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JAZZ  |  B.O FILM/SERIE

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- Membre : Bande Originale De Film

Eric DEMARSAN - Le Cercle Rouge (1973)
Par K-ZEN le 27 Février 2022          Consultée 656 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

J’ai coutume de dire qu’en termes de films sur la Résistance, vous avez deux écoles. Si vous voulez plutôt dédramatiser la chose sur du second degré, prenez Papy fait de la Résistance. Si, en revanche, vous préférez être pris aux tripes, n’hésitez plus, foncez visionner L’Armée des Ombres.

Avec ce long-métrage, Eric DEMARSAN et Jean-Pierre Melville sortaient tout juste de l’incroyable. Le film, d’une noirceur d’encre, avait rencontré le succès ; en outre, le réalisateur avait visiblement apprécié le travail sonore du compositeur, le lui répétant à plusieurs reprises. Pourquoi changer alors ? C’est pourtant ce qu’il décide… Je vais tourner un nouveau film. Vous n’en composez pas la partition. J’ai contacté Michel LEGRAND….

Et puis, tout compte fait, le travail de LEGRAND ne lui convint pas. Il rappela ainsi logiquement DEMARSAN. Celui-ci ne répondit pas aussitôt, ignorant les désaccords entre les deux hommes et ne voulant pas être trop prompt à sauter sur l’occasion. Un coup de fil élégant du compositeur le décidera finalement.

Plus abstrait et symbolique que L’Armée des Ombres, Le Cercle Rouge est un film glacé sur les relations humaines tissées entre quatre fortes personnalités : deux truands, à la libération légale (Corey, incarné par Alain Delon) ou 'anticipée' (Vogel, joué par l’inoubliable Gian Maria Volonté), un policier aux méthodes expéditives et passé trouble (Mattéi alias Bourvil) et un ancien flic tireur d’élite devenu alcoolique (Jansen, incarné par Yves Montand). La première impression, celle de deux camps bien distincts, ne tient pas très longtemps, la frontière entre bien et mal s’avérant poreuse, Jansen jouant le parfait presse-livres entre les deux entités.

Pour son œuvre, Melville voulait une musique minimaliste, dans l’esprit du MODERN JAZZ QUARTET. En guise d’illustration, il fit écouter à DEMARSAN la bande-originale du Coup de l’Escalier signée John LEWIS. Voilà la couleur dont j’ai besoin !. Sa demande était simple : la musique devait faire ressentir l’idée d’engrenage, de fatalité. Le compositeur se souvient ainsi d’une séquence précise où Delon est dans un ascenseur et on voit passer furtivement la lumière de la cage d’un étage à un autre. Melville lui lance alors : Cette image, c’est une prémonition de la mort. Votre musique doit nous la faire pressentir….

Cet étau se resserrant autour de nos protagonistes, ce sont ces notes de piano graves empruntées aux essais avant-gardistes signés Herbie HANCOCK accompagnant la battue battant son plein en forêt. Plus qu’en cercle, les chasseurs avancent en ligne compacte, à la recherche de leur proie. L’homme, en fuite, les tempes en sueur, se décide à traverser la rivière ; les chiens ne pourront le suivre dans son enfer privé. Presque gothique, avec des vents exerçant une pression croissante jusqu’à l’explosion, "Vogel s’enfuit", aux lointains accents contractés à SHUB-NIGGURATH déjà ("La Nef des Fous"), est l’incontestable climax de la bande-originale.

"Sur les Toits" convoque les mêmes ingrédients pour un autre drone inquiétant en altitude, brisant le silence du dédale entre les immeubles. Alors que le carreau est vaincu, le gardien doit suivre son sixième sens, rejoindre les toilettes. Mais il n’en fera rien, le casse aura bien lieu. "Les Habitants du Placard" accompagne l’ultime delirium tremens de Jensen. Un fragment terrifiant, vrillant la cervelle. Heureusement, le téléphone sonne pour le sortir de là. Réponds ! Vite !

"Quand les Hommes ont rendez-vous", "Avant le Casse", "Cercle Désincarné". D’autres vignettes maintenant cette gravité, cette inquiétude tout au long de la partition, que même les moments plus légers n’arrivent pas à rééquilibrer. Les notes romantiques envoyées par l’autoradio de l’auto neuve durant le "Voyage de Corey", la musette d’ "Un Indicateur Scrupuleux", le big band flamboyant accueillant le nouveau Jensen désintoxiqué dans la boîte de nuit pour le rendez-vous avec Corey ou le méditatif "Avenue Paul-Doumer", illuminé par le vibraphone et symbolique des rêves inaccessibles.

Pour le final, la symétrie du cercle doit s’appliquer, la citation introductive attribuée à Râmakrishna s’exécutant : Çakya Muni le solitaire dit Sidarta Gautama le sage dit le Bouddah se saisit d’un morceau de craie rouge, traça un cercle et dit : - Quand les hommes, même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents ; au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge. Citation illustrant d’ailleurs parfaitement d’entrée la notion d’inextricable engrenage sur le point de se mettre en branle.

Le thème doit ainsi avoir déjà été entendu précédemment. C’est pour cela que Melville refusa la première version du final, orchestrée et ample ("Final Inédit (version 1)") au profit d’une plus dépouillée en quintet ("Final Inédit (version 2)"). Une mélodie simple et repliée sur elle-même illustrant la tristesse du devoir accompli, des vies brisées, ou gâchées à la consécration de ce qu’elles ne devraient pas. Le commissaire Mattéi est-il encore un homme après avoir tendu un tel piège mortel et machiavélique ? Peut-être au sens que l’entend l’inspecteur général des services. Les hommes sont coupables. Ils viennent au monde innocents, mais ça ne dure pas. Une phrase revenant plus tard, implicite piqûre de rappel, pour ce que sont les derniers mots prononcés du film. Tous les hommes, monsieur Mattéi. Un bien sinistre présage en guise de conclusion.

Terne. Peu de soleil sinon du brouillard le recouvrant. Nocturne. Austère. Avant-dernier film de Bourvil, condamné par la maladie et crédité pour la seule et unique fois de sa carrière de son prénom dans le générique, ainsi que de son géniteur Jean-Pierre Melville, Le Cercle Rouge est une puissante et funeste pulsion de mort à retardement, partageant cette caractéristique avec Stalker, méditatif chef-d’œuvre russe préfigurant l’horreur et les conséquences de Tchernobyl et emportant dans le cancer une partie de ses protagonistes.

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- Eric Demarsan (composition, direction d’orchestre)
- Daniel Humair (batterie)
- Guy Pedersen (contrebasse)
- Georges Arvanitas (piano)
- Bernard Lubat (vibraphone)
- Raymond Guiot (flûte)
- Joss Baselli (accordéon)


1. Le Cercle Rouge
2. Quand Les Hommes Ont Rendez-vous
3. Mattéi Et Santi
4. Avant Le Casse (version 1)
5. Le Voyage De Corey
6. Vogel S’enfuit
7. Avant Le Casse (version 2)
8. Sur Les Toits
9. Corey Et Jansen
10. Les Habitants Du Placard
11. Le Cercle Rouge (version Rapide)
12. De La Prison Au Train
13. Barrage Policier
14. Corey Et Vogel
15. Cercle Désincarné
16. Avenue Paul-doumer
17. Razzia Chez Boucheron
18. Un Indicateur Scrupuleux
19. Melvillade
20. Final Inédit (version 1)
21. Une Blonde Indicatrice
22. Corey Et Mattéi
23. Corey Revient Chez Lui
24. Le Parc
25. Final Inédit (version 2)



             



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