Il ne fallait pas chercher bien loin pour retrouver Janelle MONAE depuis la sortie de son dernier disque en 2018 : dans les librairies avec son premier livre, en tournée et dans les festivals, ou encore sur les petits et grands écrans dans une dizaine de projets, dont l’excellent Glass Onion : A Knives Out Mystery en 2022, réalisé par Rian Johnson. Elle revient durant l’été 2023 avec son quatrième CD studio The Age Of Pleasure qui reçoit une nomination aux Grammy non seulement pour album de l’année mais aussi pour meilleur album de r’n’b progressif.

Si la chanteuse de 37 ans fait de The Age Of Pleasure un album qui célèbre la sexualité, c’est avant tout une ode à tous les petits bonheurs de la vie qui apportent du plaisir, à l’image de cette pochette qui renvoie à ces moments simples que son enfant intérieur n’a définitivement pas oublié. Le single "Float" en est la preuve (I don’t step, I don’t walk, I don’t dance, I just float) : c’est une libération qui se joue sur le son de guitare et de la flûte, mais surtout sur cet ensemble de cuivres joué par Seun KUTI et son groupe EGYPT 80.

Le groupe joue encore pour Janelle sur le beat réjouissant de "Champagne Shit", agrémenté d’un orgue et de la batterie qui guideront cette célébration des plaisirs charnels (I like all my kisses French/When I’m on my champagne shit), suivi de son interlude "Black Sugar Beach" aux sonorités beaucoup plus orchestrales que reggae. Les thèmes du superbe titre "Phenomenal" sont du même acabit : une sexualité assumée qui rencontre l’attitude bad bitch de l’artiste (She’s a mystic, sexy creature/Oh, she goals, she goals and I’ma keep her/She’s a God and I’m her believer) sur une instru entre r’n’b et dance où la flûte vient une nouvelle fois s’ajouter aux refrains à l’énergie très vogue qui rappellent bien évidemment l’ambiance Renaissance de BEYONCE.

"Haute" et son ensemble de cordes reste dans la vibe du dernier disque de Queen B, qui alliait lui aussi des beats afro à la dance du moment sur fond de self-empowerment (They think I’m supreme/They say I look better than David Bowie in a Moon Age Dream). L’interlude "Ooh La La" est d’ailleurs interprété par Grace JONES qui a aussi posé sa voix sur Renaissance. MONAE revient à des sonorités et des percussions très reggae sur le single "Lipstick Lover" qui fait l’éloge de l’amour queer (I like lipstick on my neck/It let me know I’m your number one select), ou de l’amour tout court avec la basse très cool de "The Rush" où Janelle harmonise à la perfection aux côtés des chanteuses AMAARAE et Nia LONG (Feel your ocean come to my moon/Let our rain become monsoon) avant de finir ce tableau sur l’interlude "The French 75".

Il faut croire que cet été était très chaud pour Janelle, puisqu’elle laisse si peu de doute sur le beat chill du single "Water Slide" (If I could fuck me right here right now/I would do that/Looking in the mirror at me, my God/Like who that?), dans une ambiance beach-soul que le saxophone embellit d’une empreinte plus jazzy. L’atmosphère reste des plus sexy sur l’instrumentation de "Know Better " où les cuivres de EGYPT 80 viennent renchérir en sensualité.

Les paroles ultra explicites de "Paid In Pleasure" ne pouvaient que se voir accompagner d’une instrumentation splendide et plus que complète alors que la ballade reggae "Only Have Eyes 42" revient à la basse et la batterie où viennent se broder des effets sonores bien connus chez l’artiste. Ici, toujours dans la chaleur de l’été, c’est le poly-amour dont Janelle vient chanter les louanges (Cause you’re the one, you’re the one/Double the fun, triple the time for love). Enfin, la ballade "A Dry Red" revient sur ce summer of love (Meet me in the back near the shower/You and I in the summer breeze) avec une production très épurée sur laquelle la guitare acoustique, les percussions et les flûtes se font douces comme un dernier au revoir.

Une chose est sûre, les rythmes ensorcelants de cet album feront la part belle de cette quête de tous les délices qui vaut parfaitement son 4,5. Janelle MONAE a laissé de côté son côté geek et ses ordis - le temps d’un été en tout cas - puisque toutes les chansons de The Age Of Pleasure s’écoutent comme la soundtrack d’un rêve ou d’une nuit d’été, dotés d’une beauté presque surnaturelle.