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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  B.O FILM/SERIE

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- Membre : Bande Originale De Film

Eric DEMARSAN - La Candide Madame Duff (mocky) (1999)
Par MARCO STIVELL le 29 Février 2024          Consultée 591 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

La seconde moitié des années 90 de Jean-Pierre Mocky est encore maudite comme l'a été Noir Comme le Souvenir (1995), même si en moins tragique. En 1997, il propose la comédie légère Alliance Cherche Doigt, avec François Morel (des Deschiens) et Guillaume Depardieu (un 'fils de' à problèmes mais qui s'est bien défendu), pas moins de quarante-deux actrices (même si Mocky est parvenu à refuser Monica Bellucci), sur les agences matrimoniales et ceux qui les fréquentent. Film qui n'a pas trouvé son public (difficile de faire face à soi-même, même à travers un écran), tout comme Robin des Mers, 1997 aussi. Tourné à Saint-Malo, ce dernier revisite le mythe de Robin des Bois avec un acteur-enfant (Pierre Caralp) qui oeuvre pour les licenciés et chômeurs face aux politiques locaux véreux. En plus de la censure habituelle, Mocky a eu beau offrir des places réduites dans son cinéma aux syndicats CGT, FO etc, il dit n'avoir obtenu aucun soutien d'eux.

Après ces deux films aux musiques plutôt empruntées et peu travaillées (bien drôle quand même, ce thème new-age/world féminine tellement 90's au générique final de Robin des Mers), 1998 est l'année qui marque, dans son équipe, le retour pour le moins notable du compositeur Eric DEMARSAN. Rappelez-vous L'Ombre d'une Chance, L'Ibis Rouge et Le Roi des Bricoleurs, tous trois dans les années 70 ! Un vrai retour aux affaires pour celui qui, malgré des efforts pour Patrice Leconte et Sébastien Japrisot, s'était absenté depuis dix ans. Avec Mocky, il enchaîne quatre derniers films, dont Vidange (1998), film noir francilien toujours tourné à l'encontre des décideurs (politiciens, mais aussi clergé). Marianne Basler, avec des airs très Isabelle Huppert, y tient un rôle remarquable de juge d'instruction très active, surveillée et courtisée par Mocky en sbire de ministre.

DEMARSAN ponctue Vidange d'un nombre incalculable de valses diverses jouées aux synthétiseurs ; de quoi faire un rapprochement avec L'Ibis Rouge. Encore une fois, le film, pourtant programmé par Canal+ (le jour de la mise en examen de Dominique Strauss-Kahn), est reporté à une heure plus tardive et ne sera pas vu. Tout Est Calme (1999) lui fait directement suite pour l'ambiance, certains acteurs, sauf que cette fois, dans les rouages macabres, il y a une communauté-secte qui vit recluse dans une forêt (Mocky a déniché près de Montbéliard une vraie ville 'sous terre' datant de la Première Guerre Mondiale) et qui commet des assassinats depuis des siècles (Ravaillac etc.) sur des puissants, mais aussi 'sur commande'. Mocky y retrouve Patricia Barzyk pour la première fois depuis La Machine à Découdre (1986) tandis que DEMARSAN use beaucoup de thèmes folkloriques d'Europe centrale-germanique, et fait rentrer pas mal de guitare acoustique.

Quand ils font ensuite La Candide Madame Duff (1999) ensemble, la formule semble redevenir plus simple mais pour un meilleur rendu. Adapté du roman de l'auteure américaine Elisabeth Sanxay Holding (1946), émule d'Agatha Christie mais soutenue par Alfred Hitchcock et la Série Noire en France, ce film traite d'un monsieur Duff, héritier perfectionniste autant que magouilleur, et de sa femme douce, parfaite (jouée par Emilie Hébrard, touchante blonde hitchcockienne justement) mais sur qui il est plein de soupçons, surtout quand il voit comment elle est abordée par leur chauffeur. De là, une intrigue se noue, avec Barzyk de nouveau, meurtres, filatures, inspecteur de police (Dick Rivers dans son premier rôle au cinéma, chose étonnante) etc., tout en sachant que monsieur Duff (joué par Mocky) est lui-même surveillé par sa tante aristocrate, accessoirement lesbienne (superbe Alexandra Stewart, actrice canadienne et ex-femme du réalisateur Louis Malle).

Ce film est une réussite, pour son déroulement comme ses décors parmi les plus beaux de Mocky, maritimes qui plus est, idem que Saint-Malo pour Robin des Mers mais avec un bien meilleur équilibre fond-forme, puisque la majorité du tournage est près de Cherbourg-en-Cotentin, sur les côtes de Fermanville dans le Val de Saire, avec le fort/hôtel-restaurant du cap Lévi. Meilleure région de France avec la Bretagne et, bien sûr, la Provence. Et une bonne part du public même non connaisseur de Mocky peut reconnaître l'oeuvre au tournage tumultueux (parmi tant d'autres pourtant), impatiences et fanfaronnades du réalisateur, engueulades marrantes avec Edmond Richard son directeur-photo dont l'émission TV Strip-Tease a gardé un document précieux. Reste donc l'apport de DEMARSAN à mentionner, pour ce cocktail qualitativement savoureux.

