Quatrième album d'Ameylia SAAD WU, harpiste-chanteuse lyrique navigant entre Réunion et sud français métropolitain, De Terre et d'Étoiles est une collection de morceaux venus d'horizons différents de la part d'une amoureuse d'oeuvres épiques. Rien d'étonnant donc à ce que, sur la photo de pochette, elle entoure une harpe celtique d'un côté, une épée de l'autre.

Les titres proposés sont des compositions à la harpe ("De Terre et d'Étoiles", la suite des "Amants Papillons"), des emprunts à la pop celtique ("The Mummers' Dance" de Loreena McKENNITT) aussi bien qu'au metal symphonique ("Sleeping Sun" de NIGHTWISH), des séries télévisées (Game of Thrones) voire des jeux vidéos (The Elder Scrolls V: Skyrim).

C'est "The Mummers' Dance" qui ouvre le bal, avec un (h)arpège qui suit le chant de manière plutôt simple pour les couplets, puis plus fourni au moment des refrains. Le talent d'Ameylia SAAD WU pour revisiter les classiques avec ses propres arrangements n'est pas un secret, et on le retrouve dans un style tout à fait éloigné avec "Somewhere Over the Rainbow", version originelle du Magicien d'Oz. De quoi permettre aux envolées lyriques de la chanteuse de fleurir, même si on s'écarte des contrées nordiques, pour toucher les étoiles avec un certain bonheur.

Il en va tout autant de ses compositions personnelles, que ce soient "Les Amants Sacrifiés" ou bien la mélodie-éponyme de l'album, avec leurs alternances d'humeurs à la harpe seule : thème médiéval romantique et joli ("Butterflies Romance"), danse sensuelle ternaire avec de l'allant ("De Terre et d'Étoiles"), rêverie à tâtons toute sensible ("Ciel") ou encore cascade de notes cristallines, cymbales aux doigts comprises - sagattes, populaires de la Turquie à l'Egypte - et jeux de frottements ("Plastic Dragon").

C'est donc un nouveau voyage en beauté que nous propose Ameylia SAAD WU, avec quelques notes de soleil méditerranéen mais surtout néanmoins des envolées polaires ou des contemplations d'aurores boréales. En tête de ces prestations-là, on peut noter l'hommage à Skyrim et à son esprit dark fantasy médiévale, chant nordique dédoublé seulement avec harpe, mais il y a encore mieux. "Rolandskvadet", avec Marie Flamme (qui côtoie les deux soeurs Ameylia et Audrey SAAD WU au sein du collectif MYRIAS) génère un duo remarquable fait de chant scandinave ancien et roulé (kulning) pour une interprétation norvégienne populaire de notre "Chanson de Roland" (XIème siècle). Hautement enchanteur !

Dans les thèmes restants, en revanche, il y a le côté parfois 'trop' différent qui peut poser problème, notamment parce que la talentueuse artiste choisit de s'accompagner de bandes sonores collant aux versions d'origine. À défaut de jouer vraiment ces titres à l'identique mais en groupe, de nouveaux arrangements avec un minimum de claviers voire percussions en plus de la harpe aurait été préférables et pour rester dans le ton de l'album. C'est d'ailleurs le cas de la reprise du générique et thème principal de Game of Thrones, valse imparable au summum du registre épique, dont la version harpe seule ici montre la frontière parfois ténue entre cultures nordique et celtique.

Passons vite sur la "Diva Dance" que l'on doit à Eric SERRA pour le film Le Cinquième Élément de Luc BESSON (1997) et ses grosses rythmiques funk agressives en version live, instant bref placé en fin d'album et anecdotique, pour lui préférer "La Réminiscence des Valkyries", plus adaptée au registre d'Ameylia SAAD WU malgré toujours ce son industriel massif. Il s'agit d'une avant-première puisque le film dansé Valkyrja d'Anastasia Lihnka et dédié à Alanna, héroïne guerrière viking des légendes, dont cet air constitue la bande sonore, doit sortir cette année. Le magnifique "Sleeping Sun" des débuts de NIGHTWISH, comme directement repris du disque Oceanborn (1998, vingt-cinq ans déjà, bigre) avec Tarja Turunen en moins, est également bien taillé pour la voix de notre chère artiste, en comptant les choeurs par elle-même.

Note réelle : 3,5