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1998 All Over You

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1994 I'M A Lover Not A Fighter

Lazy LESTER - All Over You (1998)
Par LE KINGBEE le 24 Octobre 2023          Consultée 406 fois

Alors que le label de Chicago Alligator Records annonce sa réédition en format vinyle et CD prévue pour novembre 2023 avec un inédit, il nous semble bon de revenir sur cette légende du Swamp Blues, véritable virtuose de l’harmonica.

Natif de Torras, une ville aujourd’hui disparue située à deux pas de la Pointe Coupée, Leslie Johnson devait avoir de sacrées dispositions pour devenir une icone du Blues. Clin d’œil au destin, son père s’appelle en effet Robert Johnson, homonyme du célèbre guitariste qui aurait échangé son âme au diable, à la manière de Faust, contre un talent exceptionnel à un sombre carrefour de Clarksdale, le fameux Crossroad.

Le parcours de Leslie Johnson a tout d’une épopée extravagante. Adolescent, il enchaîne les petit boulots (bucheron, épicier, pompiste, manutentionnaire) tout en se mettant à l’harmonica en entendant Jimmy REED. Il étudie la guitare en compagnie de l’un de ses frères et apprend les rudiments de la batterie. Il se produit occasionnellement au sein des Rhythm Rockers et de Guitar Gable. Cette histoire des plus banale aurait pu s’arrêter là, mais le destin joue parfois des tours inattendus.
Alors qu’il circule dans un bus, il rencontre Lightnin’ SLIM qui doit passer une audition pour le label Excello du producteur J.D. Miller. N’ayant rien de particulier à faire ce jour-là, il accompagne le guitariste à Crowley, l’antre de ce qui allait devenir l’épicentre du Swamp Blues. Will Bill Phillips, l’harmoniciste prévu pour la session étant absent, Leslie Johnson le remplace au pied levé participant au single "Bad Luck And Trouble". Un début de carrière pour le moins extravagant !

Brillant multiinstrumentiste Leslie Johnson devient Lazy LESTER, surnom donné par J.D. Miller qui a pour habitude de donner des sobriquets à ses vedettes, en général des bluesmen du cru qu’il exploite outrageusement. Si Lazy Lester devient rapidement l’une des poutres maitresses d’Excello Records, accompagnant à l’harmonica, à la guitare, à la basse et aux percussions les têtes d’affiche qui s’aventurent à Crowley, il va également enregistrer sous son nom quinze 45 tours pour Excello sur une période de dix ans.
Fidèle accompagnateur de Lightnin’ SLIM, Slim HARPO, Lonesome SUNDOWN, Lazy Lester se retire des studios d’enregistrements en 1966, les maigres dividendes que lui verse Miller ne lui permettant pas de vivre correctement. L’harmoniciste ne quitte cependant pas totalement la musique, on le retrouve au fil des années pour quelques concerts de son ami Lightnin’ Slim. Si sa carrière avait débuté de manière rocambolesque, la suite sera pleine de rebondissements. En 1987, il est invité à participer à une tournée européenne et sous la houlette de Mike Vernon, patron du label Blue Horizon, il enregistre Rides Again, album avec lequel il décroche un Blues Award et qui relance totalement sa carrière après vingt ans de silence radio. Cette légende du Swamp Blues deviendra l’une des principales attractions des festivals Blues et des tournées européennes jusqu’à sa mort durant l’été 2018.

En avril 87, l’harmoniciste donne un premier concert à Austin au club de Cliff Antone. En juillet, il revient au club qui fête ses vingt ans. Devant l’enthousiasme du public parmi lequel figurent Jimmy VAUGHAN, Kim Wilson et l’acteur Bruce WILLIS, Clifford Antone échafaude l’idée d’enregistrer l’harmoniciste. Le projet verra le jour bien plus tard en 1998.
Enregistré en trois sessions à Austin à l’Arlyn Studios sous la houlette du producteur multi-instrumentiste Derek O’Brien (déjà entendu auprès de Lavelle WHITE, Lou Ann BARTON, Angela STREHLI, James COTTON), ce troisième opus dévoile un sexagénaire en ultra forme, épaulé d’une solide équipe : la guitariste canadienne Sue Foley, Derek O’Brien qui non content de surveiller les consoles est présent sur dix titres, la bassiste Sarah Brown (Albert COLLINS, Buddy GUY, Carol Fran), le batteur Mike Buck (FABULOUS THUNDERBIRDS, Johnny CARROLL) tandis que le pianiste Gene Taylor (ex Moon MARTIN, Charlie MUSSELWHITE, Snooky Pryor) vient faire reluire ses ivoires sur un titre. Une formation réduite mais terriblement efficace.

Hormis "The Sun Is Shining", titre de Jimmy REED enregistré en 1957 pour Vee-Jay Records, les onze pistes restantes proviennent du catalogue Excello. L’examen de la pochette intérieure nous dévoile que dix de ces onze titres sont accrédités à J.D. Miller ou Jerry West (son pseudo), le producteur s’accréditant sans vergogne les compositions de ses ouailles. Toujours est-il que cette reprise de grand Jimmy Reed s’avère moins minimaliste que l’original avec la présence d’une guitare rythmique et d’une basse. Le phrasé d’harmonica paresseux et trainant colle parfaitement au morceau, Reed n’étant pas un adepte de gros solos démonstratifs.

