World Music Radio, sorti durant l'été 2023, a beau être le 6ème album solo de Jon BATISTE, le nom du musicien ne vous dit peut-être rien… ou alors vous l’avez peut-être connu avec son groupe STAY HUMAN pendant ses sept ans à officier sur la partie musicale du Late Show With Stephen Colbert, sur la BO du film Disney Soul, grand gagnant aux Grammys l’an dernier pour son album We Are (9 nominations, 5 victoires dont celle de l’album de l’année, volant ainsi la vedette à nos artistes mainstream préférés comme Billie EILISH, Doja CAT, Kanye WEST ou encore Taylor SWIFT), ou alors vous l’avez connu comme moi cette année en featuring sur "Candy Necklace" de Lana DEL REY.

Bref, BATISTE, originaire de la Nouvelle-Orléans, ne s’est clairement pas arrêté depuis son master en jazz obtenu dans la très célèbre école new-yorkaise Julliard. Cette fois, il nous revient sur cet album concept de 21 titres qui se veut destiné à tout le monde et qui s’ouvre sur l’introduction aux synthés "Hello, Billy Bob", dont le personnage nous accompagne sur toute l’heure à venir. La ligne de basse lente de "Raindance" s’emporte rapidement sur les sonorités trap, reggae et pop de cette chanson entraînante où le groupe amérindien NATIVE SOUL s’allie à notre musicien du sud.

Jon nous concocte un vrai melting-pot à l’internationale sur la pop de "Be Who You Are" sur lequel il collabore non seulement avec le rappeur américain JID, le girlband de K-pop NEWJEANS mais aussi le chanteur colombien CAMILO ; notre musicien a bien compris ce qui fonctionne dans l’univers musical actuel et ça donne une pop toute joyeuse en trois langues plutôt très sympa. BATISTE revient seul sur l’excellent titre "Worship", l’orgue tout en crescendo qui se transforme rapidement en beat électropop qui mélange habilement sonorités africaines, rythmes latino et des influences plus funky par moment, de quoi raviver l’humeur de tous les bougons du coin (I got new fire/I got new tires/I’m so alive you know it makes me say/It’s only you that makes me all I am).

Notre hôte Billy Bob nous présente la prochaine collaboration au début de la fantastique ballade "My Heart" : cette fois, c’est la chanteuse et tromboniste espagnole Rita PAYES, dont la voix pleine de sensibilité chante sur une instru à tendance mi-lofi, mi-jazzy. Si ce début d’album est plutôt un sans-faute, "Drink Water", le titre suivant me perd un peu par ses influences dance trop génériques à mon goût.

Le single "Calling Your Name" et ses synthés 80s font de cette chanson un moment très chill du disque, presque un peu trop ! BATISTE met ensuite à l’honneur le saxophoniste américain Kenny G sur un joli solo jazzy dans "Clair De Lune" avant de reprendre les rênes du projet le temps de la ballade au piano « Butterfly », dédiée à sa femme atteinte d’un cancer (You’re butterfly/Color scheme from a dream/A tapestry to soul supreme).

"17th Ward Prelude" ouvrira l’un des meilleurs moments de l’album : la collaboration "Uneasy" avec Lil WAYNE, lui aussi originaire de la Nouvelle-Orléans, où le rappeur joue de la guitare sur le battement accrocheur et splendide du piano virtuose de Jon. C’est un mix de genre comme on en voit peu, entre r’n’b, jazz, rap et soul, et c’est carrément réussi.

"CALL NOW (504-35-8269)" et sa pop aux influences disco sonnent comme l’intermède musical d’une émission télé des années huitante, suivi du claviériste français CHASSOL sur une piste qui porte son nom pour re-introduire Jon qu’on retrouve sur le beat disco et la batterie rock de la chanson "BOOM FOR REAL", superbe avec sa clarinette et ses paroles pleines d’optimisme (The calm before the storm/My love will keep you warm/I pray in the night away/I spray in the night away/That’s boom for real, you know the deal).

Jon revient calmer le jeu par un solo de piano sur "MOVEMENT 18´ (Heroes)" avant de s’envoler sur l’instrumentation country ultra cool et riche de "Master Power" (From the concrete grew a flower/Don’t forget about your master power). On redescend doucement sur la ballade piano-synthés aux influences soul "Running Away" en duo avec la chanteuse anglaise Leigh-Anne du groupe LITTLE MIX, avant de boucler la boucle au piano sur le dernier chapitre (ou presque), "Goodbye, Billy Bob".

Ça sent la fin, mais BAPTISTE nous garde encore pour trois dernières chansons, tout d’abord le solo de piano incandescent "White Space" ; puis accompagné d’un bel ensemble de cordes sur "Wherever You Are", interprété comme dans un club de jazz avant de clore le projet sur la ballade "Life Lesson" en duo avec sa copine Lana DEL REY. Les violons et les harmonies de la belle viennent apporter au piano cette touche mélancolique pour laquelle elle est si connue.

Faire de la musique pour tout le monde était un pari risqué pour notre multi-instrumentiste de 37 ans, mais il faut bien l’avouer c’est beau, c’est simple tout en étant complexe et dense. Un mix de jazz, de pop et de r’n’b que BATISTE accorde avec justesse à des teintes de musique africaine et latine tout en y ajoutant des touches gospel, country, K-pop… qui dit mieux ? C’est improbable et pourtant, il y a une vraie continuité dans World Music Radio, un projet dont la créativité ne fait que de monter en flèche, loin d’un jazz parfois végétatif.

Note réelle : 4,5