La bande de potes de Krefeld en est déjà à son douzième album, quelque part entre Dusseldorf et Duisbourg. Les Allemands nous ont habitués à une certaine qualité : peu de faux pas et une véritable capacité à se renouveler depuis toutes ces années. En ce sens, ce sont pour moi aujourd’hui les leaders du Power Metal qu’on appelait autrefois speed metal. Qui l’eût cru en 85, il y a près de quarante ans, quand sortait leur Symphonies of Doom. Mais plusieurs éléments ont toujours fait pencher la balance en leur faveur, l’intelligence et le sens de l’humain n’étant pas les moindres. Voyez plutôt où sont passés les HELLOWEEN aujourd’hui ? Et quelle pochette ! Cette évolution est remarquable dans bien des aspects. La carrière est en tout cas fort réussie, étudions à présent le cru 2022 des BLIND GUARDIAN.

Les Allemands sonnent la charge avec le titre d’ouverture : l’énorme "Deliver Us From Evil" est une vraie petite merveille où l’on retrouve les ingrédients qui ont fait du gardien aveugle un des classiques du Heavy Metal de tradition. Hansi tient la baraque avec sa puissance coutumière, le groupe soudé comme jamais derrière lui. Le refrain est une véritable merveille. Les solis de guitare ne sont pas en reste et tout ceci dépote franchement bien. Une cavalcade pleine de dynamique et d’originalité comme peu savent les faire. Ma belle-mère Mimi vient de le dire : on dirait une course poursuite avec le diable. On n'aura jamais tapé aussi juste, non ? Penchez-vous sur le texte, il est tiré des écrits d’Arthur Miller, toujours intellos nos collègues d’outre-Rhin. "Violent Shadows" propose aussi un refrain de toute beauté qui jouxte les sommets, et tant pis si les couplets sont moins brillants. C’est la guerre, pas moins ! Une gageure quand on connaît le calme de nos teutons ! Les gratteux s’en donnent à coeur joie à coups de twin guitars supra eighties, mais hyper efficaces.

La science de constructeur de riff est toujours là, voyez les structures de "Damnation". On évolue au gré des idées de André et de Marcus, toujours aussi volubiles et aériens. Jamais un instant de répit, jamais un moment d’ennui, les idées fusent partout et l‘ensemble a vraiment une tête de vainqueur, malgré les années accumulées. La série Netflix des American Gods est en pleine bourre en ce moment, alors Hansi s’est fendu d’une longue tirade sur le sujet avec l’acuité qu’on lui connaît. Neil Gaiman aime-t-il le metal ? L’emphase et l’épique sont en tout cas au rendez-vous pendant les plus de 7 minutes que dure "Secrets Of The American Gods". On voit sur la video que les chevelus ont changé, les cheveux plus courts sont tombés ou sont gris. Les looks ont changé, mais l’esprit et le coeur restent les mêmes, quel plaisir ! Ah, pour moi qui suis un méga fan de la série Battlestar Galactica. Le titre "Architects Of Doom" était fait pour moi. Les licks de gratte y sont magnifiques et le rythme trépidant. Le refrain en monde accalmie se pose fort bien sur la composition. Décidément, quel album !

Une intro en forme plus moderne, une rythmique plus indus, voire alternative, débouchent sur un titre plus chaotique mais tout aussi addictif, "Life Beyond The Spheres" est certes plus actuelle, avec des grattes rampantes et une forme d’angoisse sourde qui sous-tend le titre, normal puisqu’il s’agit d’une allégorie sur le big bang et la création de l’univers. "Let It Be No More" est un mid-slow en hommage à la maman décédée de Hansi ainsi qu’un rappel de la fabuleuse série des Leftovers, j’en retiens le joli solo, le reste me semble plus entendu. "Blood Of The Elves" est une nouvelle cavalcade qui se signale par des grattes nucléaires qui rappellent par instant les potes ricains de ICED EARTH. Enfin, "Destiny" reprend les éléments mélodiques et dynamiques que le groupe aime à incorporer dans ses compositions les plus alambiquées, Hansi mène le titre de bout en bout et jamais ne faiblit. Et là encore, quelles guitares de André !

Peu de doute quant à la valeur brute de cet opus des Allemands de Rhénanie. C’est bien simple, je trouve cet album 0 la hauteur de leurs grands opus du début de carrière, nonobstant la gigantesque production de Charlie Bauerfeind, qui lui donne un avantage certain. Nous sommes donc sur un quatre surpuissant, et je positionne le titre "Deliver Us From Evil" à la pointe de leurs classiques, quel talent ! La route est loin d’être finie pour nos voisins d’outre Rhin !