Il y a (encore) des disquaires formidables, dont en s'y rendant, on se dit qu'on aimerait dénicher, parmi les nombreuses occasions proposées, le CD qui semble à peu près introuvable autrement que par Internet. On y va donc sans grande conviction. Or il se trouve que ce disque-là, finalement, il y était ! Et c'était même le seul du groupe/artiste concerné ! Elle est pas belle la vie ? Si, un peu comme la WEEK-END MILLIONNAIRE way of life, toujours en 1992 !

Les chemins de nos trois compères ont divergé durant la première moitié des années 80. Si Alain Thomas et Jean-Michel Navarre ont continué dans la musique, Nicolas Gorodetzky connait un destin pour le moins exceptionnel, en devenant, par son bagage de médecin, et à une époque où rien de tel n'existait, le chef-organisateur et gestionnaire du système-management de santé mis en place pour tout l'Hexagone durant les grands concerts (on l'appelle "Le docteur des Rolling Stones" ou simplement "Docteur Rock") puis les rassemblements sportifs (jusqu'aux coupes du Monde de foot), rien de moins ! Et cette place, il l'a conservée, avec hélas pas toujours des souvenirs très heureux à la clef (le 13 novembre 2015 notamment), tout en continuant aujourd'hui sa carrière de musicien. Si Alain Thomas lui, semble avoir décroché depuis belle lurette, Gorodezky et Jean-Michel Navarre se sont souvent retrouvés y compris lors de concerts, jusqu'au triste décès de ce dernier en 2021.

Que reste-t-il donc de ces ultimes retrouvailles en commun sous la férule de Jean Mareska, décisionnaire d'envergure ? Ce qui est certain, c'est que Retour de Croisière n'est pas l'album de trop. Sa durée plutôt raisonnable d'une quarantaine de minutes ne témoigne pas non plus d'un groupe qui veut se forcer à exploiter les nouvelles technologies. Les chansons ne sont pas non plus des redites, bref ! Il s'agit bien d'un élément à part entière et à avoir dans sa discographie.

Bien sûr, avec les années 90, le son a changé, il y a davantage d'apport électronique, de synthés proprets. Moins de cuivres aussi voire plus du tout, on peut le remarquer, sauf le sax (qui n'a pas forcément l'air vrai, à force de tourner en boucle) sur "La Fille de Key West", titre qui par ailleurs sonne comme le plus proche de l'esprit des 33 tours et singles passés. Une sorte de belle illusion pour les nostalgiques des seventies, west-coast pailletée fraîchement distillée aidant joliment, avec tout de même une guitare héroïque au milieu.

Le titre de la chanson, quant à lui, montre que rien n'a changé dans les thématiques : l'amour des filles et des voyages, en mêlant étroitement les deux ! "Nouveau Né", bien léché et aérien, nous conduit jusque dans les mers du Sud, avec force détente et efficacité, conjuguant pop-rock avec nappes et percussions programmées, échos et couleur réverbérée. "Sunshine" plonge entre Andes et Caraïbes, avec groove et un ton dandy jusque dans son franglais. En matière antillaise, difficile de passer à côté de "Avenue des Cocotiers" funky et ensoleillé.

Le rhythm'n'blues de "Et Je l'Aime Encore" montre à lui seul qu'en termes de refrains harmonisés porteurs, WEEK-END MILLIONNAIRE n'a rien perdu de sa superbe. "Attends-Moi au Paradis", sur un pas de slow ample, sonne si proche de GOLD que c'est à s'y méprendre (à Toulouse, on sait y faire, décidément !).

"Juste un Mot Avant de Partir" est l'une des seules à s'écarter de la thématique de base en paroles : elle est dédiée aux sans-abris et toutes autres personnes malmenées de la sorte par la vie, se fait rassurante en conviant à l'évasion. Les cordes-synthés y ont la part belle, ainsi que la guitare électrique pour un slow de toute beauté. L'autre 'outsider', c'est la toute dernière, "Un Aigle au Soleil", évocation de Saint-Exupéry et autres grands aviateurs, pour boucler la boucle et revenir à Toulouse, là où tout a commencé, de façon très touchante.

Un album confidentiel mais réussi donc, pas si loin de la qualité du premier. Si j'ai peu parlé des éléments vocaux, c'est parce que là aussi, entre douceur et ambition contenue dans les harmonies et autres arrangements, rien n'a changé. C'est un délice, et puis il y a l'identité ! Car là où le dernier single en 1984, "Exit", nous avait laissés quelque part en Afrique sauvage, avec Retour de Croisière, WEEK-END MILLIONNAIRE réaffirme ses accointances américaines et surtout californiennes, en rendant deux fois hommage aux BEACH BOYS ("Flashback" et ses guitares twin, "Éternel Eté" qui s'ouvre par un "I Get Around" modifié, avec même des synth-brass peu envahissants, ouf !). Du travail soigné donc, et une belle façon de rappeler ce qu'a vraiment été ce groupe pour la pop en général dans des Etats-Unis culturellement éclatants, au registre essentiel. Ce que, dans une moindre mesure, WEM a aussi été à échelle française, pour ceux qui s'en souviennent !