Lazy Lester reprend ici plusieurs morceaux issus de ses singles, des interprétations superbement rôdées avec le temps. "Strange Things Happen" * se révèle comme le parfait prototype de la ballade louisianaise. Une version selon nous bien plus authentique que celle parue sur le recueil Superharps II édité en 2001 par Telarc. Ce n’est pas pour rien que Miller a attribué à son poulain un tel nom de scène, lié à son caractère nonchalant et facétieux, le jeu d’harmonica souvent trainant retranscrit parfaitement sa personnalité. "If You Think I’ve Lost You (Secret Weapon)" continue sur la même lignée, rythme mollasson, rythmique squelettique mais toujours aussi obsédante. Si Chicago Bob et plus tard le groupe néerlandais Little Hat mettront le morceau à leur répertoire, Sue Foley publiera la chanson en 2000 sur l’album Back To The Blues, composé toutefois de morceaux enregistrés en 1992. La cadence reste similaire sur "You’re Gonna Ruin Me Baby", seul l’harmonica se permet des envolées aussi belles que brèves.
Le ton monte d’un cran sur "I Made Up My Mind" **, titre incorporant les ingrédients du registre de Slim HARPO. "Tell Me Pretty Baby" permet d’entrevoir malgré son tempo lent certaines influences issues du Hillbilly à l’image de Wayne Raney, ancien équipier des Delmore Brothers. Lazy Lester n’oublie pas de reprendre son plus gros succès, "I'm A Lover Not A Fighter", un standard tenant autant du Swamp Rock que du Rockab. Le titre sera popularisé dès 1964 par The KINKS puis repris par Dave Edmunds, The CRAWDADDYS jusqu’à Webb WILDER. Ce morceau tombera dans l’escarcelle de nombreux groupes Garage du milieu sixties : les anglais de The Brand ou les écossais The Athenians. Bien plus tard, le groupe germano-français The Bird Doggin’ Daddies en fera une version Rockab de tout premier plan.

Parmi les titres piochés dans le catalogue Excello signalons que Lazy Lester a participé à certains d’entre eux. L’entrainant "I Need Money (Keep Your Alibis)", une diatribe humoristique de Slim HARPO sur les problèmes d’argent d’un couple, s’annonce aussi comme message à l’adresse de tous les requins et profiteurs qui pullulent dans l’industrie du disque. Le jeu d’harmonica booste l’ensemble derrière une rythmique implacable. Un titre entre Swamp Blues et Rock n Roll dont les paroles sont toujours d’actualité : I need money, keep your alibis -Well, I'm tired of your excuses - I don’t wanna hear no more lies. Le titre sera repris par MERCY, excellent groupe de Blues français. Que serait un disque de Swamp sans une œillade à la Nouvelle Orleans ? Lazy Lester reprend "Irene", entre ballade louisianaise et valse néo-orléanaise, titre du guitariste Guitar Gable. Un grand morceau bien moelleux rempli de douceur.
Retour vers un Swamp nettement plus rural et frustre avec "Nothing But The Devil" interprété en solo. Ce titre fétiche enregistré en aout 60 par Lightnin’ SLIM, épaulé de Lazy Lester et du batteur Warren Storm, sera repris par Johnny WINTER et Rory GALLAGHER dans des interprétations plus démonstratives. Changement de décor avec "Hello Mary Lee", autre titre de Lightnin’ SLIM gravé en juin 61 toujours en compagnie de Lazy Lester. Cette fois, l’ambiance se révèle plus légère, le parfait compromis entre ballade louisianaise et Swamp Rock à la Slim Harpo. Le titre sera repris plus tard par Omar & The Howlers. Ultime clin d’œil à ses anciens collègues d’Excello avec une reprise en solo de « My Home Is A Prison », une intense complainte de Lonesome SUNDOWN. Ce formidable Swamp Blues forgeant sa trame dans la dramaturgie fera l’objet de bonnes covers (Slim HARPO, Kirk FLETCHER et MERCY groupe de Jean-Paul Avellaneda).

Produit sans surenchère avec en prime deux titres en solo, ce disque permettait à cet harmoniciste guitariste également excellent chanteur de se remettre en selle. Secondé par une équipe réduite mais aussi soudée que souveraine, Lazy Lester propose ici un répertoire sincère et cohérent revisitant d’anciens titres de sa période Excello avec comme mot d’ordre un groove incomparable.


*Titre homonyme à celui de Billy Bragg.
**Titre homonyme à ceux de Brother Henderson’s Spiritual Lambs et Brotha2Brotha.

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- Lazy Lester (chant, harmonica 1-2-3-4-5-6-7-9-10-11, guitare 8-)
- Derek O'brien (guitare 1-2-3-4-5-6-7-9-10-11)
- Sue Foley (guitare 1-2-5-10)
- Sarah Brown (basse 1-2-3-4-5-6-7-9-10)
- Mick Buck (batterie 1-2-3-4-5-6-7-9-10-11)
- Gene Taylor (piano 6)


1. I Need Money (keep Your Alibis)
2. The Sun Is Shining
3. Strange Things Happen
4. If You Think I've Lost You (secret Weapon)
5. I'm A Lover Not A Fighter
6. Irene
7. You're Gonna Ruin Me Baby
8. Nothing But The Devil
9. I Made Up My Mind
10. Hello Mary Lee
11. Tell Me Pretty Baby
12. My Home Is A Prison



             



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