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The DETROIT COBRAS - Mink, Rat Or Rabbit (1998)
Par LE KINGBEE le 29 Septembre 2023          Consultée 543 fois

Comme son nom peut le laisser suggérer, The DETROIT COBRAS sont issus de la Motor City. En 1994, le guitariste Steve Shaw, ancien équipier d’Alex Chilton, est rejoint par la chanteuse Rachel Nagy également danseuse exotique, le bassiste Jeff Meier (futur Rocket 455, Nathaniel Mayer), le batteur Vic Hill, bientôt remplacé par Damian Lang (ex-Elvis Hitler), et la guitariste Maribel Restrepo (alias Mary Ramirez).
Avec la présence de la charismatique Rachel Nagy et de la guitariste Mary Ramirez, la formation ne tarde pas à acquérir une solide réputation sur tout le territoire du Nord-Ouest. Curieusement, le groupe n’a en théorie rien de bien original : la bande de Steve Shaw se contente de reprendre les morceaux des autres, souvent des inusités. En près de quinze ans de carrière, le groupe a enregistré 73 chansons (5 albums et 1 compilation) pour une seule co-écriture, caractéristique peu banale. Le charisme de Rachel Nagy, qui ne va pas tarder à prendre les rênes de l’attelage, et la qualité des relectures expliquent en partie ce succès inattendu sur les scènes américaines et anglaises.

Le groupe enregistre trois singles en 1996, de petites autoproductions pour d’obscurs labels (Black Mamba Records, Human Fly et Scooch Pooch) destinés avant tout aux programmateurs. Leurs prestations permettent d’attirer l’attention de Long Gone John, patron du label Sympathy For The Record Industry, un indépendant spécialisé dans le Rock Punk et l’alternatif, disposant d’un riche catalogue et dont le nom est un pied de nez à l’industrie du disque. Gros collectionneur - on lui prête plus de dix mille disques - John Mermis (aka Long Gone) est un entrepreneur avisé qui a su attirer dans ses filets des artistes aussi variés que Roky Erickson, The GUN CLUB, SUICIDE ou The WHITE STRIPES.

Enregistré à Detroit au Rust Belt Studio, endroit où sont passés Bob DEGER, John FOGERTY ou Alice COOPER, par Al Sutton également co-producteur, Mink, Rat Or Rabbit paraît dans les bacs en février 1998. Connu pour ses collaborations avec Kid ROCK, Thornetta Davis ou le groupe instrumental Don Caballero, Sutton fournit un habile travail vintage derrière les consoles. Si l’étrange pochette de Dennis Metea, un photographe local, dévoilant une danseuse dénudée, ne renseigne guère sur le répertoire, il en va de même du titre qui se veut comme une raillerie au monde de la fourrure. Tout en haut à gauche, figure une mention humoristique concernant l’inhibition. On laisse à chacun la liberté d’interprétation d’un tel rappel.

Dès le premier titre, les Detroit Cobras nous font grimper dans une machine à remonter le temps avec "Cha Cha Twist", un titre de Brice Coefield (ex-chanteur des Valiants) proche variante de "The Twist" d’Hank Ballard & The Midnighters, popularisé deux ans plus tard par Chubby Checker. Le jeu des guitares, les chœurs et le timbre obsédant de Rachel Nagy impulsent une forte intensité et font passer l’ancien roi du Twist pour un vulgaire lapereau.

En fait, hormis "I’ll Keep Holding On", tube des MARVELETTES enregistré en 1965, et "Bad Girl", la réponse au "Bad Girl" des Oblivians, titre sorti en 1996, toutes les autres pistes nous renvoient en arrière, dans une époque s’étalant de 1958 à 1964. Le titre des Marvelettes, qui en son temps décrocha une honnête 34ème place dans les charts américains, bénéficie d’une orchestration plus dynamique. Le groupe transforme une soupe Motown peu vivifiante en un gaspacho goûteux et épicé. On croirait entendre les PRETENDERS ou BLONDIE. "Bad Man" se révèle plus mélodieux que l’original Garage Punk des Oblivians, mais il est vrai que le trio de Memphis avait pour habitude de s’interchanger les instruments au gré des morceaux.

Le combo se montre très à l’aise sur ses covers de Girl Group. Après s’être frotté aux Marvelettes, Rachel Nagy explore l’univers des Shirelles avec "Putty (In Your Hands)". Cette fois encore, le ton se durcit avantageusement, les guitares et la rythmique tissent un solide tapissage de Garage Punky. Une version qui vaut la reprise des YARDBIRDS et fait oublier le massacre de Kim WILDE. Chez nous autres, Sylvie VARTAN a chanté "Ne le déçois pas", une adaptation proche du naufrage prenant. Autre plage issue d’un Girl Group avec "It’s Easyier To Cry", un inusité des Shangri-Las, groupe vocal new-yorkais formé à l’origine par deux paires de frangines. Par rapport à l’original (face B de "Remember (Walking In The Sand)"), l’absence de l’orgue est largement compensée par les jeux de gratte et puis la voix de Rachel fait oublier le timbre juvénile de Mary Weiss, tout juste âgée de quinze ans.
Exercice autrement plus ardu avec le fulgurant "Slummer (The Slum)" qui n’est autre que la transformation Garage de "The Slummer The Slum", un R&B des Five Royales gravé pour le label King en 58. Là encore, les guitares passent la surmultipliée, le dérapage reste magnifiquement contrôlé. Un essai bien plus fertile et inventif, selon nous, que celui de Steve Cropper. Autre changement d’orthographe avec "Midnight Blues" * qui n’est autre que la reprise de "Midnite Blues", douce balade de Charlie Rich gravée pour Philips International, label de Sam Phillips, patron du label Sun. Malgré une intro de percussions tribales et une guitare pleine de reverb, Rachel Nagy et la rythmique maintiennent un cap plein de douceur, preuve que le Garage peut se faire groovy.