Un chant féminin en vocalises fermés, celui de la 'candide' Régina Duff, parcourt seul et suavement les premières images ; on le réentendra durant ses scènes coquines de douche puis à la fin du film, son dénouement très théâtral. Entre les deux, la beauté et la nostalgie qui découlent de ces quelques notes sont exploitées différemment, d'abord de manière un peu 'country' à la guitare acoustique en balancement et toujours en finesse. Pour révéler une progression mature – par rapport aux films précédents, années 70 comme 90 -, DEMARSAN attend la troisième évocation du thème pour faire entrer les claviers, et encore toujours avec un certain dosage puisque c'est un piano honky-tonk/saloon qui l'interprète cette fois.

Toujours est-il que c'est franchement convaincant, plaisant, dans le fond comme la forme. Comme si chaque film alors devait avoir un lien direct, il y a ensuite une variation toujours avec le clavecin, mais aussi un accordéon semblant directement sorti de l'oeuvre précédente, pour une mélodie supplémentaire. La guitare acoustique revient vite quand Mocky/Jacob Duff constate le rapprochement entre sa femme et son chauffeur, ou ensuite bien plus tard durant la dispute de couple dans un cadre de rêve. Preuves que le compositeur diversifie joliment les ambiances et occupe l'espace sonore avec un équilibre notable (là encore, eu égard de certains vieux films du réalisateur), tout en restant dans un matériau limité et un souci de parcimonie.

Le thème le plus synthétique s'avère être le plus noir, avec une mélodie grave de clavecin en mode dorien (souvent employé dans le folklore celtique 'triste'), augmenté de basse et cordes programmées, que l'on pourrait vite cataloguer comme cheap mais pas beaucoup plus que ce que YARED proposait en 1987 et 1995 pour Mocky, avec un beau degré de qualité. On l'entend souvent la nuit, notamment quand Mocky/Duff tue bien involontairement 'monsieur Paul', devant son 'bungalow' (le fort Lévi, dominant la Manche). En tout cas, la charte du film noir est respectée comme il se doit, ne serait-ce qu'avec ce seul thème.

Il y a une poignée de variations dont on se délecte, notamment une plus baroque, avec le clavecin sans synthétiseurs cette fois. Le seul point que l'on peut reprocher dans la partition demeure un trop grand rapprochement dans les deux-trois fois où ce thème 'noir' est joué un peu avant l'arrivée du dénouement. Mocky fait du Mocky et ne saurait totalement se mentir, que ce soit dans les scènes décalées qui lui correspondent tant (celle du détective privé, Dick Rivers et son jeu tremblotant), que dans les montages hachés : pourquoi couper si vite ce plan magnifique nuit extérieur d'ensemble sur le fort Lévi et le ressac ? À noter d'ailleurs, plus que jamais chez lui, la présence des mouettes et goélands, pour une part sonore autrement appréciable.

Ce n'est pas peu dire, mais dans les brièvetés voulues comme telles par Jean-Pierre, cette B.O comporte quelques douceurs improvisées que l'on aurait tort de bouder. D'abord, le couple d'airs romantiques au piano 'joués' par Patricia Barzyk, au rôle de gouvernante remarquablement classe et discret (son préféré pour Mocky), durant des scènes d'intérieur dans de splendides demeures qui en valent bien d'autres dehors. Ensuite, puisqu'on parlait de Bretagne, de celtitude : la jolie mélodie, pourtant d'une longueur ridicule en soi mais dont on n'arrive même pas à se plaindre, lorsqu'on découvre que 'la candide madame Duff' fait aussi ses affaires de son côté.

On pense à la harpe bardique faite d'élégance ornementée, en particulier de MYRDHIN, alors qu'en réalité, DEMARSAN fait appel à Martial Murray, un Haut-Normand (Evreux) plutôt que Bas et spécialiste français de la cithare. Même effet enchanteur, avec un arrangement double cette fois et sur une autre impro, lorsque Dick Rivers/l'inspecteur découvre le corps de 'monsieur Paul' sur la plage (dans laquelle il n'était pas bien content de salir ses Santiags, comme on le voit dans Strip-Tease). Enfin bref, Mocky a beau vanter les mérites de son film précédent et considérer celui-ci comme mineur à côté, La Candide Madame Duff est à la fois 'très lui-même' et remarquable pour ces multiples qualités, sans censure cette fois et succès en prime, à point pour lui faire terminer les XXème siècle et second millénaire.

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   MARCO STIVELL

 
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- Eric Demarsan (compositions, orchestrations)
- Martial Murray (cithare)


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