A$AP ROCKY n’a certainement pas fini de faire sa place dans le rap game et revient donc en 2015 sur son deuxième album At.Long.Last.A$AP rapidement certifié platine. Les chansons fuitent sur Internet peu avant sa sortie, mais qu’importe ! Le rappeur revendique ce disque - toujours aussi fourni que le premier - comme une partie de son patrimoine riche et éblouissant avec un hip-hop aux sonorités trap et psychédéliques.

Comme d’hab’, A$AP ROCKY met la barre haut et continue de s’entourer de collaborateurs réguliers tels que le rappeur ScHoolboy Q ou la chanteuse anglaise M.I.A, de jouer au chasseur de talent comme sa trouvaille Joe FOX, musicien de rue qu’A$AP rencontre à Londres et qu’on retrouve avec sa guitare sur pas moins de cinq titres. Le rappeur annonce la couleur de cet album par l’atmosphère sombre teintée d’un air de confessionnal sur "Holy Ghost" et fait le parallèle de la corruption dans l’industrie musicale et la religion. L’ambiance reste noire sur "Canal St." puisqu'il revient sur son passé de gangsta au moyen d’une narration captivante accompagnée d’un piano lent et tourmenté.

Sur "Fine Whine" et sa trap presque au ralenti, il raconte des relations brisées et le rap restera chill dans "Wavybone" et "Better Things", un son trippant bien que les paroles soient problématiques. ROCKY évoque ses souvenirs et les galères, que ce soit les dangers de la violence et la gentrification qu’il a observé en grandissant dans le ghetto de Harlem sur "Pharsyde" et son beat incroyable résultant d'une tension qu’il reconnait (Some boys don’t dance, but left ‘em Harlem shaking/On the pavement/And my generation fucked, and my society/Very trippy pages in my diary/It’s the irony how LSD inspired me to reach the high in me). Le rappeur reste dans l’introspection sur les batteries géniales de "Max B" et sur "West Side Highway", un peu moins mon délire, puis fait son m’as-tu-vu sur "Excuse Me" au beat trap, voire bounce. Il réussit à raconter beaucoup en peu de temps sur l’interlude "Dream" à la vibe sinistre et fera une track un peu soul aux inspirations motown avec Kanye WEST où ROCKY adaptera même son flow à celui de Yeezus. A$AP ROCKY continue de faire la part belle aux collaborations comme sur "M’$", duo trap ultra lourd avec un Lil WAYNE au top ou sur le featuring hiphop "Electric Body" plein d’énergie avec ScHoolboy Q et son rap cadencé comme une batterie.

Il y a bien entendu des pistes qui se démarquent, comme le single "Lord Pretty Flacko Jodye 2 (LPFJ2)" regroupant tous ses surnoms sur une trap au synthé lourd, introduit par le titre "JD", un hommage à l’acteur James Dean, symbole de rébellion auquel notre rappeur s’identifie. Une fois n’est pas coutume puisque sur ce disque aussi, tous les singles claquent, par exemple "Everyday" co-écrit et co-produit par l’anglais Mark RONSON qui sample la chanson "In A Broken Dream" dont les vocaux de Rod STEWART sont ré-enregistrés pour l’occasion et qui switchent à la perfection avec ceux du chanteur américain MIGUEL pour un résultat mi-soul mi-hip hop. Ici, ROCKY sort le grand jeu et son meilleur flow pour parler de la recherche du bonheur… et ça pète. Si vous n’écoutez qu’une chanson sur cet album, misez sur "L$D" (pour Love, $ex, Dream), un hymne aux sonorités rnb-soul bien psychédélique à l’atmosphère trippante et à la production vaporeuse où le rappeur, désinhibé et mélodieux, pousse la chansonnette en mode relax, réussi à nous faire planer et prouve qu’il est un artiste plus complet qu’on l’imagine.

Un flow au top, des collaborations écléctiques, des productions lourdes et aériennes à la fois et des mélodies pleines de textures, c’est ce qui est au programme de cet album aux allures de mixtape qui reste très fluide malgré tout. Le rappeur a le sens du détail, de son utilisation toujours créatives de samples aux instru tout en superposition, et parvient à faire de ce projet une expérience riche et immersive. A$AP ROCKY reste cool, calm and collected sur cet opus qui montre une nouvelle fois sa position de précurseur dans le hip-hop.