Jean-Pierre Grasset publie son second album en 1978 sur son propre label, Fléau, entreprise éphémère riche d’une demie-douzaine de parutions.

VERTO a indubitablement gagné en matière sonore depuis le bancal Krig / Volubilis. Le son d’ensemble bénéficie de davantage de relief, Jean-Pierre Grasset a comblé ses lacunes technique et est épaulé par une équipe solide. Après les musiciens de POTEMKINE, ce sont Benoît WIDEMANN et Jean-Pierre FOUQUEY de MAGMA qui prêtent main forte à Jean-Pierre Grasset sur plusieurs morceaux.

L’album commence à nouveau par un titre nerveux fort inspiré de MAGMA; une version détournée du riff de "De Futura" (1976) sert de trame à "Comme La Folie" mais cette fois le groupe fait preuve de davantage de recul vis-à-vis de son modèle, faisant de cette composition une introduction accrocheuse, où la guitare et le synthé se répondent parfaitement. Benoît WIDEMANN semble s’éclater à imiter le son d’une guitare saturée sur son Mini-Moog!

Par la suite, tout comme pour le premier album, les instrumentations comme les styles musicaux se téléscopent. Si Krig / Volubilis était déjà hétérogène, Réel 19 36 pousse les contrastes encore plus loin au point d’être parfois difficile à suivre, entre le travail de groupe de "15 Pour Moi" ou "Danse À Cabanes" et les exercices électroniques en solo de "Réel" et "19/36", où Jean-Pierre Grasset fait usage d’un synthétiseur RSF Kobol, de fabrication française – alors pourquoi cette mention "No Synthesizer" dans les notes de l’album? Le plus déroutant arrive sans doute avec les deux la drôle de chorale de "Danse À Cabanes", adaptation complètement brindezingue d’une chanson folklorique champenoise, et l’expérience de "C’Est Loopé" où les guitares et les claviers s’entrechoquent en boucles sonores.

"15 Pour Moi" – dont le titre est une référence à la nomenclature de la composition! – semble tout droit sortie du premier album solo de Benoît WIDEMANN tant celui-ci y impose sa musicalité. Après "Et Terre" et "Éther" sur le premier album, Jean-Pierre Grasset approfondit son art du riff avec "19/36" où le ring modulator brise tout repère harmonique, et "Carton Acidulé" qui explore les enchaînements harmoniques et la polyrythmie, avec une ambiance lourde et lugubre qui conclut l’album en porte-à-faux.

Réel 19 36 est vraiment riche en ambiances sonores. L’angoisse quasiment claustrophobique de "Carton Acidulé" répond à la crudité de "19/36", au groove irrésistible de "15 Pour Moi" ou aux grands espaces dépeints par l’excellent "Réel" où la parfaite symbiose entre les arpèges de guitare et les séquences électroniques ne sont pas sans rappeler HELDON. C’est une réussite pour Jean-Pierre Grasset qui hélas signe là son dernier projet musical personnel. Nous le retrouverons en tant que performeur sur d’autres albums du label Fléau, tels Overchoses de Jean-Luc ROUDIÈRE ou encore les deux premiers disques du bluesman Cyril LEFEBVRE.