Parmi les inusités que nous ressert le groupe, "You Knows What To Do", hit sans grand succès de Barrett Strong, témoigne que l’industrie du disque marchait sur la tête depuis la fin des fifties. Comment expliquer qu’un tel titre n’ait pas fait un carton en 1960, si ce n’est parce qu’il était édité par Anna Gordy, petit label fondé par deux sœurs de Berry Gordy qui s’empressa, ni vu ni connu, de mettre le label de ses frangines sous l'éteignoir ? Là, Rachel et ses sbires nous offrent une vitalité digne des STANDELLS, FLAMIN’GROOVIES ou de nos DOGS. Autre inusité avec "Can’t Do Without You" de Dusty Wilson, un soulman de Detroit. Là, les chœurs entrent dans une parfaite interaction avec le vocal de leur chanteuse, la guitare se fait plus proprette pour un titre hyper dansant. Un autre second couteau de la Motor City a droit à son clin d’œil : Gino Washington ** avec le dynamique "Out Of This World" ≠. Si l’original édité par Wand Records partait dans tous les sens à la frontière entre R&B et Rock, ici l’absence de cuivres donne le premier rôle aux guitares. Un titre qui aurait mérité d’intégrer les charts s’il avait bénéficié d’une distribution et d’une promo à la hauteur. Dernier inusité avec l’instrumental "Chumbawa", titre pioché dans le répertoire de Gabriel And The Angels, petit combo du New Jersey. Inspiré par "La Bamba", adaptation rockandrollienne de Ritchie Valens, cette reprise instrumentale à 97% prend sa sources de plusieurs affluents : Cumbia, Calypso, Surf et Rock primitif. Un bel hommage aux nombreux groupes instrumentaux du début sixties (SHADOWS, VENTURES, Spotnicks, Surfaris).

Si les Cobras Detroit témoignent un attachement à certains Girl Groups, le combo rend hommage par deux fois à Irma THOMAS. "Hittin’ On Nothing", une petite perle de Soul NOLA composée par Allen Toussaint, parue en 63 sur Minit Records, prend un petit coup de jeune. Si les guitares impulsent un décor Rock' n' Roll, le chant booste l’ensemble juste comme il faut. Un feu d’artifice vient clôturer l’album avec "Breakaway"♯, une création de Jackie DeShannon popularisée par Irma Thomas. Encore un titre qui aurait pu atteindre le toit du monde s’il avait reçu plus d’attention de la part de Lew Chudd, plus intéressé par les plus-values de la vente du label Imperial à Liberty Records que par ses chanteuses et chanteurs. Si les guitares envoient toujours autant le pâté et si le chant de Rachel Nagy ♦ se fait moins guilleret que celui de Thomas, le titre s’avère toujours aussi entraînant et termine le disque sur une bonne note.

Les détracteurs et les esprits chagrins trouveront probablement qu’on a là un album pauvre, uniquement constitué de reprises, un disque manquant d’originalité et de créativité, les Cobras ne crachant au final qu’un venin de crapaud. Mais le groupe, passionné par un répertoire issu d’un temps révolu, a le mérite de faire (re)découvrir un bon nombre d’inusités passés à la moulinette. En outre, les prestations scéniques lui vaudront bientôt les faveurs du label londonien Rough Trade Records. Sur un rythme trépidant évitant tout saccage, les Cobras Detroit s’annoncent comme les rois de la relecture. Le groupe va à l’essentiel, le titre le plus long ne dépassant pas les 186 secondes. La plupart de ces trouvailles piochées dans les répertoires de la Soul et du R&B se retrouvent transfigurées, remodelées à la sauce Garage. Ces titres sont portés par le feeling et le timbre intense de Rachel Nagy, chanteuse qui ayant inspiré l’anglaise Amy WINEHOUSE. Le disque a fait l’objet d’une réédition en 2016 par Third Man Records, label de Jack White.


*Titre homonyme à ceux de Chip Taylor, T. Bone Walker et Gary Moore.
**A ne pas confondre avec son presque homonyme Geno Washington.
≠Titre homonyme à ceux de Johnny Mercer et Loudon Wainwright III.
♯Titre homonyme à ceux des Beach Boys, Alan Parsons, Avril Lavigne.
♦ Rachel nous a quitté le 15 janvier 2022, elle avait 48 ans.

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- Rachel Nagy (chant)
- Maribel Restrepo (guitare, chœurs)
- Steve Shaw (guitare, chant)
- Jeff Meier (basse)
- Damian Lang (batterie, chœurs)


1. Cha Cha Twist
2. I'll Keep Holding On
3. Putty (in Your Hands)
4. Easier To Cry
5. Bad Girl
6. Summer (the Slum)
7. Midnight Blues
8. You Knows What To Do
9. Can't Do Without You
10. Hittin' On Nothing
11. Out Of This World
12. Chumbawa
13. Breakaway



             



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