque c'est un peu comme vous proposer de traverser la ville de Silent Hill avec pour toute arme un Opinel à la main. Flippant.


"Thirst" joue sur des drones aux distorsions proches de celles d'une guitare électrique, "Esto" est une plage de drone inquiétante et raffinée, et toujours côté images, "Doom" enfonce ce climat quasi statique ; ce titre est porteur d’une tension parfaite pour illustrer des visions lentes des étendues polaires glacées à la The Thing. Cette plage d’ambient drony aurait pu s’insérer sans aucun problème dans la BO du terrible film de J. CARPENTER.


"Derivation" renoue avec un travail aux sonorités industrielles et métalliques, une possible chaîne de fabrication dans une usine hantée sans une once de présence humaine. Toujours du côté de l’usine livrée à elle-même, où l’esprit s’est emparé des commandes de la machine, "Down The Drain" finit par nous posséder, nous emprisonner, hypnotisés que nous sommes par cette force mentale occulte.


Esto est un petit chef-d'œuvre de dark ambient dans la droite lignée de Deist ; ces deux œuvres sont jumelles dans les atmosphères angoissantes qu'elles instaurent. Le dark ambient est un style musical ultra saturé qui demande un travail d'écoute long et rigoureux afin d'en sélectionner le meilleur et le plus intéressant. Vous avez compris que Deist et Esto y ont toute leur place. Les atmosphères, aux facettes variées, sont saisissantes et ne lassent pas par une durée superflue, MURAKAMI allant à l'essentiel. Indispensable pour tout amateur du style.