Suite à son premier album Alarme (1979) et au simple Hold Up! / November Song (1980), le groupe KASHMIR, toujours soudé autour de Patrice Guenat et d’Henry Dubelly, publie un second album Histoire Cruelle en 1982. Bien que n’étant pas enregistré aux Mountain Studios comme le fut le premier album, Histoire Cruelle bénéficie d’une instrumentation variée et d’une production opulente, reprenant le chant, les cuivres, la base rock et les claviers massifs de Alarme, mais délaissant heureusement l’ensemble de cordes.

Ce qui différencie cet album de son prédécesseur est sa structure beaucoup plus éclatée ainsi que sa qualité. Là où Alarme! subissait une grosse rupture de tension en cours de route pour finir en eau de boudin, Histoire Cruelle a plutôt des allures de montagnes russes. Le très bon y côtoie l’insignifiant, parfois même au sein d’un morceau. L’ensemble est ponctué de moments convaincants tels que les rocks très classiques mais efficaces de "Imagination" et "Prélogie", monté comme un faux live et à la mélodie curieusement proche des premiers SYNERGY, mais aussi le mid-tempo "Histoire Cruelle" ou encore le planant "Microcosme" (ayant d’ailleurs déjà été rapproché de Klaus SCHULZE, ce que nous nous garderons bien de répéter). Malheureusement, nous devons également nous farcir les ritournelles pauvrettes "Bien Fini" et "Anastasia" (qui reprend le schéma harmonique de "November Song"). Pire, l’excellent thème de départ de "Épilogie" fait place à une ballade vaseuse et (inter)minable.

Passé le septième titre "Histoire Cruelle", il s’ensuit une succession de morceaux courts et bizarres où nous sommes bien en peine de savoir sur quel pied danser, entre l’électronique et drôlatique "I’m Ding Dong", "Memento 21" qui commence comme une ballade romantique avant de virer au pseudo-folk volontairement grossier, "Kampus" qui oscille entre reggae et rock progressif contemplatif, le dramatique mais trop court "Syncope". Jusqu’au final "Tout Va Bien", plus long morceau de l’album. Après une exposition du thème à l’orgue d’église, les trois premières minutes sont une succession d’ambiances assez convaincante, avant une nouvelle chanson pataude et gonflante, à laquelle le groupe essaye d’insuffler une dimension épique, faisant même revenir le thème cuivré de la "Prélogie" (ayant déjà fait office de transition sur "Épilogie"), mais c’est trop tard, la bonne dynamique dramatique du début est brisée.

La batterie et les timbales sont mieux employées que sur le premier album, en particulier lors des passages les plus rythmés. D’autres défauts persistent cependant, en premier lieu l’interprétation souvent mollassonne, pas aidée par le son d’ensemble compact mais peu dynamique, et surtout les paroles. On trouve donc des Ouaiiis, c’est bien fini ou Anastasia, oublie-la répétés à l’envi, et les chansons "Imagination", "Épilogie", "Histoire Cruelle", "Kampus" et "Tout-Va-Bien", aux textes naïfs et chantés de manière peu investie et peu convaincante.

Au final, Histoire Cruelle est un album dont on peut se prendre à apprécier les moments forts mais qui manque de direction musicale. Par la suite, il semblerait que Patrice Guenat et Henry Dubelly aient créé un troisième album Les Reflets Du Lac en 1986, mais celui-ci demeure strictement introuvable.

2 ½ sur 5