Ce second opus de PATTO se négocie actuellement entre 200 et 1500 €, un prix en rapport avec sa rareté et l’état de sa double pochette. Recherché par de nombreux collectionneurs, on conseillera aux amateurs de se pencher sur la réédition en format CD publiée en 1993 par Repertoire Records ou celle d’Esoteric Recordings en 2017 proposant un second CD de 11 titres enregistrés pour la BBC sous la houlette de John Peel.

Le premier disque du groupe, à l’instar de nombreuses galettes éditées par Vertigo, ne s’est pas bien vendu, la faute principalement à une promotion en berne. Fin 71, leur manager Muf Winwood parvient à convaincre le label de renvoyer le groupe en studio. Il faut dire que la formation bénéficie d’une bonne aura, le groupe se produit régulièrement en première partie des FACES, de TEN YEARS AFTER et de KING CRIMSON, Robert Fripp n’hésitant pas à citer Mike Patto comme l’un des meilleurs novateurs du moment.

Enregistré à Londres dans les studios d’Island, le groupe enregistre huit nouvelles chansons de son cru. Derrière les consoles Brian Humphries, ingé-son qui a déjà collaboré avec TRAFFIC, The KINKS, FREE et PINK FLOYD est encore de la partie. Mais la plus grosse surprise provient de l’étrange pochette de Roger Dean, illustrateur bien connu pour ses pochettes aux paysages aussi fantastiques que futuristes ((YES, URIAH HEEP, GREENSLADE, GENTLE GIANT ). Ici les personnages prennent une curieuse dimension oscillant entre parodie et contestation, la pochette avant nous dévoilant un soldat issu de l’Empire Colonial, un extraterrestre et un bobby alors que le visuel arrière est représenté par une dame en sous vêtement, un alien sympathique et un hippie tenant deux champignons probablement hallucinogènes, rien de bien révélateur sur le contenu.

Alors que l’Angleterre a vu l’apparition d’albums qui rentreront dans la postérité (Stinky Fingers des STONES, Who’s Next des WHO, Meddle de PINK FLOYD ou Led Zeppelin IV de LED ZEP), Mike Patto et ses compagnons vont prendre encore une fois une direction bien différente en orientant encore une fois leur répertoire vers un mélange de Jazz Rock Bluesy, prenant à contrepied les tendances du moment.

Comme son prédécesseur, le disque débute en fanfare avec "Hold Your Fire" *, titre qui tient autant du Jazz Rock que du Blues Psy. Vu la longue durée du morceau (plus de 8 minutes) Vertigo ne publiera pas de 45 tours. La voix rauque, le jeu de guitare explosif et inspiré et l’humour cynique de Mike Patto sont des modèles du genre. Si la rythmique se révèle délicieusement métronomique et si la basse imprime un groove irrésistible, le final tient autant de l’impro que d’un titre structuré. On retrouvera trois ans plus tard une intro quasi similaire sur le titre « Ohio » de Neil YOUNG.
La formation laisse retomber la pression avec "You, You Point Your Finger", un titre dans lequel la voix fait encore merveille alors que la guitare d’Ollie Halsall témoigne d’une douceur insoupçonnée. Mais c’est à partir de "How’s Your Father" qu’on réalise que la production plus souple contribue à apporter une plus grande symbiose entre les trois instrumentistes, Halsall se montrant déterminant aussi bien à la guitare qu’au piano. Cette face A s’achève sur une note plus dynamique avec "See You At The Dance Tonight", une combinaison de Pub Rock et de Boogie Blues à mi-chemin entre les FACES, DUCKS DELUXE et BRINSLEY SCHWARZ dans laquelle Halsall balance un monumental solo de guitare en plein milieu.

"Give It All Away" continue sur une lignée similaire, sauf que la guitare d’Ollie Halsall s’offre un solo encore plus époustouflant dans une veine Jazz Rock rappelant le phrasé de Jeff BECK. Changement total de cap avec l’étrange "Air Raid Shelter", une longue plage de 7 minutes, prétexte à un mélange de Jazz Rock et de Free à cheval entre le MAHAVISHNU ORCHESTRA et HENDRIX. Un titre qui risque de désarçonner certains auditeurs adeptes de sonorités plus mélodieuses et ordonnées. Retour à une compo plus agencée avec "Tell Me Where You’ve Been", la basse se fait plus groovy presque funky plaçant la guitare sur de bon rails. Si Mike Patto toussote en tout début d’album (gros fumeur, il décèdera d’un cancer de la gorge) la rythmique avec une batterie qui ne cesse de relancer la machine alors que la guitare s’offre quelques flamboyances entre un jeu à la Jeff Beck et ceux de Joe Beck et John McLaughlin. Enfin, en guise de pousse café, le combo nous délivre une gracieuse pépite de Jazz Rock avec "Magic Door", Ollie Halsall mettant la guitare en retrait au profit du piano et du vibraphone, instrument contribuant à apporter un cachet bien particulier.

Si ce second disque ne se vendra pas mieux que son prédécesseur, il permettra au groupe d’entreprendre une longue tournée américaine, ouvrant principalement pour Joe COCKER. S’il demeure parfois ardu de comprendre le sens de certaines paroles, Mike Patto faisant preuve d’un humour caustique et de jeux de mots nous échappant, cet album méconnu se démarque aventureusement de la production anglaise du moment. Le disque sera commercialisé aux Etats Unis avec une autre pochette sous la bannière de Vertigo mais distribué par Mercury. Alors que deux mouvements distincts se détachaient du paysage sonore britannique avec d’un côté le Rock Prog emmené par KING CRIMSON, YES, PINK FLOYD et de l’autre le Hard Rock avec BLACK SABBATH, DEEP PURPLE ou LED ZEP en figures de proue, Patto révolutionnait à sa manière le son et les modes refusant de rentrer dans les cases.


*Titre homonyme à celui de Firehouse et à l’album de Rush.